PROCREDIT il y a 4 ans, Equity Bank aujourd’hui : la migration est un succès. Dr James Mwangi, CBS, le Chief Executive Officer & Managing Director, ne cache pas sa satisfaction. Arrivé vendredi 2 août à Kinshasa, il a été aussitôt reçu en audience par Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, dans le Domaine présidentiel de la Nsele. Trois heures d’entretien fort enrichissant.
La rédaction de Business et Finances a sollicité et obtenu un rendez-vous pour un entretien exclusif avec James Mwangi. Mais cela n’a pu être possible le même vendredi. C’est dans la matinée de samedi 3 août que ce banquier africain, respectable et bien connu dans le continent, a bien voulu nous recevoir. L’entretien d’environ 30 minutes s’est déroulé au restaurant du 21è niveau de Fleuve Congo Hotel, avec une vue panoramique imprenable sur le majestueux fleuve Congo, l’un des palaces les plus huppés de la capitale congolaise, où sont logés les hôtes de marque de la République.
Convivial, détendu et simple !
D’habitude homme d’une simplicité légendaire, James Mwangi s’est présenté à nous, l’air convivial. Moulé dans une chemise manche courte et un pantalon kaki d’un beau bleu marine, le patron d’Equity avait l’air d’un citoyen comme les autres, et détendu. Simple ! Pourtant, cet homme est assis sur des millions de dollars d’investissements. Après les échanges de salutations et d’amabilités qui ont inévitablement détendu le début de notre entretien, Célestin Mukeba Muntuabu, le directeur général d’Equity Bank/RDC, nous a rejoints.
Quand nous lui demandons de quoi il a parlé avec le chef de l’État, James Mwangi nous parle sans langue de bois : « En toute humilité, je suis allé le remercier pour le développement que nous avons connu en République démocratique du Congo, le féliciter pour la passation pacifique du pouvoir mais aussi à travers lui, féliciter le peuple congolais pour sa patience. » James Mwangi a également félicité le président Félix Antoine Tshisekedi pour le compromis trouvé quelques jours auparavant autour de la formation du futur gouvernement.
En tant qu’Africain et en tant qu’investisseur, dit-il, il était dans son devoir de transmettre ce message au chef de l’État, et à travers lui remercier le peuple congolais pour ce qui a été fait. En effet, sans la paix et la stabilité, poursuit-il, il est difficile de développer les affaires. Et donc, pour toutes ces raisons et bien d’autres, le patron d’Equity est venu à Kinshasa pour annoncer un investissement supplémentaire de 150 millions de dollars.
Avec cet apport, la banque va donc s’atteler à assurer le leadership dans le secteur bancaire, comme au Kenya, afin de permettre à la majorité des Congolais d’avoir accès au système bancaire. Seulement 5 % des Congolais sont bancarisés à ce jour. James Mwangi estime qu’il faut donner la chance aux 95 % des autres Congolais, c’est-à-dire leur donner la possibilité d’avoir accès au crédit. « Être exclu du système bancaire vous prive la possibilité de réaliser votre rêve », souligne-t-il. Le rêve de construire une maison, d’acheter une voiture. Le rêve d’entreprendre, etc. « L’exclusion perturbe le système bancaire », pose le patron d’Equity.
D’où, la préoccupation de stimuler et améliorer davantage l’inclusion financière. En 2015, quand Equity est entrée dans le capital de ProCredit/RDC en rachetant les parts des Allemands avant d’en faire l’acquisition, l’ambition était à la mesure des défis à relever, notamment celui de l’inclusion financière. « Notre objectif est de faciliter l’accès aux services financiers à toutes les personnes qui ne sont pas encore bancarisées dans ce vaste pays », avait indiqué James Mwangi. C’est pourquoi, avec le chef de l’État congolais, il a évoqué la nécessité d’un partenariat avec le gouvernement dans trois grands domaines. Il s’agit, premièrement, de développer un programme d’entrepreneuriat pour les jeunes. Dans un pays où le taux de croissance est élevé, laisse entendre James Mwangi, il faut donner du travail aux jeunes. Il faut canaliser leurs efforts, leur inculquer la culture de l’entrepreneuriat, c’est-à-dire être des promoteurs ou créateurs d’emplois au lieu d’être des chercheurs ou demandeurs d’emplois. Equity entrevoit donc des formations de renforcement des capacités en faveur des jeunes afin de leur permettre d’accéder au crédit bancaire pour réaliser leurs projets.
Ruissellement économique
Deuxièmement, Equity attache une grande importance aux petites et moyennes entreprises (PME) locales. L’objectif, confie James Mwangi, est de leur apporter un appui pour s’incruster dans la chaîne d’approvisionnement, particulièrement dans le secteur minier dominé par les multinationales. Le patron d’Equity trouve normal que les PME locales soient présentes dans la chaîne d’approvisionnement, et c’est même une façon de partager les richesses du pays, verticalement et horizontalement. Bref, il faut créer un écosystème pour que chacun puisse en tirer profit, défend Jacques Mwangi.
Qui note, par exemple, qu’avec sa croissance démographique, son climat et son sol fertile, la RDC est à même de réduire sa trop grande dépendance à la nourriture importée. En collaboration avec le gouvernement, pense-t-il, il est possible de convertir l’agriculture de substance en agribusiness, c’est-à-dire amener les paysans ou agriculteurs à penser marché. C’est une façon de les inscrire dans le circuit économique en tant que producteurs et non pas en tant que consommateurs. Tenez : les villes de Kinshasa et Lubumbashi représentent, à elles seules, 15 millions d’habitants, donc 15 millions de consommateurs. D’après le CEO d’Equity, les deux villes constituent un vaste marché dans lequel les agriculteurs pourront être des fournisseurs. Equity Bank/RDC dit disposer d’un encours crédit d’environ 250 millions de dollars qu’elle a mis à la disposition des entreprises, notamment les PME et les microentreprises du secteur agricole. Pour ce faire, la banque a déployé ses agents focaux dans l’arrière-pays, selon Djedje Kungula Makoso, responsable de l’Unité agrobusiness à Equity Bank. Le secteur agricole emploierait plus de 60 % de la population congolaise. C’est pourquoi, la banque a levé l’option d’accorder non seulement des facilités de financement aux entreprises agricoles mais aussi proposer des orientations à tout entrepreneur du secteur en fonction notamment de la taille de son entreprise. Ainsi, dans l’Est du pays, par exemple, à Kalehe et Bukavu, des microentreprises organisées en coopératives ont bénéficié des prêts dont le plafond est fixé à 2 000 dollars. À Tshela, dans le Kongo-Central, la banque qui se veut un partenaire financier toujours à l’écoute de ses clients, a notamment financé la relance des cultures de café et cacao, grâce notamment à l’accompagnement des ONG. Aujourd’hui, explique Djedje Kungula, les caféiculteurs qui ne pouvaient pas remplir un seul conteneur, réalise une production de 5 conteneurs.
Troisièmement, la RDC est un pays intégré, connecté de routes avec les pays voisins : la Tanzanie, la Zambie, le Rwanda, la Zambie, le Burundi, l’Angola et le Soudan du Sud. Selon James Mwangi, cette position géostratégique place la RDC en pool position dans la réalisation du vaste projet de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), à laquelle Equity apporte son appui. En considérant le mapping de toutes ces routes, fait-il observer, l’on se rend compte que l’Est de la RDC est une région privilégiée. On peut, par exemple, y produire de l’électricité, faire le commerce du bois, du café, etc.
Quatrièmement, dans le partenariat avec le gouvernement, James Mwangi plaide pour une stratégie de transformation. Une vraie politique qui mise sur la valeur ajoutée, par exemple, des minerais. Ce serait une voie dans la bonne direction, estime-t-il. Pour lui, les mines du Congo ne sont que des mines d’extraction et non de production. Il faut donc changer de paradigme, à l’instar du Botswana qui se concentre sur les produits semi-finis.