CERTAINS agents de la compagnie aérienne nationale Lignes aériennes congolaises (LAC) en liquidation ont désapprouvé les méthodes qu’ils jugent « ténébreuses » du comité de liquidation. D’aucuns ont même sollicité l’intervention de Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le nouveau 1ER Ministre, et de Clément Kuete Nimy Bemuna, le ministre du Portefeuille, pour bloquer « cette machine de bradage », pour reprendre leurs propos. Ni l’identité ni le montant versé par le soumissionnaire ne sont connus de tous les agents de LAC.
Faux, d’après cet autre agent qui s’est confié à la presse. Selon lui, Boniface Mudahama Bahati, le président du comité de liquidation de LAC et président des céans, a bel et bien procédé, le 30 août 2019, au siège de la société en liquidation, à l’ouverture des plis relatifs à l’opération de vente des biens immeubles, dont l’appel d’offres lancé le 15 août 2019 (Avis n° CL-LAC/007/2019) avec trois offres à savoir, les installations de LAC à l’aéroport international de N’djili pour usage de bureau et deux immeubles à usage résidentiel situés sur l’avenue Ouganda, respectivement au n° 8 d’une superficie de 1 494,24 m2, et au n°10 d’une superficie 3. 023,53m2 dans la commune de la Gombe.
Il s’est trouvé qu’à l’ouverture des plis, il n’y a eu qu’un seul soumissionnaire, a-t-il fait comprendre. Mais qui est-il ? Combien a-t-il versé ? Ces questions sont restées sans réponse. D’ailleurs, selon les médias officiels, Macaire Nyangombe, chargé de l’opération de vente, a soutenu que la particularité de la vente par adjudication est que le propriétaire n’est pas tenu à révéler le prix de son bien au vendeur et que les offres sont proposées sous plis fermés contrairement à la vente publique, où les offres sont communiquées publiquement, séance tenante.
Anguille sous roche ?
Preuve du climat de méfiance qui règne au sein de l’entreprise en liquidation, Raphael Nzombo, membre du comité de liaison entre le comité de liquidation et les agents approchés, s’est offusqué des accusations qu’il a jugées « non fondées » et de « la campagne de sabotage » orchestrée par certains agents de LAC qui s’emploient, nuit et jour, à décourager les soumissionnaires. Selon lui, ce genre d’habitudes a contribué dans le sens négatif à retarder et freiner le processus de liquidation, alors que l’opération de liquidation profite avant tout aux agents de l’entreprise.
Toutefois, le président du comité de liquidation de LAC estime que les dés sont déjà jetés. D’après Boniface Mudahama Bahati, il n’y a pas eu un avis d’objection à la vente et qu’elle s’est déroulée en présence de Jean René Boongi, le conseiller en liquidation de Wivine Mumba Matipa, la ministre sortant du Portefeuille. Pour le président du comité de liquidation, la présence du conseiller du ministre du Portefeuille suffit pour attester de l’accord de l’État propriétaire de la société pour l’opération de vente du patrimoine de LAC.
Dans la perspective de prochaines ventes des biens meubles et immeubles restants, Boniface Mudahama Bahati a tenu à rassurer les soumissionnaires qui doutent encore de la régularité de ces opérations. Le comité de liquidation de LAC a obtenu, fin 2016, de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), une autorisation spéciale pour une descente dans l’arrière-pays en vue de dénicher tout bien immobilier revenant à l’ex-Air Zaïre.
Tout porte à croire que le comité de liquidation est allé trop vite en besogne: comment peut-on procéder à la vente des actifs d’une entreprise sans au préalable établir l’éventaire exhaustif desdits biens immobiliers ?
Inventaire du patrimoine
Le comité de liquidation avait rejeté l’offre d’une assistance juridique sous prétexte que le cabinet d’avocats sollicité avait demandé le dixième du prix de vente des biens immobiliers de l’ex-Air Zaïre. Déjà, du temps de la Conférence nationale souveraine (CNS), lorsqu’il avait été demandé à l’ancien PDG d’Air Zaïre, Etienne Tshisekedi, d’apporter les titres de propriété de sa résidence sur l’avenue Pétunias à Limete, censée être un bien d’Air Zaïre, la compagnie avait perdu nombre de ses maisons… notamment à Lubumbashi et Matadi.
L’opération de vente des biens et immeubles de LAC a démarré, il y a 4 ans, sur décision du gouvernement Matata contre l’avis du Sénat, qui avait estimé que LAC pourrait encore redécoller. Un Comité de liquidation de LAC, sous la houlette du ministère du Portefeuille, a été mis en place et procède depuis mi-juin 2016, à la mise en vente d’un premier lot de 16 maisons (appartenant à LAC) à Kinshasa. L’opération a été étendue au Kongo-Central, quand Emmanuel Luzolo Bambi, alors conseiller spécial du chef de l’État (Joseph Kabila Kabange) en matière de bonne gouvernance, s’en est mêlé.
Mais sa tentative de bloquer l’opération de vente s’est heurtée à des considérations politiques si bien que le comité de liquidation a poursuivi la vente de toute maison à sa portée. Il dit se fonder, pour ce faire, sur la résolution du procès-verbal n°AGE/003/14 de l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires prise lors de sa session du 12 septembre 2014 portant dissolution et mise en liquidation des LAC. L’État congolais est cependant, à ce jour, actionnaire unique des Lignes aériennes congolaises. Et, le timing pour liquider LAC a été fixé à une année, renouvelable une seule fois.
À l’époque, l’enveloppe globale des décomptes finals a été évaluée à près de 148 millions de dollars, y compris les charges de sécurité sociale, notamment dues à l’ex-Institut national de sécurité sociale (INSS). À ce jour, la vente est allée au-delà de trois ans, et le comité de liquidation se refuse de rendre publiques les recettes déjà réalisées. Que de zones d’ombre pour lesquelles nombre d’agents tiennent à voir clair, convaincus que le comité de liquidation court confusément après deux lièvres. Il paie les décomptes finals alors qu’il peine à faire l’inventaire complet des biens immeubles de l’ex-Air Zaïre.
La question de la vente du terrain actuellement occupé par la Police de circulation routière (PCR) relève du secret d’État, fait-on comprendre. LAC en liquidation l’avait vendu à Rawbank pour 6,237 millions de dollars. Par la suite, l’État actionnaire unique de la compagnie, en fait, le 1ER Ministre Augustin Matata, s’est interposé et a recommandé au comité de gestion de LAC de restituer la somme perçue à la Rawbank. Chérubin Okende, l’ancien administrateur délégué général, devenu opposant et député Lamuka, dira tout le mal du gouvernement dans cette affaire et sera éjecté de son poste.
À Ilunga Ilunkamba, des travailleurs demandent que leurs droits soient respectés conformément aux dispositions du code du travail en rapport avec la faillite ou la liquidation judiciaire d’une entreprise ou d’un établissement. En cas de faillite ou de liquidation, selon le code du travail, les travailleurs ont rang des créanciers privilégiés sur tous les autres, y compris le Trésor public, nonobstant toute disposition contraire à la législation antérieure, pour les salaires dus au titre des services fournis antérieurement à la faillite ou à la liquidation.
Ce privilège s’exerce sur les biens meubles et immeubles de l’employeur. Les salaires doivent être payés intégralement, avant que les autres créanciers ne revendiquent leur quotepart, aussitôt que les fonds nécessaires sont réunis. Hélas, le comité de liquidation jouerait aux banques suisses: tout est secret.