QUEL EST le coût du marché de production de la carte de résident et de la fiche d’identification des étrangers habitant Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo ? À combien sont-ils dans la ville ? L’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) est muette à ce propos. Toutefois, selon une source à la maison communale de la Gombe, la production de la carte de résident est un marché des gros sous et devrait se chiffrer en termes de dizaines de millions de dollars.
Certains observateurs pensent que l’annonce faite par Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo (Fatshi), le chef de l’État, début septembre, lors de l’atelier de validation du Plan national du numérique à l’horizon 2025, selon laquelle la République démocratique du Congo émettra prochainement le visa électronique d’entrée en RDC pour les étrangers, est arrivée à point nommé. Ils pensent également que cela devrait être étendu au visa d’établissement.
En effet, outre la panoplie de visas délivrés par la Direction générale de migration (DGM), à savoir le visa d’établissement spécial de 5 ans et 10 ans, le visa d’établissement permanent, le visa d’établissement ordinaire (commerçant et profession libérale), le visa d’établissement du travail, le visa d’établissement des mineurs et étudiants, celui des épouses étrangères des nationaux, l’Hôtel de ville a ciblé les mêmes étrangers pour leur imposer une carte de résident.
À ce jour, aucun service de l’État n’est en mesure d’avancer un chiffre on ne peut crédible des étrangers vivant en RDC, encore moins dans la capitale. Selon nos sources, les services avaient initié à leur propre compte un recensement des étrangers à Kinshasa, et, naturellement, les résultats n’ont jamais été rendus publics. Il y a 10 ans, en 2009 donc, l’Office international de migration (OIM) avait chiffré à 200 000 le nombre d’étrangers vivant en RDC, dont près de trois quarts dans la capitale, hormis les réfugiés. Récemment, à l’ouverture du forum économique Sultani Makutano 5, le président de la République a déclaré : « En République démocratique du Congo, il est noté qu’environ 26 000 expatriés régulièrement inscrits auprès des services d’immigration, contrôlent plus de 80 % de l’industrie et du commerce formel et paient l’essentiel de l’impôt mobilisé par le pays. Cette situation traduit l’insuffisante appropriation de l’économie par les nationaux. »
Selon des sources bien renseignées, il n’y a point de collaboration effective entre les différents services de l’État en matière de contrôle d’étrangers. La DGM a récemment lancé une campagne publicitaire invitant les étrangers à se faire enregistrer. L’Hôtel de ville n’a pas été associé à la démarche.
Nouveau circuit à la DGM
La Direction générale de migration a dit avoir mis en place un nouveau circuit de perception des visas d’établissement, mais déplore le manque de moyens pour mener régulièrement le contrôle de séjour des étrangers résidant en RDC. Tout porte à croire que dans ce secteur, il y a un désordre parfaitement structuré.
Même au niveau national, le gouvernement ne dispose pas à ce jour d’un mécanisme efficient de contrôle du nombre de visas accordés par les postes diplomatiques et consulaires, ont fait comprendre, lors des conférences budgétaires sur la loi de finances publiques 2018, des experts du ministère des Affaires étrangères. D’ailleurs, l’autorité de régulation des marchés publics a aussi suspendu, fin juin 2019, le système du guichet unique dans les postes d’entrée et de sortie de la ville de Kinshasa. Un marché offert par André Kimbuta Yango, le prédécesseur de Gentiny Ngobila, l’actuel gouverneur de la ville de Kinshasa, à travers un partenariat public-privé, en entente directe (gré à gré) avec la société IDEMA. Rien n’indique que, deux mois après, la nouvelle administration de l’Hôtel de ville respectera ou bafouera cette décision avant dire droit de l’ARMP.
Pour mémoire, les marchés de la production des cartes de résidence et des fiches d’identification pour étrangers habitant la ville de Kinshasa et celui de la mise en place du guichet unique aux postes frontaliers de Kinshasa (aéroport de N’djili, Beach Ngobila, entrée Mitendi…) ont été initialement attribué à la firme Hologram. La convention est d’une durée de six ans représentant trois exercices de deux ans chacun. Conclu le 4 juillet 2011, la convention spécifique de partenariat public-privé n’a été effective qu’en 2013. Cinq ans après, soit le 22 janvier 2018, le directeur de cabinet du Gouv’ Kimbuta notifiera à l’entreprise Hologram la rupture de cette convention. Et par ailleurs, l’Hôtel de ville s’est trouvé un autre partenaire, la société IDEMA avec qui Kinshasa a conclu un marché de gré à gré.
Toutes les démarches menées par Hologram pour ramener l’Hôtel de ville sur la voie de la rationalité et du respect des règles d’adjudication d’un marché public ont été vaines. Même l’ARMP, quoique coiffée par la primature a dû attendre le départ de Kimbuta de l’Hôtel de ville pour suspendre les attributions des marchés sus-évoqués. Suspendre la production d’une carte induit naturellement la suspension jusqu’à nouvel ordre de celle-ci. Pas si sûr dans la logique de la kinoiserie. Affaire à suivre.