PENDANT la période de la Guerre froide, la coopération militaire et technique de l’Union soviétique (URSS) en direction des pays africains d’obédience communiste était très agissante. Maintenant que la bipolarité idéologique Ouest-Est n’existe plus, peut-on dire que les lignes bougent ? Mieux, dans quel état d’esprit la Russie aborde le nouveau départ dans ce domaine ? Aujourd’hui, point n’est besoin de rappeler que la coopération militaire et technique russe a été l’une des sphères majeures de coopération Russie-Afrique.
Y a t il des projets visant à élargir l’interaction dans ce domaine? Le président russe répond : « Oui, effectivement. Les traditions de notre coopération militaire et technique ont des racines profondes. Elle s’est formée aux toutes premières étapes de l’établissement des États africains et a joué son rôle dans la lutte des peuples du continent pour l’indépendance. Et nos partenaires africains l’apprécient hautement. »
Aujourd’hui, des accords de coopération militaire et technique russe sont en vigueur avec plus de 30 pays africains vers lesquels la Russie envoie armes et matériel. En partie, à titre gratuit. D’ailleurs, c’est ce que font d’habitude tous les grands pays du monde. « Il est encourageant de voir que le partenariat militaire et technique continue à évoluer énergiquement. Et souvent ses initiateurs sont les pays africains eux-mêmes qui sont conscients qu’il faut savoir protéger son indépendance et sa souveraineté. Y compris face aux groupes extrémistes et terroristes. De là, une motivation de plus pour l’interaction avec la Russie qui possède une expérience riche de la lutte contre le terrorisme, y compris en Syrie », souligne Vladimir Poutine.
Par ailleurs, le président russe fait remarquer : « Nos partenaires africains participent activement aux forums et manœuvres militaires et techniques, organisés par la Russie où ils prennent connaissance des modèles prometteurs des armes et du matériel militaires russes, de l’expérience de leur emploi. De notre part, nous allons contribuer à la préparation des cadres militaires des États africains et participer à la formation des soldats de la paix africains. »
La problématique de sécurité
Le défi sécuritaire est majeur dans beaucoup de pays africains, ce qui entrave le travail des entreprises russes en Afrique. Quand on demande à Vladimir Poutine s’il allait aborder les questions de sécurité lors du sommet et proposer des mesures pour son renforcement, le président russe répond : « L’interaction dans le domaine de la sécurité régionale reste une composante importante dans les relations de la Russie avec les pays du continent africain. Ce n’est pas par hasard que le slogan de notre sommet est ‘Pour la paix, la sécurité et le développement’. Ne pas résoudre ces problèmes, aucune avancée progressive n’est possible. »
Pour Vladimir Poutine, la situation dans de nombreuses régions de l’Afrique reste instable: « des conflits nationaux et ethniques ne sont pas réglés, des crises aigües sociales et économiques ne s’arrêtent pas. Une activité intense est menée au Nord de l’Afrique, dans la région de Sahara-Sahel, du Tchad et de la Corne de l’Afrique par de nombreuses organisations terroristes, y compris Daech, Al Qaïda, Boko Haram, Al Shabab. Les forces armées et de l’ordre de nombreux pays africains ne sont pas capables de s’opposer seuls aux combattants et ont besoin d’une aide importante. »
Et comment la Russie entend-elle aider les pays africains à surmonter les conflits sur le continent? Là aussi, le président russe a de bonnes idées : « Nous allons élargir les contacts entre les services spéciaux et les forces de l’ordre de la Russie et des pays d’Afrique dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, la propagation des drogues, le blanchiment d’argent, la migration illégale, et la piraterie. La Russie va aussi assurer la formation des cadres militaires nationaux et des agents des forces de l’ordre africaines dans les grandes écoles du ministère de la Défense et du ministère de l’Intérieur, y compris à des conditions préférentielles ou gratuitement. »
Le devoir humanitaire
Et Vladimir Poutine poursuit : « Au cours des cinq dernières années seulement, plus de 2 500 militaires des pays d’Afrique ont suivi des cours dans les établissements de formation militaire du ministère de la Défense de la Russie. Nos partenaires africains participent activement aux évènements organisés par la Russie comme le Forum militaire et technique international et les rencontres des hauts représentants en charge des questions de sécurité. Onze pays africains ont participé aux Jeux internationaux de l’armée ‘ArMI 2019’. Et le nombre de ceux qui voudraient s’y joindre augmente toujours. Finalement, tous ces programmes poursuivent le même objectif : aider les Africains à résoudre eux-mêmes les problèmes existants de la sécurité, ce qui permettra de renforcer les États africains eux-mêmes, leur souveraineté et leur indépendance. Ce qui veut dire que la situation dans le monde entier deviendra plus stable et prévisible. »
La coopération sociale et humanitaire a été l’un des thèmes du Sommet de Sotchi. Pourquoi la Russie veut venir en aide à l’Afrique, alors que les questions sociales sont loin d’être résolues à l’intérieur de la Fédération de Russie elle même? À cette question, le président russe déclare : « L’Afrique reçoit l’aide humanitaire de nombreux États du monde. Et dans chacun d’entre eux, que ce soient les États-Unis, la France, la Chine ou d’autres pays, les problèmes du secteur social, c’est-à-dire de la santé, de l’éducation, de la culture, sont loin d’être résolus. La Russie octroie aussi de l’aide humanitaire aux États africains, mais sans réduire le financement de ses propres programmes. En plus, les bonnes qualités de l’humanisme, de la charité, du soutien au moment difficile sont inhérentes à notre peuple. »
Et de poursuivre : « Par exemple, la Russie, comme beaucoup d’autres États, a accordé son aide aux pays africains frappés du cyclone tropical Idai en avril 2019. Des convois humanitaires russes ont été expédiés au Zimbabwe, Malawi et Mozambique : des tentes multiplace, des couvertures et des produits alimentaires d’un poids de 30 tonnes pour chaque pays. Nous continuons à participer activement à l’assistance intégrée à l’Afrique. »
Ainsi, depuis octobre 2017, la Russie participe à la mise en œuvre au Mozambique du projet du Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) pour la création d’un système d’alimentation scolaire, d’un montant de 40 millions de dollars. Et à Madagascar, un projet est mis en œuvre pour l’introduction des technologies modernes et des équipements de désinfection, d’un montant allant jusqu’à 15 millions de dollars.
Santé publique
Moscou aide aussi « les pays amis » africains dans le développement de la santé publique. Selon le président russe, les maladies transmissibles dangereuses ne connaissent pas de frontières : « Ainsi, la Russie a été parmi les premiers à réagir à l’épidémie de la fièvre hémorragique Ebola en assignant 60 millions de dollars à la lutte contre la maladie. Aujourd’hui, le Centre de recherche microbiologique et de traitement des maladies épidémiologiques fonctionne en Guinée. La Russie a fait une contribution de 20 millions de dollars au programme de la Banque mondiale pour la réalisation de l’Initiative mondiale de la lutte contre le paludisme. Et les exemples sont nombreux. Je veux souligner la participation de la Russie à la lutte contre la pauvreté, les maladies dangereuses, d’autres menaces de caractère global, la prévention des risques potentiels, comme on dit, ‘à distance’, correspond entièrement à nos intérêts nationaux. »