C’EST OFFICIEL désormais ! PSA et Fiat Chrysler Automobiles (FCA) ont annoncé, dans un communiqué commun, jeudi 31 octobre, leur ambition de fusionner pour devenir le quatrième plus grand constructeur automobile du monde, avec 8,7 millions de véhicules vendus chaque année. John Elkann, le président de Fiat Chrysler et chef de la famille Agnelli, en serait le président et Carlos Tavares, actuel président du directoire de PSA, deviendrait le directeur général de cette nouvelle entité. Son siège sera aux Pays-Bas.
État français vigilant
Les conseils d’administration des deux groupes ont chargé leurs équipes respectives de finaliser les discussions et de conclure un protocole d’accord contraignant dans les semaines à venir. « Les discussions en cours ouvrent la voie à la création d’un nouveau groupe avec une taille et des ressources d’envergure mondiale, dont le capital serait détenu à 50 % par les actionnaires du groupe PSA et à 50 % par les actionnaires de Fiat Chrysler », précise le communiqué.
Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie a réagi en disant accueillir « favorablement » ce projet de fusion des constructeurs automobiles. Mais l’État français, actionnaire de PSA, « sera particulièrement vigilant sur la préservation de l’empreinte industrielle en France, la localisation des centres de décision et la confirmation de l’engagement du nouveau groupe sur la création d’une filière industrielle européenne de batteries électriques », a indiqué Bercy dans un communiqué.
Pour rappel, PSA et Fiat Chrysler Automobiles (FCA) n’avaient pas réussi à se mettre d’accord en juin dernier. Des offres de PSA portant sur une reprise de FCA avaient été refusées par John Elkann, le président de la firme italo-américaine, selon des sources officieuses. « John Elkann et Carlos Tavares s’étaient même rencontrés fin août, raconte une source proche du dossier. Mais ça ne s’était pas bien passé ».
Gestion financière en cause
À peine deux mois plus tard, changement complet de décor ! Le patron de FCA est revenu entre-temps à la charge. Et son homologue de PSA, en position de force, n’a pas fait la fine bouche. Pour John Elkann, PSA veut clairement prendre les rênes opérationnelles de l’ensemble qui pourrait être créé. Les conseils d’administration des deux groupes ont approuvé la fusion mercredi 30 octobre, c’est-à-dire le principe d’une alliance entre les deux groupes. Les deux groupes ont du coup confirmé que « des discussions sont en cours en vue de créer l’un des principaux groupes automobiles mondiaux », selon le communique de la firme française.
Fiat Chrysler Automobiles, héritier de l’empire Fiat, détenu par la famille Agnelli, est la résultante d’une série de reconfigurations qui ont été largement plus motivées par des aspects financiers qu’industriels. Faute d’investissements industriels et de renouvellement de la gamme de produits, la branche automobile a failli être vendue une première fois à General Motors au milieu des années 2000. Par la suite, les dirigeants de Fiat ont su profiter des difficultés du Groupe Chrysler, lors de la crise de 2008-2009, pour l’acquérir en 2014 pour environ 6,25 milliards d’euros d’après les rapports du groupe.
En 2018, si on estime que la quasi-totalité des ventes en Amérique du Nord proviennent de l’ex-groupe Chrysler, les performances de cette zone représentent 72 milliards d’euros, soit les deux tiers des ventes du groupe FCA, et 6,2 milliards d’euros d’EBIT (bénéfice avant intérêts et impôts), soit 92 % de son EBIT. L’ex-groupe Chrysler représente donc bien une excellente opération financière pour Fiat. La gestion de la fusion des gammes a conduit à rayer la marque Lancia (hors Italie) et la marque Chrysler en Europe du fait de l’échec régulier des « rebadgings » sur des marques premium : apposition du logo Chrysler (marque généraliste américaine) sur des modèles Lancia, considérés comme premium (luxe et sportivité à l’italienne), tuant cette marque.
Aux États-Unis, la marque Chrysler abandonne progressivement tous ses modèles, faute de renouvellement, pour se consacrer aux seuls monospaces à partir de 2020, qui sont loin d’être aujourd’hui le segment le plus porteur. En Europe, les marques Fiat et Alfa Romeo sont également en manque de nouveaux modèles sur de nombreux segments. La gestion industrielle sans investissement commence donc à atteindre ses limites.
Par ailleurs, le groupe FCA doit faire face aux nouveaux défis des motorisations du futur (électrique, hybride, hydrogène) et de la voiture autonome qui nécessitent d’importants investissements en R&D. FCA recherche activement un partenaire pour combler ses lacunes en matière d’investissements en espérant au passage faire une excellente opération financière pour les actionnaires.
Du côté de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, depuis l’éviction du PDG Carlos Ghosn fin 2018, Nissan qui est sur le point de se trouver un nouveau patron, essaie de peser davantage dans l’ensemble. Le groupe Renault doit surtout sa bonne santé financière à l’alliance avec Nissan et à la constitution d’un business model fortement rémunérateur de voiture à bas coûts avec Dacia. Les réussites de Renault sont également dues à une politique d’investissement et de R&D soutenue, ainsi qu’à une excellente gestion des alliances industrielles.
À l’heure où les synergies commencent à fonctionner et où celles avec Mitsubishi doivent se mettre en place, les incertitudes menacent cette dynamique de l’Alliance. Jean-Dominique Senard, le président de Renault dont l’État français avait début juin fait capoter les discussions avec l’italo-américain, s’est d’ailleurs montré surpris et déçu de ces nouvelles négociations avec PSA, selon un proche. Le dirigeant de l’ex-Régie espérait en effet reprendre langue avec John Elkann, une fois l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors remise sur les rails. Mais las. Cette annonce a même quelque peu gâché le grand dîner de réconciliation générale.