EN JANVIER 2017, la Fédération des Entreprises du Congo (FEC) appelait à l’union autour d’un projet économique commun. Pour le principal patronat du pays, le développement économique de la République démocratique du Congo passe nécessairement par « son développement local », en priorité par l’investissement agricole et industriel. Les entrepreneurs ont toujours été demandeurs d’« un État fort doté d’une administration compétente, sur lequel le secteur privé doit s’appuyer dans le cadre d’un partenariat durable, sincère et constructif ».
L’économie et les élections
En 2016, les Congolais réclamaient à cor et à cri les élections. C’était tout à fait légitime de leur part car les élections sont toujours le moment propice pour passer un message rude. C’est comme la pénitence qui sanctionne, chez d’aucuns, la posture de ceux qui sont au pouvoir, et, chez d’autres (ou les mêmes), leurs politiques économique et sociale. En vérité, les élections expriment le mécontentement (rarement la satisfaction) qui accuse surtout l’état de la Nation. En RDC, depuis un certain temps, l’état de la Nation était devenu saumâtre. Ailleurs, on n’attend pas le moment de la campagne électorale et les scrutins pour faire entendre le message attristé ou grinçant.
C’est, déjà, dans l’année électorale ou la période qui la précède, sur le fond de la politique, que les questions (réformes) économiques (croissance, chômage, industrie, finances publiques, dépréciation monétaire…) occupent la place centrale dans le débat politique. Les états-majors des partis politiques, les syndicats, les mouvements citoyens passent au pilori le bilan du quinquennat en cours. En attendant que le mécontentement ou la satisfaction ne soit exprimé(e) dans les urnes et sanctionne l’état de la Nation.
C’était ahurissant de constater, dans la majorité au pouvoir – évidemment pour défendre les politiques économiques et sociales – mais dans l’opposition aussi pour les dénoncer et proposer des réformes, qu’il n’y a point eu, toutes ces années, de front largement ouvert sur les questions économiques. Rien non plus pour la justice sociale.
Ni même pour la promotion des droits individuels et collectifs. Et cette fois-ci, quel que soit l’enjeu politique des élections, rien ne devait détourner les réformes économiques d’aller leur train. Voire de les accélérer.
Le mécontentement qui s’est donc exprimé dans les urnes en décembre 2018 a sanctionné le triste état de la Nation et accusé ces nappes de pauvreté qui l’envahissent encore. Partout, à travers le pays, derrière le drapeau noir qui flotte sur les marmites, derrière un pouvoir d’achat élimé, on a aperçu dans le miroir électoral que la RDC est un pays déclinant où les classes moyennes s’essoufflent, où le travailleur pauvre désespère. Jour après jour, l’économie nationale se déglingue devant nos yeux.
Dépression congolaise
Le sentiment du déclin qui a glissé jusqu’au panier de la ménagère, gémit dans les porte-monnaie. Usines fermées, chômage accablant, paupérisation de l’État et, par l’effet conjugué d’une corruption livrée pendant des décennies à l’incurie, détresses partout répandues, diables qu’on tire par la queue, clochardisation de la rue ! Sans compter la pavane des super riches qui plastronnent, le gousset bien garni, et trouvent mauvais qu’on déclame avec les pauvres. Voilà la RDC d’avant les élections de 2018 ! Dans cette dépression congolaise, les politiques ne sont-ils pas responsables ? Ses causes, ce sont l’avilissement de l’État providence, les excès du maternage d’État. Et ce refus des réformes libérales. La violence du décrochage de l’économie congolaise et l’effondrement du commerce extérieur devraient en principe provoquer une prise de conscience en faveur de la redécouverte de l’entreprise. Les Congolais avaient tout faux de mettre le politique avant l’économique. La RDC de demain sera économique ou ne le sera pas.
Tout le monde le dit. La RDC a le potentiel qu’il faut pour être un pays prospère. Mais des décennies de mauvaise gestion économique l’ont conduite au bord de la faillite. Pour parvenir à l’émergence en 2030, il faudra réaliser un taux de croissance de 10 % l’an. Des interrogations quand même : quel est l’impact de la fiscalité sur l’attractivité des investissements en RDC ? Quels sont les autres facteurs qui influencent aussi l’attractivité des investissements en RDC ? Quel bilan établir sur les différentes politiques d’incitation fiscale aux investissements mises en place en RDC ? Quid du code des investissements de la RDC au regard de celui des autres pays ?
L’attractivité des investissements n’est pas encore à la hauteur des potentialités dont regorge le pays. Félix Antoine Tshisekedi, le président de la RDC élu en 2018, semble bien cerner la problématique nouvelle. Il a été l’un des chefs d’État et de gouvernement à avoir été les plus en vue au Sommet Russie-Afrique de Sotchi. Il y a de bonnes raisons à cela, « la RDC c’est la poule aux œufs d’or ». Pour Vladimir Poutine, le président russe, la RDC est l’un des partenaires les plus prometteurs de la Russie en Afrique, convaincu que « le potentiel commercial et d’investissement de la RDC est considérable ».
À Sotchi, Félix Antoine Tshisekedi a apporté un message clair et net : davantage d’investissements russes en RDC. Le président de la République s’est dit ouvert à signer des partenariats avec la Russie dans divers secteurs (mines, énergie, industrie, infrastructure, agriculture, etc.) pour développer notre pays. L’année prochaine, ce sera les 60 ans de relations diplomatiques entre la Russie et la RDC. ça sera l’occasion de renforcer et développer les relations mutuellement avantageuses, des partenariats équitables.
En attendant, à en croire Africa Mining Intelligence (AMI n°449 du 29 octobre 2019), Moscou compte déjà se tailler une place dans les mines de la RDC. AMI écrit : « Pour s’imposer dans les mines de RDC, à l’heure actuelle trustées par les groupes chinois et leurs concurrents américains, la Russie déploie une stratégie dédiée, dont le président Vladimir Poutine et plusieurs sociétés ont été les fers de lance lors du Forum Russie-Afrique de Sotchi les 23 et 24 octobre. »
AMI poursuit : « Lors de son entretien avec son homologue congolais Félix Antoine Tshisekedi au premier jour du sommet en Russie, Vladimir Poutine a évoqué les ressources en niobium de la RDC, notamment le projet Lueshe, au Nord-Kivu. » Pour cette publication, « la Russie a en effet besoin de niobium, qui entre dans la composition d’équipements utilisés par ses industries majeures – défense, hydrocarbures, aérospatial, nucléaire -, mais elle n’en produit pas sur son territoire ».
Et d’indiquer que trois à quatre sociétés russes visent la reprise de Lueshe, qui se situe par ailleurs non loin d’autres gisements stratégiques de 3T. Selon AMI, deux d’entre elles ont rencontré à Sotchi Willy Kitobo Samsoni, le ministre des mines. Rappelant que « Moscou a déjà tenté de mettre un pied à Lueshe, sans grand succès ». En effet, « en 2016, les autorités congolaises avaient retiré les droits sur le site à la Somikivu (Société minière du Kivu), partiellement contrôlée par le russe Conrus, pour manquement à son obligation de relancer la production à l’arrêt depuis 2004 ».
Par ailleurs, ajoute AMI, le géant russe des diamants, Alrosa, qui entend s’étendre en Afrique au-delà de l’Angola, où il produit 7,5 millions de carats par an, « a trouvé une oreille attentive » en Félix Antoine Tshisekedi. « Ce dernier ambitionne de revitaliser l’économie de son fief familial, le Kasaï-Oriental, dont l’un des acteurs majeurs est la MIBA (Société minière de Bakwanga), compagnie publique qui détient des gisements de diamants. À Sotchi, Alrosa a été l’une des rares sociétés à être reçues directement par le chef de l’État congolais, et pas uniquement par le ministre du secteur concerné. Lors de cette entrevue, les dirigeants de la société russe ont assuré le président congolais de leur intérêt à appuyer la relance de la MIBA, qui ne produit quasiment plus rien, malgré les promesses d’aides de groupes chinois », peut-on encore lire dans AMI. Au ministère des Mines, aucune source fiable n’a infirmé ces informations.