LES ASSISES de Pullman Grand Hôtel Kinshasa s’inscrivaient dans le cadre de la réflexion générale sur comment repenser les politiques et les stratégies nationales en matière d’exportations. D’après Jean Lucien Bussa Tongba, le ministre du Commerce extérieur, la table ronde sur la promotion des exportations des produits congolais et la réduction de la dépendance aux importations a été un « moment de réflexion en matière de promotion des exportations et de substitution aux importations ». En organisation donc ces assises, le ministre du Commerce extérieur, reconduit à ce poste, attendait des participants des « orientations claires sur des politiques sectorielles spécifiques, des stratégies adéquates et une feuille de route lisible en vue d’améliorer les structures de nos exportations et de nos importations ».
Mais aussi d’apporter des « solutions durables aux faiblesses structurelles » de notre commerce extérieur, notamment le déséquilibre de la balance commerciale, la prédominance des produits primaires, l’étroitesse de la gamme de produits agricoles et manufacturés exportés par la République démocratique du Congo, la prédominance des importations des produits agricoles dans la catégorie des produits primaires ainsi que celle des importations des produits manufacturés sur l’ensemble des importations en RDC.
Levier de la croissance
Aujourd’hui, il va sans dire que le commerce est devenu le principal levier de la croissance économique et le moteur de développement des nations. Son expansion a permis à certains pays en développement d’amorcer l’envol pour se hisser au rang des pays émergents. Mieux que quiconque, le ministre d’État, ministre du Commerce extérieur, diplômé des études économiques, le sait pertinemment bien. Et c’est normal qu’il l’ait rappelé à la table ronde.
L’objectif de cette rencontre a été de « relever le défi d’une économie qui repose sur un secteur productif dynamique, axé principalement sur l’agriculture et l’industrie. À l’ouverture des assises de Pullman, Jean Lucien Bussa a déclaré qu’il s’agit du « choix d’un secteur productif qui met sur le marché tant national qu’international des produits à valeur ajoutée ».
Rien à faire, il faut mettre fin à « la forte dépendance de la RDC aux importations des produits alimentaires et manufacturés », en développant les chaînes de valeur dans l’agriculture et l’industrie, a-t-il insisté.
Aujourd’hui, rappelle-t-il, les États ne comptent plus que sur leurs « avantages comparatifs » basés uniquement sur la dotation en ressources naturelles. Ils sont désormais ancrées dans la logique d’« avantages compétitifs », c’est-à-dire la qualité doit être au rendez-vous au côté de la quantité. Les exemples de certains pays africains (Nigeria, Egypte, Afrique du Sud…), de l’Asie du Sud-Est (Corée du Sud, Taïwan, Singapour…), de l’Amérique du Sud (Brésil, Argentine…) ainsi que d’autres pays sont, à ses yeux, assez édifiants pour justifier la réussite dans ce domaine.
Pour cela, il y a des préalables, notamment la spécialisation, les réformes structurelles en profondeur, un climat des affaires assaini, les anticipations en fonction des atouts et faiblesses des structures de production existantes, et la capacité à saisir les opportunités offertes sur le plan international par le système commercial régional et multilatéral.
C’est dans cette optique que les participants ont identifié et proposé des solutions aux contraintes et aux obstacles à la production et à la promotion des exportations des produits congolais ; à la promotion des produits à fort potentiel… Ils ont aussi proposé des alternatives à la réduction de la dépendance aux importations et à l’extraversion de l’économie nationale.
Les recommandations
Et au terme des travaux, les participants à la table ronde ont formulé des recommandations, générales et spécifiques. Les recommandations générales portent essentiellement sur les solutions durables aux faiblesses structurelles du commerce extérieur, notamment le déséquilibre de la balance commerciale, la prédominance des produits primaires dans les exportations, la gamme de produits manufacturés exportés, la prédominance des importations des produits agricoles dans la catégorie des produits primaires, ainsi que celle des importations des produits manufacturés sur l’ensemble des importations.
Les recommandations spécifiques, quant à elles, concernent les politiques sectorielles. Au total 105, elles sont réparties en quatre catégories : le secteur productif porteur de croissance, le secteur public déterminant la croissance, le secteur d’appui et le secteur de la régulation.
En rapport avec le secteur productif porteur de la croissance, les recommandations sur les politiques sectorielles spécifiques et les stratégies adéquates vont faire partie d’une « feuille de route lisible » du gouvernement visant à améliorer les structures de production du pays pour transformer la structure du commerce extérieur de la RDC.
Les participants ont recommandé, entre autres, de transformer la structure de l’économie ; d’élargir la base productive de l’intérieur et la gamme de produits d’exportation par un ciblage des produits à fort potentiel ; de renforcer l’encadrement des paysans et des fermiers avec le concours des partenaires techniques et financiers ; de mettre en œuvre des mesures favorisant la compétitivité et l’insertion des producteurs industriels nationaux dans les chaînes de valeurs régionales et internationales.
Ils ont également recommandé de promouvoir les secteurs cible et à fort potentiel, tels que l’agro-industrie, les matériaux de construction, le tourisme, les emballages biodégradables, l’économie numérique notamment par la fourniture de l’assistance technique et financière ; de mettre à contribution la recherche agricole ; de relancer la recherche agronomique ; d’accélérer les projets de création de zones industrielles et d’une zone spécifique et spéciale ; de créer des incubateurs spécialisés pour l’encadrement et l’accompagnement des femmes et des jeunes.
Autres recommandations : appuyer les associations professionnelles pour l’encadrement et le suivi des membres ; assurer la formation des agro-transformateurs de PME et PMI aux règles et normes d’emballage et d’étiquetage ; relancer et privatiser les plantations abandonnées ; renforcer la recherche géologique et minière ; et promouvoir la destination touristique en RDC.
En rapport avec le secteur public déterminant de la croissance économique, les participants ont recommandé de booster les secteurs de l’infrastructure, de l’énergie, des transports, de la communication, de l’éducation au niveau de l’ambition du développement économique correspondant aux défis économiques de la RDC…
En ce qui concerne l’appui à la régulation, les participants ont recommandé notamment de consolider les acquis grâce à la bonne exécution des mesures économiques et financières urgentes du gouvernement ; de diversifier le circuit de commercialisation externe et interne ; de relancer la production agricole de rente et vivrière grâce, entre autres, à une intervention publique. Ils ont aussi recommandé de réduire les taxes et les redevances à l’exportation des produits agricoles et à l’agro-industrie ; de financer conséquemment le monde rural ; d’accélérer le processus d’élaboration des stratégies nationales cohérentes d’exportation…
Quant aux recommandations d’ordre institutionnel, les participants ont préconisé, entre autres, de concevoir et réaliser des programmes d’aide à l’exportation, à la commercialisation et à l’investissement pour aider les exportateurs dans leur recherche sur le marché d’exportation primaire ; d’assurer, de faciliter et de garantir le financement à l’exportation à court terme ; d’accorder des subventions pour des investissements étrangers dans de nouvelles machines et matériels, pour l’établissement de nouveaux exportateurs de produits de la RDC en RDC ; de soutenir la compétitivité par le développement des ressources humaines et des technologies appropriées.
Ils ont également préconisé de créer un régime de financement de relais pour répondre aux besoins à court terme des entrepreneurs émergents qui ont obtenu des contrats fermes avec le gouvernement et le secteur privé ; de créer l’Agence nationale des exportations ; d’adopter une feuille de route nationale pour le suivi de la mise en œuvre des recommandations de la table ronde.