C’EST en principe, au plus tard, le 15 septembre que le gouvernement présente à l’Assemblée nationale le projet de budget. Cette fois-ci, le deadline est largement dépassé : plus de 50 jours ! C’est une première dans les annales de la Chambre basse, et le bureau de l’Assemblée nationale ne s’est fait pas prier, il y a quelques jours, pour accuser le gouvernement de « violation grave de la loi de finances publiques (LOFIP) », conformément aux articles 83 et 126 de la constitution. Pour rappel, la session parlementaire qui s’ouvre le 15 septembre, est essentiellement consacrée à l’examen et à l’adoption du budget de l’année suivante. Selon la constitution, l’Assemblée nationale dispose de 40 jours pour analyser, disséquer, et donner une réalité concrète au projet de loi de finances présenté par l’exécutif, avant d’envoyer le texte adopté au Sénat. La Chambre haute a 20 jours (délai constitutionnel) pour passer au gril la loi adoptée à l’Assemblée nationale avant sa promulgation par le président de la République. En cas de divergence entre les deux chambres parlementaires, le texte adopté à l’Assemblée nationale prime ou vaut. Par ailleurs, les deux chambres parlementaires ont 60 jours pour examiner le projet de budget. Ce délai arrive à échéance dans quelques jours seulement.
Toutes choses restant égales par ailleurs, cette situation aux « implications graves sur le plan politique » entraîne la démission du gouvernement. « Le projet de loi de finances de l’année, qui comprend notamment le budget, est déposé par le gouvernement au bureau de l’Assemblée nationale au plus tard le 15 septembre de chaque année… Si 15 jours avant la fin de la session budgétaire, le gouvernement n’a pas déposé son projet de budget, il est réputé démissionnaire… ».
Mais ce scénario ne pouvait pas être envisageable dans le contexte actuel, explique un député. « Nous venons de sortir des élections qui nous ont permis de renouveler les animateurs des institutions, et le gouvernement a mis du temps pour se mettre en place (le 6 septembre) », souligne-t-il. Pour l’instant, poursuit-il, tout n’est que spéculation, tout n’est que conjecture. Tout ce que l’on sait, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République a recalé le projet de budget 2020 que le gouvernement s’apprêtait à déposer au Palais du peuple. Le chef de l’État a jugé modique ce projet. Conformément à la loi, l’examen du budget est conditionné par celui de la loi de reddition des comptes (rapport des états comptables). Certains députés de l’opposition dénoncent « le manque de sérieux dans le respect de la procédure ». La plupart des députés font part de leurs inquiétudes sur le processus de décentralisation territoriale, l’impact de la révision du code minier de 2002, ainsi que sur l’incidence du budget sur le sort des gagne-petit.
Conjectures
Tout en se félicitant de la décision de la Banque mondiale d’octroyer un appui budgétaire de 1,5 milliard de dollars à la République démocratique du Congo sur trois ans, pour notamment garantir la gratuité de l’enseignement de base, le président de la République a recommandé au gouvernement de mûrir des mécanismes efficients pour mobiliser davantage de ressources internes pour répondre aux attentes de la population. Le 11 octobre dernier, le gouvernement a examiné la note méthodologique du ministère du Budget sur la projection des recettes et des dépenses de l’exercice 2020. L’option d’un budget de 10 milliards de dollars en vue de réaliser les objectifs de la vision du chef de l’État et du programme du gouvernement a été levée. Tout comme des mesures d’accompagnement efficient pour la mobilisation maximale des recettes arrêtées. Auparavant, la mobilisation des recettes internes de l’État n’avait guère dépassé 5 milliards de dollars.
Toujours en octobre, une délégation du Fonds monétaire international (FMI) était reçue à l’Assemblée nationale, venue faire le plaidoyer de l’amélioration des prévisions budgétaires en RDC. Par ailleurs, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, présida une réunion de conjoncture économique, au cours de laquelle il a été décidé de réévaluer le budget 2020 de 7 à 10 milliards de dollars. C’est louable ! Mais l’opinion attend de juger le gouvernement à l’acte. La diversification de l’économie reste la recommandation première du FMI. Le budget 2020 va-t-il profiter vraiment aux gagne-petit ? Sylvestre Ilunga Ilunkamba a laissé entendre que toutes les préoccupations sociales ont été prises en compte. En attendant de retourner au Palais du peuple pour présenter le projet de budget aux députés, le 1ER Ministre a reçu, le jeudi 7 novembre, une délégation du FMI. Elle est venue en mission à Kinshasa pour des discussions en vue de crédits à accorder à la RDC pour renforcer les réserves de changes. L’objectif est le maintien de la stabilité macroéconomique en RDC. Le FMI envisage également de finaliser avec le gouvernement le programme macroéconomique à moyen terme et le plan des réformes structurelles. Le FMI pourrait conclure un programme formel avec le gouvernement d’ici début de 2020.