LE DÉCRET du 1ER Ministre devrait apporter à « l’Autorité de régulation de la sous-traitance dans le secteur privé (ARSP), une jeune administration, les appuis politiques et décisionnels nécessaires pour l’implantation convaincante des règles régissant des activités de la sous-traitance dans le secteur privé ». C’est ce qui ressort de la réunion du conseil des ministres présidée par Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le chef de l’État, le lundi 16 décembre dernier.
On s’en souvient, la mise en application de la loi n°17/001 de 2017 sur la sous-traitance en République démocratique du Congo avait suscité le débat. Bien des opérateurs économiques continuent de penser que la nouvelle législation comporte plusieurs contradictions qui la rendent complexe.
Et de ce fait, ils exigeaient que des « mesures correctives » fussent rapidement prises avant l’entrée en application de cette loi. D’après eux, elle constitue même un « danger » pour certains d’entre eux, qui redoutent d’en être exclus.
Pour rappel, la nouvelle loi fixe les règles applicables à la sous-traitance. Avant sa promulgation en avril 2017, la matière de sous-traitance était réglementée par un simple arrêté ministériel signé en 2013, portant uniquement sur le secteur minier.
Un délai de 12 mois avait été accordé aux entreprises exerçant dans ce secteur pour terminer les contrats en cours avant sa mise en application (mars 2018). En promulguant la loi, Joseph Kabila Kabange, le président de la République, à l’époque, a répondu à une attente de la Fédération des entreprises du Congo (FEC).
En effet, le principal patronat du pays s’inquiétait de « l’afflux » de sous-traitants étrangers qui ne laissaient pas d’espace aux entrepreneurs et aux petites et moyennes entreprises (PME) congolaises. C’est même une « évolution significative » que la FEC a salué patriotiquement.
Insécurité juridique
Cependant, le patronat regrettait de ne pas avoir été « consulté » ni lors de l’élaboration de la loi ni lors du débat quant à son adoption. C’est ainsi que la FEC réclamait une commission tripartite (gouvernement-secteur privé-présidence de la République) pour prendre de commun accord les mesures d’application. Selon Me Declerc Mavinga, vice-président de la commission juridique de la FEC, ceci avait l’avantage d’éviter « l’insécurité juridique ».
Le rôle de la FEC n’est pas de « contester systématiquement » les décisions du gouvernement. Au contraire, expliquait Albert Yuma Mulimbi, son président national, c’est même un devoir pour elle de « les accompagner en amont afin de leur donner la chance de réussite sur le terrain ». Après le 17 mars, les sociétés étrangères ayant des contrats de sous-traitance devaient se constituer déjà en société de droit congolais pour mener à bien leurs activités. La question qui posait vraiment problème était celle de savoir comment les sociétés étrangères devaient devenir des sociétés congolaises à capitaux congolais et promues par des Congolais.
Selon l’article 6 de la nouvelle loi, une entreprise ne pourra accéder à un marché de sous-traitance à la condition que ses capitaux doivent être congolais, que ses organes de direction doivent être animés par des Congolais et que son siège social doive être établi sur le territoire congolais.
Par ailleurs, en cas d’indisponibilité ou d’inaccessibilité d’expertise dûment prouvée dans le secteur d’activité visé, l’entrepreneur peut recourir à toute autre entreprise de droit congolais ou à une entreprise étrangère pour autant que l’activité visée ne dépasse pas six mois. À défaut, il crée une société de droit congolais.
La violation de ces conditions expose naturellement à des peines et amendes, voire à la fermeture momentanée de l’entreprise ou à la suspension de l’entrepreneur principal. Selon des observateurs, l’application de cette loi dans ces conditions est en contradiction avec la constitution, qui prône la liberté d’entreprendre en RDC, qu’on soit Congolais ou étranger. D’autres estiment que la nouvelle législation met la RDC en porte à faux avec plusieurs organisations régionales à caractère économique, notamment l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), le Marché commun des États de l’Afrique de l’Est (COMESA), la communauté de développement des États de l’Afrique australe (SADC), la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL), la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC)…
Néanmoins, tous sont d’accord que la loi fixant les règles applicables à la sous-traitance dans le secteur privé vient donner corps au rôle que doit jouer le Congolais en tant qu’acteur économique actif dans son pays. On entend dire que le but est de voir éclore, à brève échéance, une classe moyenne nationale en RDC et la promotion d’une croissance économique véritablement inclusive et créatrice d’emplois.
Premier investisseur
La détermination du gouvernement est de rendre les PME plus compétitives grâce à une expertise locale outillée et compétente. C’est question de faire du Congolais le premier investisseur dans son pays, et de la demande intérieure le moteur de l’économie congolaise.
Si l’ouverture de l’accès à des marchés naturellement fermés aux sous-traitants congolais est « une avancée significative mais pas suffisante », la mise en œuvre de la politique du gouvernement, dans un élan de collaboration avec le secteur privé et les partenaires, conduira le pays à relever le défi du développement de l’entreprenariat local, gage de la prospérité de l’économie congolaise.