SELON les résultats de ce sondage, il ressort de l’enquête qu’à l’exception de la Société nationale d’assurances (SONAS) qui existe depuis une cinquantaine d’années), les nouveaux opérateurs privés du secteur ainsi que l’Autorité de régulation et de contrôle (ARCA) sont peu connus du grand public, avec des scores de notoriété ne dépassant pas 20 %. Par contre, les intentions de souscription, elles, dépassent la moyenne, soit 60 %, autour de trois principaux produits : assurance automobile (46 %), assurance vie (27 %) et assurance soins de santé (24 %). Les autres produits d’assurance proposés sont peu connus et peu maîtrisés, selon l’enquête de Target.
Entre autres facteurs qui limitent le décollage du secteur des assurances en République démocratique du Congo : le faible revenu (37 %), le déficit d’information sur le secteur et les produits (25 %) et le manque d’un réel intérêt (25 %). « Il faut dire que le secteur est encore incompris. On assimile le fait de s’assurer à une dépense supplémentaire, à une charge qu’on ne peut pas supporter vu les dépenses existantes », fait remarquer le cabinet Target dans un communiqué. Le sondage de confiance a été réalisé entre novembre 2019 et janvier 2020 dans les 11 principales villes de la RDC sur un échantillon de 1004 personnes, représentatif de la population congolaise âgée de 18 à 65 ans et plus, souligne le même communiqué.
Le cabinet Target est spécialisé dans les études de marché, les sondages d’opinion et le conseil en marketing et stratégie. Présent en RDC depuis 2011, sa mission consiste à orienter efficacement les entreprises et les organisations afin qu’elles atteignent leurs objectifs de performance et de rentabilité. Target intervient non seulement en RDC, mais aussi dans d’autres pays africains (République du Congo, Rwanda, Burundi, Gabon, Cameroun, Côte d’Ivoire, Ouganda, Sierra Leone…).
Beaucoup reste à faire
Des experts soulignent que les assurances sont là pour couvrir les institutions de microfinance (IMF) et les banques commerciales. En effet, le système financier est bâti comme une pyramide. À la base, il y a la microfinance et au sommet, les marchés financiers. Entre les deux structures, se trouvent les banques, les assurances et les fonds. Les acteurs du système financier fonctionnent comme les membres du corps humain.
Dans l’architecture financière du pays, on assiste, d’une part, au développement rapide des banques commerciales, des IMF et, d’autre part, au recul des coopératives d’épargne et de crédit (COOPEC). Entre les deux constats, l’absence de structures d’assurances, de fonds de pension ou d’investissement et de marchés financiers. Or, pour être crédible et solide, le système financier national doit faire le tour complet du moteur, c’est-à-dire compléter les chaînons manquants.
Le secteur des assurances en RDC a été pendant longtemps caractérisé par un monopole au profit d’une entreprise publique, la Société nationale d’assurances (SONAS). Créée par l’État en 1966, la SONAS jouissait encore d’un monopole sur toutes les opérations d’assurance commerciale dans le pays. Son portefeuille est constitué en grande majorité des polices d’assurance automobile. En effet, l’assurance responsabilité civile est obligatoire pour tout véhicule automobile.
La SONAS proposait aussi d’autres produits : assurance automobile « multirisques », incendie et vie, mais qui trouvent très peu d’acquéreurs. Ceci est dû au manque de confiance du public dans la capacité de la SONAS à remplir ses obligations en cas de sinistre. Les produits d’assurance sont ceux auxquels la population accorde le plus faible niveau de confiance. Des produits assurant le risque de décès, de maladie ou d’accident pourraient réduire les risques de non-paiement. Cependant, un nombre restreint d’institutions financières traitaient avec la SONAS dans ce cadre.
Le secteur des assurances a été tributaire de près de quatre décennies d’instabilité du cadre macroéconomique caractérisées principalement par l’hyperinflation et la dollarisation de l’économie nationale, expliquent les dirigeants de la SONAS. Les différents soubresauts monétaires (démonétisation, réforme monétaire…) et la faillite des banques commerciales ont eu raison des placements financiers de la SONAS, essentiellement constitués en monnaie locale et concernant l’assurance vie. Dans ce cadre, la SONAS traitait avec Ecobank pour la commercialisation des produits d’assurance vie en solde restant dû. La SONAS avait aussi un partenariat avec la Rawbank et l’assureur espagnol MAPFRE en ce qui concerne l’assurance voyage.
Le code de mars 2014
Une loi sur la libéralisation du secteur a été votée et promulguée en mars 2014. Elle s’est inspirée du code des assurances en vigueur dans les 14 pays membres de la Conférence interafricaine des marchés d’assurance (CIMA). Les experts recommandaient la mise en place d’une supervision par une autorité indépendante disposant d’une culture de la supervision financière et de la protection des clients de produits financiers.
D’après eux, la solution alternative, comme en République de Guinée ou dans certains pays de l’Organisation des Nations unies pour la coopération et le développement économiques (OCDE), dont la France, c’est de confier la supervision des assurances au superviseur du secteur bancaire. Ce qui aurait fait de la Banque centrale du Congo (BCC) le superviseur des établissements de crédit, des IMF, des messageries financières et des compagnies d’assurance. Ç’aurait été une réglementation complète, à la fois des acteurs (compagnies et intermédiaires d’assurance) et des opérations, expliquent les mêmes experts.
Chez nous, le législateur a confié la supervision à l’Autorité de régulation et de contrôle des assurances, créée par le décret n°16/001 du 26 janvier 2016 en tant qu’établissement public, qui est un organe autonome relevant du ministère des Finances. D’après la Banque centrale, le secteur des assurances en RDC pèserait plus de 60 millions de dollars. Une fois que la libéralisation sera réellement effective, ce chiffre devrait connaître un accroissement exponentiel.
Le monopole d’État a étouffé l’éclosion du secteur. Si on arrêtait les comptes de la SONAS aujourd’hui, la société serait en faillite. C’est pourquoi, face à la nouvelle donne, la SONAS devra se restructurer et se recapitaliser afin d’éviter des « débordements » et tout risque d’évasion fiscale.
Plusieurs investisseurs se sont déjà présentés comme potentiels investisseurs. En mars 2019, l’ARCA a accordé l’agrément à 6 nouveaux opérateurs. ACTIVA Assurance RDC, la Société financière d’assurance Congo (SFA Congo), Rawsur SA et Rawsur Life SA sont autorisées à œuvrer désormais en RDC en qualité de sociétés d’assurances, tandis qu’Allied Insurance Brokers SARL (AIB) et Gras Savoye RDC vont y opérer, comme sociétés de courtage d’assurances.
« Ces sociétés agréées ont la charge de veiller à la qualité des produits et services adaptés, répondant aux besoins du marché. Elles ont visiblement convaincu l’ARCA qu’elles vont devoir matérialiser leur ambition de participer au développement du pays et à la promotion du local content dans la direction ainsi que dans l’actionnariat », a déclaré Alain Kaninda, le directeur général de l’ARCA.
En situation de monopole, la SONAS n’avait qu’un taux de pénétration de moins de 0,5 % comparé au PIB du pays. C’est dire que le potentiel est estimé à 5 milliards de dollars sur les dix prochaines années, estiment des experts. Pour l’ARCA, l’objectif est d’asseoir « un marché dynamique, inclusif, équitable et conforme aux standards internationaux ». Les conditions légales d’agrément sont connues : une caution de 10 millions de dollars, avoir son siège en RDC et des fonds propres…