LA population locale qui soupçonne la milice « Kyini ya Kilima », est prise de panique et craint désormais pour sa propre sécurité. Malgré de multiples appels au calme des autorités de la localité, qui affirment entamer des investigations sur les causes de cet acte criminel, une partie de la population est déjà en train de quitter le village pour ailleurs.
Déjà le 30 décembre 2014, une autre attaque similaire avait eu lieu dans la même localité d’Irumu avec un bilan de 4 morts dont 2 éléments de la FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo), un policier et un civil, tous Congolais. L’identité des assaillants n’a toujours pas été révélée jusqu’à ce jour.
Banro, la grande victime
En République démocratique du Congo, les opérateurs du secteur minier sont de plus en plus confrontés à une montée en puissance de l’insécurité autour des sites miniers où ils ont leurs installations.
Le 1er mars 2017, un mois après avoir subi une attaque armée dans une de ses filiales à Twangiza Mining établie à Luhwinja en territoire de Mwenga au Sud-Kivu, Banro Corporation avait été victime d’un kidnapping de 5 personnes après une attaque armée sur son site minier de Namoya Mining, dans le territoire de Kabambare, dans la province du Maniema. Un Français, un Tanzanien et trois Congolais avaient été enlevés par un groupe de miliciens Maï-Maï, dirigé par Cheick Assani, d’après la déclaration de la société civile de Salamabila.
Le 26 juillet 2019, une autre attaque suivie d’enlèvement sera perpétrée par le même groupe de miliciens. À la suite de ce grave incident et face à l’absence du soutien du gouvernement du pays d’assurer la protection de ses opérations et surtout des employés travaillant dans ses filiales minières, Brett A. Richards, sera contraint de coopérer avec le chef de la milice Maï-Maï Cheick Assani, avec la signature d’un protocole afin d’obtenir la libération de 4 agents de Namoya Mining SA kidnappés par cette milice. En contrepartie, Banro avait tenu d’abandonner temporairement une partie de sa concession minière de Namoya pour l’exploitation artisanale des communautés locales.
Le 25 septembre, Brett A. Richards, président et directeur de Banro Corporation, accuse les miliciens de vouloir prendre le contrôle complet du site minier et de museler les exploitants artisanaux dans un communiqué.
Masisi, zone à haut risque
Dans le même document, il annonce la suspension, jusqu’à nouvel ordre, de ses opérations sur 3 sites miniers suite à l’insécurité. Namoya Mining SA, Lugushwa Mining SA et Kamituya Mining SA vont fermer boutique. Tous les contrats de travail sont par conséquent suspendus, en raison du cas de force majeure conformément à l’article 57 point 8 du code du travail congolais, ajoute le communiqué. Le 11 mai 2019, un groupe d’assaillants fait incursion sur le périmètre des installations de la société minière de Bisunzu, SMB Sarl, en pleine nuit. La société, qui exploite le coltan, la cassitérite et le wolframite dans la province du Nord-Kivu, avait déjà enregistré une autre attaque dans la nuit du 28 février au 1er mars 2019 qui avait fait 3 victimes, dont un policier de la garde minière tué et deux autres blessés.
Des responsables militaires des FARDC impliqués… Dans un article publié sur le site radio Okapi en RDC, des sources sécuritaires ont indiqué que de nombreux généraux à la retraite sont devenus propriétaires des puits d’or à Masisi et collaboreraient avec des militaires encore actifs pour assurer la sécurité de ces sites miniers. L’état-major général des FARDC avait alors, dans une causerie morale à Masisi par le général Jean-Pierre Molondo, interdit toute présence militaire sur des sites miniers.
Les plaintes de la population locale. Certaines entreprises minières, comme Banro, ont été accusées d’exploiter abusivement l’environnement et de ne pas intégrer le projet social au bénéfice des populations locales dans leur agenda. Il a été reproché à Banro d’avoir contaminé des sources d’eau des produits chimiques, ce qui a causé des morts de bétails. En outre, les populations se sont plaintes d’avoir perdu leurs terres agricoles et des promesses non tenues de l’entreprise minière de construire des écoles, des hôpitaux et des routes.
Vers une lueur d’espoir ?
Fin janvier 2020, l’armée congolaise a repris le contrôle total sur le territoire de Salamabila, après de violents affrontements contre la milice Maï-Maï, dirigée par Cheick Assani.
Des combats qui auront fait 18 morts, dont plusieurs enfants, selon les sources locales. La sécurité en République démocratique du Congo est un enjeu majeur pour la stabilisation et le développement socio-économique du pays. Confrontée à un cycle sans fin de violences, de rebellions et de troubles depuis le début des années 1990, la RDC a retrouvé le chemin de la prospérité et de paix grâce aux accords de Sun City en 2002 puis les premières élections présidentielles et législatives démocratiques en 2006. En janvier 2019, le pays avait connu sa première passation des pouvoirs civilisés au sommet de l’État, entre un président sortant et un nouvel entrant.
Par ailleurs, en dépit de ces avancées dans la stabilisation de la vie politique, le pays souffre énormément d’une situation sécuritaire précaire dans sa partie Est, due à une présence incontrôlée de plusieurs groupes rebelles et terroristes, qui sèment la désolation au sein de la population, exploitent illégalement les ressources naturelles et attaquent des sites miniers.
À propos de l’auteur : spécialiste des investissements en RDC, Luc Mubay est aussi consultant en gestion des projets,
il est Managing Director chez BELIEVE IN DRC (https://believeindrc.com), l’agence congolaise privée de promotion et de facilitation des investissements en République démocratique du Congo.