LE Fonds monétaire international (FMI), qui dispose de 1 000 milliards de dollars de ressources, soutient activement les pays membres dans la riposte à la pandémie de coronavirus qui est un défi historique. Tenez : à la mi-février, lorsque les acteurs du marché ont commencé à craindre que l’épidémie se transforme en pandémie mondiale, les cours des actions ont fortement baissé, par rapport aux niveaux excessifs qu’ils avaient atteints. Sur les marchés du crédit, les écarts de taux se sont envolés, en particulier dans les segments à risque tels que les obligations à haut rendement, les prêts à effet de levier et la dette privée, dans lesquels les émissions se sont fondamentalement arrêtées.
Les prix du pétrole se sont effondrés du fait de l’affaiblissement de la demande mondiale et de l’absence d’un accord entre les pays de l’OPEP+ sur des baisses de la production, ce qui a réduit encore plus l’appétit pour le risque. Cette volatilité des marchés a entraîné une ruée vers les actifs de qualité et le rendement des obligations refuges a brutalement baissé. Plusieurs facteurs ont amplifié les variations des prix des actifs, ce qui a contribué à un net durcissement des conditions financières à une vitesse record.
Liquidité détériorée
Des tensions sont apparues sur les principaux marchés de financement à court terme, y compris sur le marché mondial du dollar, une évolution qui rappelle une dynamique observée pour la dernière fois lors de la crise financière il y a une dizaine d’années. La liquidité du marché s’est fortement détériorée, y compris sur les marchés généralement perçus comme étant très actifs.
Les investisseurs endettés ont été mis sous pression, et certains auraient été contraints de solder certaines de leurs positions pour répondre à des appels de marge et rééquilibrer leurs portefeuilles. Les marchés ont toutefois réussi à réduire certaines pertes. Des mesures budgétaires et monétaires décisives visant à maîtriser les retombées de la pandémie ont rassuré les investisseurs.
Mais le risque d’un nouveau durcissement des conditions financières est toujours d’actualité : cela pourrait mettre au jour les vulnérabilités financières dont il a souvent été question dans les éditions précédentes du Rapport sur la stabilité financière dans le monde.
Le FMI craint qu’une tempête ne s’abatte sur les pays émergents et pré-émergents. Tout simplement parce que ces pays ont connu la plus forte inversion de flux d’investissements de portefeuille jamais enregistrée, à la fois en dollars et en pourcentage de leur PIB. « Il est probable que cette perte de financement de la dette extérieure mettra en difficulté les emprunteurs plus endettés et moins solvables. Cela pourrait entraîner une hausse des restructurations de la dette, ce qui mettrait à l’épreuve les dispositifs existants de résolution de la dette », souligne le Rapport du FMI sur la stabilité financière dans le monde.
Par ailleurs, poursuit le même rapport, les gestionnaires d’actifs pourraient subir de nouveaux retraits de leurs fonds et se voir forcés de vendre des actifs sur des marchés en baisse, ce qui risque d’exacerber les variations de prix. « Compte tenu du niveau élevé de leurs emprunts, les entreprises et les ménages pourraient se retrouver en situation de surendettement du fait de l’arrêt brutal de l’activité économique ».
Les banques, quant à elles, ont plus de fonds propres et de liquidités que par le passé, note le rapport. Elles ont fait l’objet de tests de résistance et les liquidités apportées par les Banques centrales leur ont permis d’atténuer les risques de financement. « Elles se trouvent ainsi dans une position plus favorable qu’au début de la crise financière mondiale. Dans quelques pays, des pertes de marché et de crédit considérables pourraient toutefois mettre à l’épreuve la résilience des banques, qui seraient peut-être poussées à réduire leur crédit à l’économie, ce qui aggraverait le ralentissement de l’activité ».
Mesures d’endiguement
Cette épreuve historique requiert une riposte énergique des pouvoirs publics, souligne le FMI. « La priorité est de sauver des vies et de mettre en œuvre des mesures d’endiguement appropriées pour éviter de submerger les systèmes de santé. Il incombe aux autorités nationales d’aider les populations et les entreprises les plus touchées par l’épidémie, comme indiqué dans l’édition d’avril 2020 des Perspectives de l’économie mondiale ». Partout dans le monde, les autorités ont déjà pris des mesures de grande envergure à cet effet.
L’édition d’avril 2020 du Moniteur des finances publiques du FMI décrit les programmes de soutien budgétaire annoncés par les gouvernements à l’échelle mondiale. « Il est nécessaire de prendre en temps opportun des mesures budgétaires ambitieuses et ciblées pour qu’un arrêt temporaire de l’activité ne cause pas des dégâts plus permanents à la capacité de production de l’économie et à l’ensemble de la société ».
À l’échelle mondiale, les Banques centrales ont pris des mesures audacieuses et décisives : elles ont assoupli leur politique monétaire, acquis divers actifs et fourni des liquidités au système financier pour contrer le durcissement des conditions financières et maintenir le flux de crédit à l’économie. Tandis que les taux directeurs sont maintenant proches de ou inférieurs à zéro dans bon nombre des principaux pays avancés, les mesures non conventionnelles et les cadrages prospectifs de la trajectoire attendue de la politique monétaire deviennent les outils principaux des Banques centrales.
« Les Banques centrales pourraient aussi envisager d’autres mesures pour soutenir l’économie pendant cette période difficile. Les autorités doivent trouver le juste équilibre entre la préservation de la stabilité financière et le soutien de l’activité économique ». Dans un premier temps, fait remarquer le FMI, les volants de fonds propres et de liquidités existants des banques devraient servir à absorber les pertes et les pressions sur le financement.
« Si l’impact est considérable ou de plus longue durée et que l’adéquation des fonds propres des banques est touchée, les instances de contrôle devraient prendre des mesures ciblées, et notamment demander aux banques de soumettre des plans crédibles de rétablissement des fonds propres ».
Coopération multilatérale
Un grand nombre de pays émergents sont déjà confrontés à des marchés volatils et doivent gérer ces tensions au moyen de la flexibilité de leur taux de change, si possible. « Pour les pays qui disposent de réserves adéquates, les interventions sur le marché des changes peuvent faire contrepoids au manque de liquidité du marché et donc contribuer à atténuer une volatilité excessive. Les interventions ne doivent toutefois pas empêcher les ajustements nécessaires du taux de change », préconise le FMI.
Qui estime que dans un contexte de crise imminente, des mesures de gestion des flux de capitaux pourraient faire partie d’un vaste train de mesures. Mais elles ne sauraient se substituer à un ajustement macroéconomique qui s’impose. « Les gestionnaires de la dette souveraine devraient se préparer à des perturbations du financement à plus long terme en mettant en place des plans d’urgence pour faire face à un accès restreint au financement extérieur ».
Enfin, la coopération multilatérale est cruciale pour amortir le choc du coronavirus et limiter les dégâts causés à l’économie mondiale et au système financier. « Les pays qui subissent simultanément une crise sanitaire et un choc sur le financement extérieur (par exemple, les pays tributaires des financements extérieurs ou les exportateurs de matières premières confrontés à la chute des prix de ces produits) pourraient aussi avoir besoin d’une aide bilatérale ou multilatérale supplémentaire pour ne pas compromettre les dépenses de santé durant cette période d’ajustement difficile ».