FÉLIX Antoine Tshisekedi Tshilombo tient coûte que coûte à réussir son mandat présidentiel. Cela se voit à travers ses paroles et actes. En nommant François Muamba Tshishimbi coordonnateur du Conseil présidentiel de veille stratégique (CPVS), le 12 avril, qui plus est un dimanche de Pâques, des observateurs avertis ont vite fait de voir dans cet acte un signal fort. En tout cas, pour eux, le président de la République veut donner un contenu réel à ses promesses de campagne électorale et à ses engagements pris devant Dieu et le peuple congolais lors de son investiture.
Élu sénateur au Kasaï-Oriental, sa province d’origine, dans la vague d’élections présidentielle, législatives et sénatoriales de décembre 2018 et janvier 2019, François Muamba a promis d’exercer sa nouvelle fonction « avec zèle ». En tout cas, il y a de l’étoffe pour faire du Conseil présidentiel de veille stratégique quelque chose d’utile, à la simple vue du potentiel de capacités de cet homme. Ancien ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Artisanat sous le régime de Mobutu Sese Seko ; ancien ministre MLC du Budget sous l’attelage inédit de 1+4 sous la transition politique post-Dialogue intercongolais de Sun City en Afrique du Sud ; député national, et ancien coordonnateur du Mécanisme national de suivi (MNS) de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région (des Grands lacs) sous la gouvernance de Joseph Kabila Kabange, François Muamba Tshishimbi, pensent ces mêmes observateurs, a vraiment le profil idéal de stratège pour piloter avec succès cette structure nouvellement créée au sein du cabinet du président de la République.
Parcours du combattant
Mais qui est François Muamba Tshishimbi ? Dans la classe politique, tous sont à peu près d’accord que François Muamba brille par ses capacités intellectuelle et managériale mais aussi pour sa qualité de fin négociateur. Il a su le démontrer à plusieurs occasions. Après ses études (de niveau licence) en sciences commerciales et financières au prestigieux Institut catholique des hautes études commerciales (ICHEC) de Bruxelles (où sont passés également d’autres cadres supérieurs de notre pays) en Belgique en 1977, il rentre au pays pour travailler à la direction financière de la filiale de la compagnie pétrolière Texaco.
En 1980, il décide de faire des études postuniversitaires, cette fois-ci à Paris en France. Il obtient alors un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) d’information en entreprise de l’Institut d’études politiques de Paris (IEP). Et il est recruté par le Bureau international du travail (BIT), pour travailler à son siège pendant une année. Parallèlement à sa vie d’étudiant et professionnelle, François Muamba a milité au sein du mouvement associatif français : Cezares, Solidarités internationales, PRHUD…
Mais en 1982, il décide de se jeter dans la politique, alors engagé au département commercial de la société OTP-Xerox. Il rejoint les rangs de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti phare de l’opposition pure et dure au régime de Mobutu Sese Seko, mais aussi d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba, le père de l’autre et l’emblématique opposant au pouvoir Mobutu Sese Seko. Et qui, plus tard, va incarner les espoirs de tout un peuple contre la dictature du Président Maréchal.
Sa carte du parti en poche, très vite, François Muamba va organiser la section UDPS/France et la gérer jusqu’en 1988. Deux ans plus tard, cet intellectuel révolté va sortir un livre au titre évocateur et qui fera date : « Le Zaïre peut-il sortir de l’impasse ? », aux éditions Uhuru à Paris. À l’époque, le vent de la Perestroïka, parti de l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS), et qui a provoqué la déflagration de tout le bloc idéologique Est (Guerre froide Ouest-Est), soufflait fortement en Afrique, tel un hurricane. Et le Zaïre de Mobutu ne fut guère. L’année 1990 est donc celle des Conférences nationales souveraines en Afrique, érigées en tribunal de l’histoire pour faire le procès des dictateurs africains.
Ouverture démocratique
À la faveur de l’ouverture démocratique sous la pression de la communauté internationale, et surtout à la faveur de son livre qui est un franc succès de librairie, François Muamba, plusieurs fois approché par les émissaires du président Mobutu, finit par accepter de rencontrer le « Grand Léopard », particulièrement intéressé par le contenu de « Le Zaïre peut-il sortir de l’impasse ? ».
De cette rencontre naîtra un accord de collaboration. En octobre 1991, il est nommé ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Artisanat dans le gouvernement que dirige Bernardin Mungul Diaka Kiwuta, en remplacement d’Etienne Tshisekedi qui a refusé de prendre la perche lui tendue par Mobutu Sese Seko, après le pillage par l’armée et la police des boutiques, magasins, usines et industries à travers le pays.
Puis, François Muamba débarque à la présidence de la République comme ministre conseiller chargé des relations internationales jusqu’à la chute de Mobutu à l’avènement de l’Alliance des forces démocratiques de libération du Congo (AFDL) au pouvoir d’État à Kinshasa, sous la conduite de Laurent-Désiré Kabila, le père de l’autre. Suite à ces événements, François Muamba retourne dans la capitale française. Il y ouvre un bureau de représentation de Tenday & Amber, un cabinet américain spécialisé dans la vente et l’acquisition des entreprises. En 1999, il est approché par des émissaires du nouveau régime installé à Kinshasa, mais il décline l’offre de rallier un pouvoir qu’il considère comme issu de l’agression du pays. Le voilà, plutôt, la même année, s’engager dans le Mouvement de libération du Congo (MLC) sous la houlette de Jean-Pierre Bemba, en rébellion contre le pouvoir de Laurent-Désiré Kabila et l’AFDL.
Et il deviendra secrétariat national du MLC, chargé d’abord de l’économie, des finances, du budget et du portefeuille, ensuite des relations extérieures. C’est à ce titre qu’il fait partie de l’armada de fin négociateurs et stratèges du MLC aux assises du Dialogue intercongolais de Sun City en Afrique du Sud de 2001 à 2003.
Suite à l’Accord politique de Sun City, obtenu aux forceps, François Muamba devient le ministre du Budget dans le gouvernement de transition 1+4 de 2003 à 2006. Au sein de ce ministère, tout le monde reconnaît qu’il a imprimé sa marque à travers une gestion rigoureuse de la dépense publique : séparation nette des opérations d’engagement, de liquidation, d’ordonnancement et de paiement (la fameuse chaîne de la dépense).
Propulsé secrétaire général du MLC en 2005, en remplacement d’Olivier Kamitatu qui a traversé le rubicon, François Muamba est élu député national en 2006, sous la bannière MLC dont il devient le président du groupe parlementaire jusqu’à la fin de la législature en 2011. À quelque chose, malheur est parfois bon, dit-on, exclu du MLC, François Muamba crée sa propre plateforme politique, l’Alliance pour le développement et la République (ADR) en vue des élections législatives et présidentielle.
À 69 ans, ceux qui le connaissent disent que François Muamba a toujours voulu être un promoteur d’un Congo politiquement et économiquement fort. C’est pour cette raison que cet homme expérimenté se réjouit sans fausse modestie de servir encore son pays à la tête du Conseil présidentiel de veille stratégique. « C’est un gabarit qui lui va parfaitement bien face aux enjeux pour rebâtir notre souveraineté économique », laissent entendre ceux qui le connaissent.