LES marchés étaient relativement calmes après les sessions dignes de montagnes russes de ces derniers jours. Le pétrole américain s’était retrouvé en territoire négatif pour la première fois de son histoire. Le prix de l’or noir s’est effondré ces dernières semaines sous l’effet des confinements et restrictions aux voyages instaurés dans le monde entier pour lutter contre la pandémie de coronavirus. La demande mondiale s’est réduite comme peau de chagrin et les installations de stockage sont saturées.
Le WTI pour livraison en juin a bondi de 19 %, le mercredi 22 avril, après les déclarations de Donald Trump, le président américain, qui a prévenu avoir donné ordre de « détruire » toute embarcation iranienne qui s’approcherait de façon dangereuse de navires américains dans le Golfe, région-clé pour le transport du pétrole. Selon Washington, onze vedettes rapides des Gardiens de la Révolution de l’Iran ont croisé à plusieurs reprises la proue et la poupe de navires américains patrouillant dans le Golfe, « à distance extrêmement rapprochée et à grande vitesse ».
Aux États-Unis, les réserves de brut ont gonflé de 15 millions de barils (MB), la semaine du 13 au 19 avril pour s’établir à 535 MB, selon un rapport diffusé mercredi 22 avril par l’Agence américaine d’information sur l’Énergie (AIE). À Cushing dans l’Oklahoma en particulier, où sont stockés les barils servant de référence au WTI, les réserves ont augmenté de 5 MB et s’approchent de leur maximum. Les réserves américaines d’essence et de produits raffinés ont aussi augmenté, tandis que la consommation hebdomadaire a dégringolé de plus de 25 % sur un an alors que la population est confinée.
Selon les analystes, les tensions géopolitiques n’auront pas d’effet durable si les réserves sont pleines. « Une remontée des prix dépend uniquement d’une action coordonnée immédiate de l’OPEP+++ pour limiter la glissade vers le bas et/ou d’une vive et improbable reprise de la demande en mai », a estimé Stephen Innes, stratégiste chez AxiCorp, faisant référence à l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et à leurs alliés qui sont tombés d’accord en avril pour réduire leur production de 10 mb/j pour tenter de revigorer les marchés.
Total en Ouganda
Mais les experts avaient considéré ce niveau insuffisant pour compenser la baisse de la demande induite par le coronavirus, apparu en Chine en décembre, et les prix ont poursuivi leur déclin. Total va acquérir l’ensemble des parts de Tullow dans le projet pétrolier du lac Albert. L’annonce a été faite le jeudi 23 avril par le géant pétrolier français. Total a donc conclu un accord avec son partenaire britannique Tullow, par lequel il acquerra ses 33,33 % des parts dans le projet de développement du lac Albert en Ouganda (les licences EA1, EA1A, EA2 et EA3A), mais aussi dans l’oléoduc est-africain (EACOP). Le tout pour un montant de 575 millions de dollars, dont 500 millions seront versés juste après l’achèvement de l’accord, et le reste, lorsque les partenaires prendront la décision finale d’investissement du projet.
Tullow bénéficiera également de paiements conditionnels indexés sur la production et sur le cours du pétrole, dès que les prix du Brent seront supérieurs à 62 dollars le baril. Les conditions de la transaction ont été discutées avec le gouvernement ougandais et les autorités fiscales compétentes. C’est ainsi qu’un accord de principe a été conclu sur le traitement fiscal de la transaction. Cette annonce intervient après plusieurs mois de négociations entre les différentes parties engagées dans le projet.
Initialement, Tullow devait céder ses parts à Total et CNOOC. L’approbation de l’accord reste cependant soumise à l’aval réglementaire et au droit de préemption du partenaire chinois CNOOC sur les 50 % de la transaction. Pour Total, l’acquisition de l’ensemble des intérêts de Tullow dans le projet du lac Albert pour un coût de moins de 2 dollars par baril, et l’accord fiscal avec le gouvernement s’inscrivent pleinement dans sa stratégie d’acquisition de ressources à long terme et à bas coût.
Cette acquisition permettra, aux côtés du partenaire CNOOC, de progresser vers la décision finale d’investissement du projet, tout en réduisant les coûts pour développer un solide projet sur le long terme », a commenté Patrick Pouyanné, le patron de la société française. Les négociations entre le gouvernement et les pétroliers Tullow, Total et CNOOC sont sur le point d’aboutir. Pour rappel, Tullow Oil qui devait transférer 21 % de ses 33,3 % des parts dans le bloc Kingfisher à Total et CNOOC, ne s’était pas accordé avec le gouvernement ougandais sur les charges fiscales liées à la transaction. Le délai imparti pour boucler l’opération étant épuisé, Kampala avait annulé l’accord de cession et mis en suspens tous les aspects liés au développement du premier projet de production de pétrole dans le pays. La société britannique Tullow Oil avait vu son accord d’amodiation avec Total et CNOOC annulé par l’Uganda Revenue Authority. En effet, l’institution chargée de recouvrer les recettes publiques a refusé de prolonger le processus de cession de ces parts, qui arrivait à expiration le 29 août 2019. Tullow n’a pas obtenu la nouvelle prolongation bien que ses partenaires Total et CNOOC l’aient obtenu. La résiliation de cette transaction résultait de l’impossibilité pour les deux parties à s’accorder sur les aspects du traitement fiscal lié à l’amodiation. Il s’agissait d’une condition préalable à la prolongation de la période de validité de l’accord. L’Uganda Revenue Authority a indiqué qu’elle a rejeté l’idée de l’allègement fiscal pour permettre à la transaction d’aller jusqu’au bout. Par conséquent, les 33 % des parts de Tullow dans les zones d’exploration 1, 1 A, 2 et 3 A en Ouganda étaient de nouveau sur le marché. Et Tullow avait, pour sa part, indiqué qu’un nouveau processus de vente de ses parts serait lancé. La zone abrite des gisements de 1,5 milliard de barils de ressources récupérables, déjà découvertes. La production du site devrait afficher plus de 200 000 b/j.
Réserves stratégiques
En Angola, la société publique du pétrole (Sonangol) et Pumangol, filiale locale de Puma Energy, ont convenu d’utiliser le terminal de carburant de Pumangol à Luanda pour créer une réserve de carburant pour le pays. Suite à cet accord, les parties ont réalisé le mardi 21 avril la première opération de déchargement au terminal concerné. Les produits pétroliers ont été acheminés via le navire Girassol de Sonangol. Selon des propos rapportés par l’agence de presse Angop, l’accord satisfait les deux parties et permettra de répondre aux besoins en carburant, tout en renforçant la coopération entre les deux entreprises.
Par ailleurs, l’accord permettra à Sonangol d’utiliser ces installations au maximum de leur capacité estimée à 300 000 m3, ainsi que d’autres moyens logistiques, dont disposent ses partenaires pour satisfaire la demande locale sans grands risques. Sonangol a assuré qu’elle reste engagée dans le projet de construction du terminal de stockage de Barra do Dande dans la province de Bengo. L’installation augmentera la capacité de stockage à terre et contribuera à la création d’une réserve de sécurité de carburant liquide et gazeux pour le pays.