TUHOMAS Makete, le repré- sentant-résident de l’Orga- nisation des Nations Unies
pour le développement industriel (ONUDI) en République démocra- tique du Congo, se veut rassurant. La séance de travail, le mardi 12 mai dernier, avec le comité de gestion du Fonds de promotion de l’industrie (FPI) autour de Julien Paluku Kahongya, le ministre de l’Industrie, avait pour but de faire le point de la mise en œuvre du projet d’incubateur en faveur des jeunes inventeurs et entrepreneurs congo- lais avec le soutien de l’ONUDI. « Nous lui avons donné toutes les informations et il a formulé des recommandations pour que ce pro- jet puisse se réaliser le plus plutôt », a déclaré Thomas Makete.
Horizon 2050
D’après lui, l’ONUDI s’est engagée à tout faire pour la matérialisation de ce projet : « Au niveau de l’ONUDI, nous sommes en train de travailler d’arrache-pied pour que cet outil qui va permettre aux jeunes inven- teurs ou entrepreneurs congolais de pouvoir évoluer, de mettre en
œuvre leurs projets industriels, puisse être établi le plus rapide- ment possible ».
Dans son discours-programme de- vant les élus en septembre 2019, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, avait déclaré que la RDC a connu un recul sur le plan indus- triel, avec des données alarmantes qui indiquent qu’à ce jour le pays ne compte plus que 500 entreprises industrielles, contre près de 9 000 en 1960. Et que, « aujourd’hui plus que jamais, le gouvernement qu’il dirige s’engage à renverser la ten-dance afin de placer le pays dans le registre des grandes puissances technologiques et industrielles à l’horizon 2050 ».
C’est dire que le 1ER Ministre attache une grande importance aux actions innovantes qui doivent passer le relais aux projets de dé- veloppement, et encourage tous les compatriotes qui ont souscrit à l’innovation pour démontrer au monde que la RDC regorge de potentialités et d’intelligences. C’est dans ce cadre qu’il a confié au ministre de l’Industrie et à ce- lui de la Recherche scientifique et technologique d’assurer une large diffusion du produit de l’intelli- gence congolaise.
C’est également dans cette vision globale nationale que le FPI a décidé d’accompagner les jeunes innovateurs et entrepreneurs, en vue de l’émergence d’une classe moyenne nationale. La réflexion menée à ce sujet vise à mettre en place un programme particulier en leur faveur, dans la perspective de l’émergence à l’horizon 2050. Pour cela, il faut trouver solution à la problématique de l’emploi et de l’entrepreneuriat des jeunes, condi- tions d’émergence et d’expansion de cette classe moyenne.
Selon des statistiques recoupées mises à jour, les jeunes représentent à ce jour plus de deux tiers de la population et sont majoritairement exclus de la croissance. Le chômage des jeunes est quasiment deux fois plus élevé que celui des adultes. Il touche durement les jeunes diplô- més et le sous-emploi est prégnant chez les non diplômés. Ainsi, le FPI, dans sa nouvelle vision, a réfléchi à la politique de financement desprojets s’inscrivant dans les chaînes de valeur et permettant la création d’emplois stables et décents dans les secteurs d’avenir.
Cette réflexion a été menée autour de deux thématiques principales : la mise en place d’un programme particulier d’identification, d’ac- compagnement et d’encadrement des femmes entrepreneures, ainsi que la création d’incubateurs de petites et moyennes entreprises (PME). Face aux enjeux, le FPI a donc axé sa politique de soutien aux jeunes entrepreneurs sur la créa- tion d’incubateurs d’entreprises.
Stratégie du FPI
Le FPI a donc fait appel à une expertise belge pour réaliser une étude de faisabilité technique et financière en vue de créer des incubateurs. Deux villes pilotes ont été identifiées, Kinshasa et Goma. L’étude avait pour objectif d’éclairer le management du FPI sur le type d’incubateurs à mettre en place, les filières à développer, le cadre institutionnel et organisa- tionnel… Elle a été présentée à un atelier de validation lors des assises de Pullman Hotel, en vue de l’adhé- sion des parties prenantes au projet pour sa réalisation : institutions d’aide au développement, banques, jeunes entrepreneurs, fisc… L’étude de faisabilité technique et financière des incubateurs a pro- posé un modèle de projet novateur pour accroître la valeur ajoutée des productions agricoles à Kinshasa et Goma. À terme, les incuba- teurs de start-up devront fournir un ensemble des services visant le soutien aux entreprises à fort potentiel de croissance et le déve- loppement de nouveaux produits par le renforcement des chaînes de valeur porteuses, identifiées dans les localités concernées. Le FPI se réservant seulement le rôle de clé de voûte pour l’implémentation de ces incubateurs de start-up. Tout en assurant sa mission de finance- ment de la production de matières premières à l’industrie locale, de produits manufacturés compétitifs, ainsi que des projets des secteurs de l’agriculture et de l’élevage qui concourent à l’intégration indus- trielle.
Avec l’implémentation des incu- bateurs à Kinshasa et Goma, on s’attend à l’échéance de 5 ans à ce que chaque incubateur crée 88 start-up, 352 emplois en raison de 4 personnes par start-up et augmente les revenus de près de 1,9 millions de dollars. Comme type d’incuba- teur, l’étude a retenu l’incubateur
de chaînes de valeur agricoles sous le format de partenariat public- privé, sans but lucratif, tourné vers plusieurs secteurs mais concentré sur l’agrobusiness et poursuivant les objectifs de développement économique local et de création d’emplois.
Selon cette étude, les incubateurs auront un effet positif sur le dé- veloppement du secteur des PME qui, à son tour, aura un effet sur l’économie du pays : augmentation de la production alimentaire pour éviter ainsi la fuite des devises ; fourniture des aliments de base, création d’emplois et innovation dans un environnement à évolu- tion rapide. Les incubateurs de PME diffèrent en fonction de leur appartenance (public, privé, PPP, académique, ONG), de leur nature (à but lucratif, à but non lucratif), des secteurs d’activité (concen- tration sur un secteur ou sur plu- sieurs secteurs, technologique) et des objectifs (promotion d’une catégorie spécifique, développe- ment économique local, transfert de technologie, création d’emplois, maximisation des profits).
La stratégie du FPI en faveur des jeunes entrepreneurs repose essen- tiellement sur la création de centres d’incubation en vue de favoriser les emplois par la formation et l’encadrement des PME gérées par des jeunes. Elle découle aussi des recommandations de la table ronde des PME organisée par la Fédération des entreprises du Congo (FEC) en 2017 pour la mise en place des stra- tégies visant l’accompagnement et la promotion de la PME, vue comme un des moteurs de l’émergence de l’économie nationale.
En 2016, par exemple, à travers le Prix de l’innovation du chef de l’État initié par le ministère de l’In- dustrie, le FPI avait récompensé 20 idées innovantes dans plusieurs domaines.
Ces entrepreneurs ont bénéficié des subventions pour développer leurs entreprises, mais le suivi de l’évolution de ces projets n’a pas été optimal. Les start-up tenues par les jeunes n’ont pas de garanties et ne sont pas structurées comme les grandes entreprises. D’où l’idée de les assister. Dans le programme d’actions 2018-2020 du FPI, la mise en place d’incubateurs se chiffre à 13,2 millions de dollars.