SI CE POINT de convergence entre Paris et Berlin est à saluer, tant les accords sur la politique budgétaire ont été compliqués cette dernière décennie, cette annonce n’est qu’une première étape. « Il y a maintenant deux étapes à franchir », résume Pascal Lamy, l’ancien patron de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). « La première c’est l’intégration de cette proposition franco-allemande dans la proposition de la Commission qu’elle va faire à l’attention du Conseil européen et du Parlement européenne le 27 mai ». Surtout, cette proposition devra être acceptée « par les 27 et le Parlement européen. » Et ce sera tout sauf une mince affaire.
La semaine dernière, Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie, n’a d’ailleurs pas caché la complexité de la tâche. « L’accord franco-allemand est un accord décisif mais il restera à emporter la conviction d’autres États membres, en particulier de quatre États: l’Autriche, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas », a-t-il expliqué lors d’une audition à l’Assemblée nationale. « Ce sera une partie difficile, il ne faut pas se le cacher ».
Dette commune
Car, en réalité, ce fonds de 500 milliards destiné à soutenir les pays en difficulté est une façon, totalement inédite, de mettre en place de la dette commune en Europe, qui sera remboursée en proportion du poids économique de chacun (et pas en fonction des aides reçues). Sans aucun doute, la France et surtout l’Allemagne, paieront bien plus qu’elles ne recevront. Comme un parfum d’eurobonds… Si l’Allemagne a cédé, encore faut-il convaincre les quatre pays cités par Bruno Le Maire, et notamment les Pays-Bas de Mark Rutte. « J’espère que les Italiens ne se font pas d’illusions. Ils n’en verront jamais la couleur » de cet argent, tranche l’économiste Jean-Marc Daniel dans Good Morning Business. « Les Français et les Allemands n’ont plus la prééminence qu’ils avaient. » Et le couple franco-allemand n’a pas que l’Autriche ou les Pays-Bas face à lui. Il s’est aussi mis à dos, depuis longtemps, les gouvernements populistes d’Europe de l’Est. Dès lors, une décision à l’unanimité est-elle possible? « Ce qui est majeur, c’est de savoir si, cette fois-ci, l’Union européenne pourra venir en aide aux Européens », résume Pascal Lamy. La situation est complexe mais n’est pas forcément désespérée.
D’abord, le ralliement de l’Allemagne à de la dette commune était presque inespéré, et Berlin reste toujours le poids lourd du continent. Ensuite, la situation économique sera difficilement tenable sans une meilleure coopération européenne dans les mois à venir. Quant aux pays de l’Est, ils n’ont pas encore trouvé la brèche pour punir les « cigales » de l’Ouest, même si les relations restent tendues. « Tous les États membres de l’UE parviendront finalement à un accord, ne serait-ce que parce que l’alternative serait trop coûteuse à tous les niveaux », juge de son côté Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management. Pour la première fois, la France et les « pays du Sud » peuvent désormais profiter du plein soutien de l’Allemagne qui a les armes pour convaincre ses voisins « satellites », Pays-Bas et Autriche en tête, qui ne veulent pas entendre parler de subventions. Les discussions vont débuter. Si les 27 se mettent d’accord, le plan pourra voir le jour courant juin.