LA FRAUDE se porte bien dans le secteur forestier. Face à cette situation qui s’apparente à une véritable criminalité, Claude Nyamugabo Bazibuhe, le ministre de l’Environnement et du Développement durable, préconise l’application stricte des mesures préconisées. Vendredi 19 juin, il a expliqué en Conseil des ministres en mode visioconférence que ces mesures visent à garantir la gouvernance forestière, assurer la maîtrise du processus de traçabilité du bois artisanal et à maximiser les recettes de l’État. En tout cas, à propos du bois d’œuvre coupé illégalement dont la présence est signalée à Kinkole et ses environs, le constat est que la situation est complexe : des radeaux des grumes flottent aux ports de Kinkole et îlots dans le fleuve Congo où se fait la vente illicite. Des bois de grume illégaux ont été saisis pour non-paiement d’amendes transactionnelles. Au total, 14 services de l’État opèrent à ces au niveau des ports (14 au total). Dans cette confusion, des inspecteurs du ministère de l’Environnement et du Développement rural ont été arrêtés arbitrairement par d’autres services de l’État.
Préserver la biodiversité
Le 5 juin dernier, la communauté internationale a célébré la Journée mondiale de l’environnement sur le thème de la biodiversité. Occasion pour Claude Nyamugabo de décliner les actions en matière de préservation de la nature. Il a interpelé la communauté nationale, invitant la population « à s’investir dans la préservation de la biodiversité et la protection de l’environnement ». Et de lancer un appel à l’action : « Un million d’espèces végétales et animales sont menacées d’extinction à travers le monde, en grande partie à cause des activités humaines. » C’est donc le moment de « repenser la manière dont nos systèmes économiques ont évolué et l’impact qu’ils ont sur l’environnement. » Les défis se résument à peu près à ceci : améliorer la gouvernance dans le secteur. Claude Nyamugabo a inscrit son action dans cette perspective. Il est en campagne de sensibilisation des institutions au changement climatique qui est une question transversale. À cet effet, il a déjà rencontré les parlementaires (députés et sénateurs) membres de la commission d’environnement.
La République démocratique du Congo, a-t-il rappelé, est un pays de méga-biodiversité, soit plus de 10 000 espèces endogènes, et compte parmi les pays les plus riches du continent africain en termes de ressources naturelles renouvelables et non-renouvelables. La RDC est dépositaire de 47 % des forêts d’Afrique, ce qui lui confère une responsabilité majeure face aux enjeux de survie de la planète.
Claude Nyamugabo exhorte donc « à la préservation de notre biodiversité dont certaines espèces endogènes sont menacées de disparition (rhinocéros blanc, bonobo, okapi, etc.) », car « la biodiversité demeure la réponse aux principaux défis auxquels l’humanité fait face ».
À l’heure de la pandémie de Covid-19, il a rappelé également que « seule une démarche transversale et ambitieuse peut permettre de construire un avenir plus durable du point de vue écologique », et a annoncé le lancement d’une politique nationale forestière. La RDC abrite plus de 60 % des forêts denses du bassin du Congo, deuxième massif forestier tropical de la planète après l’Amazonie. Le pays possède ainsi la deuxième forêt tropicale primaire de la planète (86 millions d’ha). Avec en toile de fond la Conférence de l’ONU sur le climat ou la COP25, le problème de gestion des forêts en RDC revient encore d’actualité.
Le code et le moratoire
La RDC avait adopté, en 2002, un code forestier et décrété un moratoire dans l’attribution de nouvelles licences d’exploitation forestière industrielle, en vue de mettre de l’ordre dans le secteur. En octobre 2017, l’ONG Greenpeace et un groupe d’experts ont mené une campagne de communication sur les tourbières qui couvrent 145 000 km² d’un espace marécageux à cheval entre la République du Congo (Brazzaville) et la RDC, soit une zone un peu plus grande que l’Angleterre. Les experts estiment que ces tourbières stockent environ 30 milliards de tonnes de carbone. Cela représente autant de carbone que les émissions d’énergie fossile de toute l’humanité sur trois ans.
En décembre 2018, des délégués venus de l’administration forestière (ministère de l’Environnement et du Développement durable, Institut congolais pour la conservation de nature, Fonds forestier national, etc.), du secteur privé (exploitants forestiers industriels et artisanaux), du BNCF, de la société civile environnementale (ONG intervenant dans la gouvernance forestière), des communautés locales et autochtones, des cadres scientifiques et techniques, des organisations féminines environnementales et des jeunes -, se sont réunis à Kinshasa. Tous avaient réaffirmé leur soutien aux « stratégies pertinentes » de gestion durable des forêts en RDC.
Si le constat fait en décembre 2018 est que, cette fois-ci, les choses semblent aller dans la bonne direction, car le dialogue a été renoué entre le gouvernement et les ONG, il reste cependant « beaucoup de barrières » à lever avant qu’un vrai projet de gestion durable des forêts et de bonne gouvernance forestière, ne devienne réalité en RDC. D’après les ONG « si les coupes forestières se poursuivent au rythme actuel, le pays risque de perdre 40 % de ses forêts dans les 40 prochaines années ». L’exploitation a des répercussions environnementales, notamment dans la zone des tourbières (145 000 km²), qui ne peuvent rendre service à l’environnement que quand elles sont gardées humides et intactes.
Les forêts de la RDC constituent l’un des poumons de notre planète encore relativement intact avec une très grande dépendance en moyens de substance et d’existence pour les populations locales et les peuples autochtones. À ce jour, on estime, en effet, que les forêts peuvent jouer un rôle économique, environnemental, social, culturel majeur si des mesures d’assainissement efficaces (courageuses, inclusives et méthodiques) du secteur forestier sont mises en œuvre. Aujourd’hui, la loi n°011/2002 du 29 août portant code forestier pour régir la gouvernance forestière en RDC éprouve des difficultés dans sa mise en œuvre.
C’est ainsi que les observateurs avertis en appellent à sa révision pour le mettre en phase avec l’évolution des circonstances et des thématiques émergentes ayant une incidence réelle sur les forêts. Les mêmes observateurs soulignent la nécessité d’une politique forestière qui aurait pu se mettre en place avant même l’adoption du code forestier.
En dépit du lot d’hypothèques à lever, le régime forestier actuel a permis quand même quelques avancées. Mais ce n’est pas assez suffisant, estiment les ONG. Parmi les éléments positifs, on peut citer la revue légale des anciens titres forestiers en nouveau contrats de concession forestière représentant une superficie de plus de 12 millions d’ha (décret n°05/116 du 24 novembre 2005, fixant les modalités de conversion des anciens titres forestiers en contrats de concession forestière et portant extension du moratoire en matière d’octroi des titres d’exploitation forestière).
Il y a aussi la revue institutionnelle du secteur forêt-environnement, la production de la quasi majorité des mesures d’application du code forestier et la mise en place du comité de validation desdites mesures, la production et l’effort d’actualisation des guides opérationnels sur la mise en œuvre de l’aménagement durable des forêts. Il y a également le plan de zonage national pour sécuriser les espaces et instituer un domaine forestier permanent géré durablement, la publication de l’arrêté ministériel fixant le modèle d’accord constituant la clause sociale du cahier des charges du contrat de concession forestière des communautés locales.