STEVEN Mnuchin, le secrétariat américain au Trésor, a envoyé, le mercredi 17 juin, une lettre à ses homologues français, britannique, espagnol et italien, dans laquelle il les informe de la « pause » des négociations. « Les États-Unis ont suggéré de faire une pause dans les pourparlers de l’OCDE sur la fiscalité internationale au moment où les gouvernements du monde entier se concentrent sur la réponse à la pandémie de Covid-19 et sur la réouverture en toute sécurité de leurs économies », a déclaré dans un communiqué Monica Crowley, la chargée des affaires publiques. Face à cette annonce, Bruno Le Maire, le ministre français des Finances, a dénoncé ce jeudi 18 juin une « provocation » de la part des États-Unis. C’est dire que tout est à refaire maintenant ?
Au cours d’une audition mercredi dernier devant la Chambre des représentants, Robert Lighthizer, le représentant américain au Commerce, n’avait pourtant pas exclu un accord multilatéral. « Je pense qu’il y a clairement la place pour un règlement négocié », a-t-il dit. « Nous avons besoin d’un régime international qui se concentre non seulement sur certaines industries, mais encore sur la manière dont nous allons taxer les gens à l’échelle internationale ». Mais il avait semé le trouble en affirmant que le secrétaire au Trésor avait décidé de se retirer des négociations.
Début mai, le ministre français de l’Économie avait estimé que l’Union européenne devait de nouveau s’emparer du dossier de la taxation des géants du numérique dans la mesure où les travaux engagés à l’Organisation pour la coopération et le développement économiques « marqu(ai)ent le pas ».
« Une juste taxation »
« Cette lettre est une provocation », a déploré Bruno Le Maire, assurant que la France, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne avaient d’ores et déjà répondu aux États-Unis pour confirmer dans une lettre leur volonté d’obtenir « une juste taxation du digital à l’OCDE le plus vite possible ». Fin janvier, 137 pays s’étaient entendus pour aboutir d’ici la fin 2020 à un accord sur la taxation des multinationales, sous l’égide de l’OCDE. La taxation doit prendre en compte l’activité réelle réalisée dans chaque pays, pour éviter que les grands groupes dont les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) ne paient leurs impôts là où la fiscalité sur les bénéfices est la plus légère. « Nous étions à quelques centimètres d’un accord sur la taxation des géants du numérique, qui sont peut-être les seuls au monde à avoir tiré d’immenses bénéfices du coronavirus », a souligné Bruno Le Maire. Qui s’est aussi indigné de la manière dont la France était traitée : « Qu’est-ce que c’est que cette manière de traiter les alliés des États-Unis (…) en nous menaçant systématiquement de sanction », a-t-il dénoncé, assurant que son pays ne renoncerait pas à la taxe, qu’il a commencé à percevoir dès 2019.
La France, on le sait, a décidé d’imposer depuis le 1er janvier 2019 une taxe sur les grandes entreprises du numérique à hauteur de 3 % de leur chiffre d’affaires, en attendant l’adoption d’une fiscalité internationale. L’administration Trump a ensuite menacé de surtaxer « jusqu’à 100 % » l’équivalent de 2,4 milliards de dollars de produits français. « Nous appliquerons quoi qu’il arrive une taxation aux géants du digital en 2020 parce que c’est une question de justice », a-t-il assuré, rappelant que la taxe française « n’avait jamais été retirée, mais simplement suspendue pour quelques mois ». « Soit les États-Unis reviennent sur leur position et on arrive à un accord d’ici la fin de l’année 2020 et c’est la taxation internationale qui s’appliquera (…), soit il n’y a pas d’accord à l’OCDE parce que les États-Unis sont le seul pays à bloquer, dans ce cas on appliquera notre taxe nationale », a réitéré Bruno Le Maire.