LES MESURES en guise de réponses aux exigences d’éligibilité à l’African Growth and Opportunity Act (loi sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique) se multiplient. Elles visent à tirer parti des instruments commerciaux de l’AGOA. Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, a demandé au gouvernement de préparer « un rapport circonstancié » détaillant l’ensemble des mesures prises comme des « réponses positives aux demandes des États-Unis et de la communauté internationale », remédiant ainsi à la situation qui avait justifié l’exclusion de la République démocratique du Congo de l’AGOA. Ce rapport qui prépare le retour de la RDC à l’AGOA, sera envoyé au gouvernement américain dans les prochains jours dans la perspective de la révision annuelle de l’AGOA, a fait savoir le porte-parole du gouvernement, David-Jolino Diwanpovesa Ma-Mu-zingi, le ministre d’État, ministre de la Communication et des Médias.
La revue de progrès
Depuis 2010, la RDC ne fait plus partie des pays africains éligibles au statut de partenaire commercial privilégié des États-Unis, au motif que notre pays ne réalisait pas des performances pour prétendre tirer profit des avantages de l’African Growth and Opportunity Act. Pour rappel, l’AGOA a été votée en mai 2000 par le Congrès américain. Elle prévoit des programmes pour créer d’importantes opportunités en faveur des pays remplissant les conditions, et changer fondamentalement la structure des économies bénéficiaires.
Cette loi américaine donne donc l’opportunité aux pays d’Afrique subsaharienne d’exporter vers les États-Unis, sans exigences douanières ni contingences des produits répondant aux règles d’éligibilité et d’origine définies. Elle vise, entre autres, à promouvoir le commerce et les investissements entre les États-Unis et l’Afrique subsaharienne, en accordant aux pays admis un accès exceptionnel au marché américain ; à encourager le développement économique et les réformes en Afrique subsaharienne ainsi qu’à y favoriser un accès et des possibilités accrues pour les investisseurs et entreprises.
Mais à son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump, le président des États-Unis, a remis en cause certaines clauses de l’AGOA, notamment celle qui supprimait les limitations au textile et aux vêtements en provenance d’Afrique subsaharienne. Chaque année, l’AGOA passe en revue les « progrès démocratiques » accomplis par les pays concernés. Avec l’avènement au pouvoir de Félix Antoine Tshisekedi, des progrès notables ont été enregistrés en matière de démocratie.
Selon le porte-parole du gouvernement, la RDC a pris « des mesures qui cimentent l’instauration d’un véritable État de droit ». Il s’agit notamment de retour de la liberté d’expression et ouverture de l’espace médiatique à toutes les tendances politiques ; garantie du droit des manifestations politiques pour tous sous l’encadrement de la police ; garanties d’une justice pour tous et du droit à un procès équitable. Il s’agit aussi de mise en place d’un dispositif efficace de lutte contre la traite des êtres humains, se dotant même d’une agence nationale de prévention et de lutte contre ce phénomène. Un projet de loi relatif à cette matière est en étude.
Il s’agit également de lutte contre les antivaleurs, notamment la mise en place et l’opérationnalisation effective d’une agence nationale de prévention et de lutte contre la corruption ; réaffirmation de l’engagement à la tolérance-zéro en matière de recrutement forcé des enfants au sein des FARDC et aucun soutien aux groupes armés non étatiques qui perpétuent les pires formes de travail des enfants, notamment les enfants-soldats…
Avant l’exclusion de la RDC, 6 400 produits commerciaux étaient éligibles à l’AGOA. Cependant, plusieurs pays éligibles n’atteignaient pas un nombre important de produits d’exportation par manque de diversification dans la production. Le commerce entre la RDC et les États-Unis est à ce jour quasi inexistant. Selon les dernières statistiques, celles de 2011, la RDC a exporté vers les États-Unis pour 150 millions de dollars de marchandises tandis que les États-Unis ont expédié vers la RDC des marchandises d’une valeur de 137 millions de dollars.
Ces chiffres sont « si faibles » car inférieurs à la moyenne internationale. Cependant, les deux pays ont tout à gagner « économiquement et culturellement », s’ils augmentent le volume de leurs échanges commerciaux. En effet, le commerce international présente aujourd’hui plusieurs avantages pour les nations du monde. Toutes les économies avancées du monde y participent. Aujourd’hui, le commerce international veut dire croissance économique, efficacité et progrès technologique. Plus encore, il améliore généralement la qualité de vie des citoyens dans le pays.
Le marché américain
Les États-Unis sont à la fois le premier pays importateur et le deuxième pays exportateur au monde. Par exemple, les agriculteurs et les éleveurs américains dépendent des exportations. Près de la moitié des cultures, comme le blé, est vendue à l’étranger. Les États-Unis sont aussi le pays plus grand exportateur mondial de services (services bancaires, télécommunications, services énergétiques, livraison express, nouvelles technologies de l’information et de la communication, assurances…)
Les biens et services de haute qualité en provenance des États-Unis peuvent également contribuer à cette transformation. En effet, ce pays est le plus grand exportateur de produits agroalimentaires dans le monde : un hectare sur trois dans les fermes américaines est destiné à l’exportateur. Par ailleurs, les États-Unis sont une « véritable référence » en matière de machines et technologies agricoles ainsi qu’en matière de semences, engrais et produits chimiques. Parmi les semences, on trouve des variétés de haute technologie qui résistent à la sécheresse et aux insectes.
En avril 2019, la déléguée de la RDC à la conférence annuelle de l’AGOA à Washington a plaidé pour la réintégration de la RDC. Gérard Tumba, le project manager d’Easy Commerce se félicite du plaidoyer de la société civile congolaise pour la réadmission de la RDC à l’AGOA. C’est ainsi que sont nées des initiatives telles que Easy Commerce et la NCCN qui ont voulu relever le défi de la promotion des investissements américains en vue d’augmenter le volume des échanges commerciaux entre les États-Unis et la RDC pendant la période hors AGOA.
Compte tenu du faible volume de ces échanges, comment faire pour que des entrepreneurs de la plus grande puissance mondiale soient mieux connectés à la RDC ? En chiffres, la RDC, c’est une population de 80 millions d’habitants, des matières premières stratégiques tant recherchées par tous, le deuxième poumon du monde après l’Amazone et plus de 80 millions d’hectares capables de nourrir les deux tiers de l’humanité. « Dans le cas de la RDC, le commerce international peut apporter de nombreux avantages à son économie », souligne Gérard Tumba.
Qui note que « l’essentiel des exportations de la RDC est constitué des matières premières minérales, pourtant l’avenir économique du Congo dépend en grande partie de sa capacité à ajouter de la valeur à ses vastes ressources naturelles et produits agricoles ». Afin de bénéficier d’une diversification de son économie, notamment avec l’agriculture, l’énergie, le tourisme et l’industrie manufacturière. D’après lui, le commerce international présente des avantages certains, car « il favorise la croissance économique, l’efficacité, le progrès technologique, la concurrence et l’amélioration de la qualité de vie des citoyens des pays ».
Maître de son propos, Gérard Tumba met quiconque au défi : « Aucun pays n’est parvenu à améliorer de façon significative le niveau de vie de sa population sans être ouvert au reste du monde. » C’est pour cette raison, d’ailleurs, qu’il se réjouit de l’état d’esprit du président de la République disposé à établir « des partenariats win-win avec les USA ». Et il constate que « le gouvernement américain, pour sa part, est en situation d’augmenter significativement les investissements américains en RDC ».