L’art masculin d’éviter les tâches ménagères à la maison relève de puissantes stratégies. Une doctorante au centre de recherches internationales de Sciences-Po Paris les a étudiées et répertoriées. Comment être homme, se dire féministe et en faire le moins possible à la maison ? «En utilisant des parades sans avoir l’air d’être trop réfractaire», répond Laura Carpentier-Goffre, doctorante au centre de recherches internationales de Sciences-Po Paris. Par exemple : laisser traîner les corvées à faire, avec une lenteur savamment dosée, afin que, de guerre lasse, la femme s’en charge finalement. C’est la stratégie de «l’escargot». Dans celle dite «du mort», l’homme surjoue l’épuisement ou la maladie pile au moment de gérer les tâches ménagères. La bien nommée «stratégie du marchand de sable» pointe quant à elle l’inutilité rhétorique des hommes quand ils signifient à leur conjointe qu’ils sont disposés à les aider, sans pour autant passer à l’acte de leur propre chef. Des situations auxquelles beaucoup pourront s’identifier et que la chercheuse, qui soutiendra sa thèse en décembre, nomme «répertoire d’inaction» des hommes. Si la formule fait sourire, ces pirouettes masculines révèlent en creux l’assignation féminine. Pour sortir de l’impasse, de nombreux couples adoptent une stratégie d’évitement largement normalisée : l’embauche d’une «travailleuse domestique», qui permet aux hommes de se dédouaner complètement d’une responsabilité ménagère, mais aussi de «déplacer le conflit homme-femme vers un conflit entre femmes, structuré par la hiérarchie de classe et de race». Jugées triviales, les scènes de ménage autour du panier à linge ne sont pas anodines. Elles s’inscrivent parfois dans un «continuum entre stratégies d’esquive relativement «passives» et celles qui relèvent de la violence caractérisée. Il n’est pas rare que, lorsque les premières échouent, les hommes recourent alors à la menace, voire à l’agression».