PARMI les groupes qui ont déposé une plainte devant le Tribunal international du commerce à New York, il y a l’enseigne Home Depot, le fabriquant de guitares Gibson ; la marque de vêtements Ralph Lauren ; le fabriquant d’ordinateurs Lenovo ; l’entreprise des fruits et légumes Dole ; ou encore l’équipementier de golf Callaway. Les requêtes, déposées depuis la mi-septembre, ont été consultées le dimanche 27 septembre par l’Agence France Presse (AFP), qui avait déjà fait état, le mercredi 23 septembre, des plaintes de grands groupes automobiles mondiaux, comme Tesla, Ford, Mercedes et Volvo.
Le nombre d’entreprises s’élevant contre les tarifs douaniers supplémentaires imposés aux biens importés de Chine a fortement grossi lors des derniers jours, alors qu’on s’approche de l’élection présidentielle du 3 novembre aux États-Unis. Toutes ces entreprises affirment que ces droits de douanes, imposés sur une liste des produits dans le cadre du bras de fer commercial entre Washington et Pékin, sont « illégaux ». Elles demandent, par conséquent, leur « annulation » et souhaitent récupérer toute somme déjà perçue par les services douaniers américains depuis l’entrée en vigueur de nouvelles taxes.
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a, le 15 septembre, jugé illégale une première tranche de droits de douane imposés par les États-Unis sur quelque 250 milliards de dollars de biens chinois. Les taxes douanières punitives imposées par Washington sur les marchandises venant de Chine sont en fait payées par les importateurs aux États-Unis, ce qui, selon l’objectif du gouvernement américain, doit réduire ces importations chinoises et à terme, l’abyssal déficit commercial des États-Unis avec la Chine.
Ces tarifs punitifs ont marqué le début d’une guerre commerciale entre les deux géants économiques et constitué l’une des marques de fabrique de la présidence Trump, qui a accusé la Chine de pratiques commerciales malhonnêtes, de vol de propriété intellectuelle, et de vouloir utiliser la technologie pour étendre son emprise sur certaines régions du monde ou pour renforcer la répression en Chine notamment contre les musulmans ouïghours.
Washington et Pékin ont ensuite conclu un accord commercial, en grande partie au point mort. Des tarifs douaniers supplémentaires de 25 % restent ainsi appliqués sur l’équivalent de 250 milliards de dollars de marchandises chinoises.
Répit pour TikTok
Les utilisateurs américains vont continuer de pouvoir télécharger TikTok et ses mises à jour, au moins pour l’instant, grâce à un juge américain qui a bloqué le dimanche 27 septembre in extremis la suspension de l’application ordonnée par l’administration Trump au nom de la sécurité nationale.
Donald Trump, le président des États-Unis, avait signé début août dernier un décret visant à interdire le très populaire réseau social, qui appartient au groupe chinois ByteDance, à moins qu’il ne passe dans le giron d’une société américaine.
Quelques heures avant l’entrée en vigueur de la décision du gouvernement de bannir l’application des plateformes de téléchargement, le juge Carl Nicholas a donné raison à TikTok, qui avait déposé un recours le 18 septembre. Le magistrat, nommé par Donald Trump en 2019, a en revanche pour l’instant refusé de suspendre l’interdiction totale de l’application sur le sol américain, prévue pour le 12 novembre. Les raisons de sa décision sont sous scellés afin de protéger des informations potentiellement confidentielles, mais devraient être publiées une fois que les deux parties se seront mises d’accord. « Nous sommes satisfaits que la cour ait été d’accord avec nos arguments légaux et ait empêché la mise en place de l’interdiction », a réagi TikTok.
Le ministère du Commerce a fait savoir qu’il se conformerait à la décision du juge, mais avait bien l’intention « de défendre vigoureusement le décret présidentiel contre les embûches légales ». Lors d’une audience par téléphone le dimanche dernier, les avocats de TikTok ont déclaré que bloquer les téléchargements de l’application serait inconstitutionnel et enfreindrait le droit à la liberté d’expression, surtout à l’approche de la présidentielle du 3 novembre.
« TikTok est bien plus qu’une application, c’est la version moderne du forum public, c’est une communauté, c’est un moyen de communication (…) d’autant plus important en temps de pandémie », a fait valoir l’avocat John Hall. « Si l’interdiction entre en vigueur, c’est comme si le gouvernement empêchait les 2/3 du pays de venir à l’agora ». La plateforme a aussi assuré que cela lui causerait des dommages irréparables en termes de croissance, alors qu’elle gagnait quelque 424 000 nouveaux utilisateurs américains par jour au début de l’été.
Et l’interruption des mises à jour aurait pour conséquence directe, ironiquement, « d’éroder la sécurité » pour les 100 millions d’utilisateurs américains actuels, a ajouté John Hall. De son côté, le gouvernement considère ByteDance comme un « porte-parole » du parti communiste chinois et dit vouloir empêcher que de nouveaux utilisateurs soient exposés au risque de voir leurs données pillées par la Chine. Donald Trump accuse depuis longtemps TikTok d’espionnage sur ses utilisateurs au profit de Pékin, sans preuves.
Depuis son décret, négociations, invectives au sommet et rebondissements dans les tribunaux s’enchaînent. Si les tractations n’aboutissent pas, une interdiction complète des activités du réseau sur le sol américain pourrait entrer en vigueur à partir du 12 novembre, a prévenu le Trésor. La balle aux politiques. TikTok a confirmé un accord pour créer une nouvelle société, TikTok Global, avec Oracle en tant que partenaire technologique aux États-Unis et Walmart en tant que partenaire commercial. Il y aurait aussi une prise de participation de 12,5 % d’Oracle et de 7,5 % de Walmart. Les Américains détiendraient quatre des cinq sièges au conseil d’administration.
Mais la finalisation dépend du bon vouloir du président américain et du gouvernement chinois. « Nous continuons notre dialogue en cours avec le gouvernement pour finaliser ce projet, auquel le président a donné son accord préliminaire », a déclaré TikTok le dimanche dernier. L’application de vidéos courtes, le plus souvent musicales et humoristiques, est devenue le nouveau symbole de la bataille que se livrent les États-Unis et la Chine pour la domination du secteur de la haute technologie.
L’hôte de la Maison Blanche, en campagne pour sa réélection, a martelé qu’il ne donnerait pas son aval si le nouveau groupe restait sous contrôle chinois tout en affirmant que Oracle et Walmart allaient en posséder la majorité. ByteDance, qui comprend des investisseurs américains, a qualifié ces informations « de rumeurs erronées ». Mais ByteDance a annoncé avoir effectué une « demande d’autorisation » d’exportation de technologie, sans préciser à quel sujet. Cette initiative pourrait concerner le fameux algorithme qui a fait le succès de TikTok : il permet d’afficher aux utilisateurs les contenus les plus susceptibles de les intéresser, en fonction de leurs goûts, et de les conduire à passer le plus de temps possible à visionner vidéo après vidéo sur la plateforme. La Chine refuse que ce précieux système informatique ne tombe dans l’escarcelle américaine.
Légende : Un magistrat a suspendu l’interdiction totale de TikTok jusqu’au 12 novembre.