EN MARGE des assemblées annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a déclaré lors d’une réunion de haut niveau consacrée à l’Afrique que « pour les pays africains, la crise a entraîné de graves contraintes de liquidité ». D’après lui, les dépenses ont dépassé les revenus, entraînant une augmentation des déficits. En juin dernier, l’Afrique comptait sept des huit pays en situation de surendettement et 12 des 23 pays à haut risque de surendettement, a rappelé Antonio Guterres.
Selon le secrétaire général de l’ONU, « sans mesures audacieuses, le défi en termes de liquidité posé à l’Afrique pourrait dégénérer en crise de solvabilité ». Il a noté que les partenaires de développement ont répondu activement, citant l’initiative du G20 de suspension du service de la dette. « Mais cette initiative exclut de nombreux pays en développement, y compris des pays à revenu intermédiaire et plusieurs petits États insulaires en développement qui ont été durement touchés par la crise », a-t-il souligné.
Antonio Guterres a appelé les partenaires de développement à élargir l’éligibilité de l’initiative à tous les pays très endettés et vulnérables qui ont été touchés par l’urgence et à s’attaquer sérieusement aux problèmes structurels de l’architecture de la dette. Le secrétaire général de l’ONU a également noté que le Fonds monétaire international (FMI) et les banques multilatérales de développement ont joué un rôle déterminant dans la réponse aux besoins de liquidité à travers le continent africain. « Mais à l’avenir, beaucoup plus de ressources seront nécessaires pour soutenir une reprise durable », a-t-il dit.
« L’allégement de la dette bilatérale ne représente qu’environ un tiers du risque de dette de l’Afrique. Pourtant, la dernière décennie a été témoin d’une augmentation de la dette commerciale des pays africains et une solution globale aux problèmes de liquidité d’aujourd’hui doit inclure la dette privée », a ajouté Antonio Guterres. « En outre, l’allégement de la dette ne doit pas compromettre l’accès futur aux marchés des capitaux. » Pour le secrétaire général de l’ONU, depuis le début de la crise, les pays africains et l’Union africaine « ont fait preuve d’un leadership et d’une unité louables face à la pandémie… La communauté internationale doit continuer de montrer son attachement à la santé et au bien-être de l’Afrique ».
Crainte d’un arrêt brutal
La présidente de la Banque centrale européenne (BCE) plaide pour une « transition en douceur » des outils étatiques déployés pour contrer les effets dévastateurs du coronavirus. Christine Lagarde a averti la semaine dernière les gouvernements contre les risques d’un arrêt brutal de leurs mesures de soutien à l’économie, mises en place pour atténuer l’impact de la pandémie de coronavirus. « Ma première préoccupation à ce stade est que la conduite des politiques permette d’éviter l’effet de falaise », c’est à dire « le fait que certaines des politiques mises en place pendant la pandémie (…) soient arrêtées brutalement », a déclaré Christine Lagarde lors d’une intervention dans le cadre d’une conférence organisée par le FMI. Face à la récession provoquée par le nouveau coronavirus, les gouvernements ont déployé en urgence une panoplie d’outils inédits pour soutenir l’économie (chômage partiel, reports de charges, aides sectorielles…). « Nous espérons que les décideurs comprendront et agiront de sorte que ces soutiens soient prolongés pendant un certain temps, pour que la reprise s’installe, et même si la pandémie s’éteint progressivement », a-t-elle souhaité. La présidente de la BCE plaide pour d’autres mesures destinées à soutenir une reprise de l’activité, à mesure que de « nouvelles entreprises » se créeront et que le marché du travail rebondira. Ces politiques doivent être centrées sur l’investissement public, l’éducation et un environnement réglementaire efficace, a-t-elle ajouté. Christine Lagarde avait salué en juillet dernier l’adoption d’un plan de relance historique décidé par les dirigeants de l’UE face à la crise du coronavirus. Jusque-là, la BCE était en première ligne au niveau européen pour soutenir les économies de l’Union, à travers son programme de 1 350 milliards d’euros débloqués ces derniers mois pour des rachats de dette sur les marchés. Ce programme, connu sous le nom de PEPP, devrait s’étaler jusqu’en juin 2021. Face aux nombreuses incertitudes pesant sur la croissance, les observateurs attendent de nouvelles mesures de la BCE d’ici la fin de l’année. « Ce qui est important, c’est qu’une fois qu’une décision a été prise et qu’une fois la majorité établie, c’est une question de discipline de garder le cap », déclare la présidente de la BCE. Christine Lagarde a déclaré par ailleurs ne pas être inquiète des dissensions montantes entre membres du conseil des gouverneurs sur le cap adopté face aux effets économiques de la pandémie. « Je ne suis pas très préoccupée par le fait que les gens puissent avoir des points de vue et des opinions légèrement différentes », a-t-elle déclaré lors de son audition trimestrielle par le Parlement européen. « Ce qui est important, c’est qu’une fois qu’une décision a été prise et qu’une fois la majorité établie, c’est une question de discipline de garder le cap, d’être ensemble à ce moment-là », a-t-elle dit, se définissant comme « une créatrice de consensus ».
La BCE est prête à « ajuster l’ensemble de ses instruments » pour permettre à l’économie de repartir. Le moment crucial pour la BCE pourrait se situer en décembre prochain, quand elle redéfinira sa politique monétaire en disposant de nouvelles projections à l’horizon 2023.
Moins grave mais profonde
La pandémie de coronavirus a mis l’économie mondiale à terre et poussé 80 millions de personnes dans l’extrême pauvreté. Selon le FMI, elle a aussi creusé le fossé entre économies riches et pays en développement. Ces derniers risquent de sombrer dans une nouvelle crise de la dette. Le FMI n’écarte pas le scénario du pire pour 2021. Dans ses « Perspectives économiques mondiales » publiées en marge de son assemblée générale d’automne, il affirme que la récession sera moins sévère que prévu en juin. Après la fin du confinement entre mars et mai, les activités ont repris et le troisième trimestre se présente plutôt bien. Par-dessus tout, les États et les Banques centrales ont multiplié les mesures de soutien pour préserver l’économie. Résultat : le recul de la croissance mondiale ne sera finalement que de 4,4 % par rapport à 2019, contre -5,2 % prévu initialement en juin.