COMME on dit à Marseille en France, les Congolais sont empégués, ensuqués, estrancinés, pour ne pas dire escagassés. Ils attendent impatiemment quand la porte-parole du président de la République va annoncer à la presse et donc au pays la composition du nouveau gouvernement, dont le chef, est autrement dit le 1ER Ministre. Pas avant la rentrée parlementaire en mars prochain pour identifier la majorité même si à ce propos, il n’y a pas photo ni débat. Mais les rumeurs vont déjà bon train dans la capitale. Le président garderait-il le docile Jean-Michel Sama Lukonde ou va-t-il choisir un 1ERMinistre qui ne fait qu’à sa tête de linotte.
Le problème du président une fois de plus, c’est en qui mettre sa confiance. La grande question est : par qui remplacer Sama Lukonde. On peut se demander si le président ne tenterait pas une ouverture vers l’opposition, modérée ou radicale soit-elle. Pourquoi pas ? On peut aussi et même parler d’un technocrate sans couleur politique affichée. Qui alors, après Sama Lukonde ?
Vital Kamerhe, le favori ?
Le vice-1ER Ministre, ministre de l’Économie nationale dans le gouvernement sortant de Sama Lukonde jurerait que la primature n’entre plus dans son plan de carrière politique pour le second quinquennat de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo. Après, il ferait quoi ?, demanderait l’élu UNC de Walungu, qui la joue modeste jusque-là. Pourtant, qui ne sait pas que pour le premier mandat un accord liait Vital Kamerhe au président pour diriger le gouvernement en cas de victoire électorale à la présidentielle et avant d’espérer diriger un jour le pays. Est-ce que cet accord entre parties tient toujours ? En tout cas, vu de l’Union pour la démocratie et le progrès social/UDPS, le parti du président, il faut oublier. Adepte du dicton Qui va piano va sano, on pense que Vital Kamerhe, en fin politicien, voudra bien réchauffer cet accord puis se faire adouber par le président pour 2028.
Mais le président voudra-t-il vraiment le mettre en piste pour le tester ? S’il réussit dans ses calculs de prendre la direction du gouvernement ou celle de l’Assemblée nationale puisque son parti, l’Union pour la nation congolaise/UNC se positionne désormais comme la deuxième force politique dans la nouvelle configuration de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe a des chances d’atterrir dans le fauteuil de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo en 2028.
Jean Pierre Bemba Gombo, l’outsider ?
À la différence de Vital Kamerhe, le Chairman du Mouvement pour la libération du Congo/MLC n’était pas programmé pour la primature. Vice-président de la République dans le format inédit de 1+4 selon l’accord politique issu du Dialogue inter Congolais de Sun City en Afrique du Sud (2001-2003) et challenger de Joseph Kabila Kabange au second tour de l’élection présidentielle de 2007, la Cour pénale internationale/CPI l’a privé de se représenter aux scrutins de 2011 et 2018.
Mais après son acquittement par la CPI, Jean Pierre Bemba a peu à peu entretenu des relations de proximité avec le président. Aujourd’hui, le paysage a changé. Jean Pierre a la confiance du président et peut espérer un avenir meilleur qu’au ministère de la Défense et des Anciens combattants, où il s’acquitte d’une tâche difficile, mettre la fin à la guerre dans l’Est. Tout porte à croire qu’il en sera récompensé. À la primature ? Pas impossible, mais peu probable.
Modeste Bahati Lukwebo, maître du suspens et de la pression ?
Le président du Sénat croit toujours en son étoile et le poids politique de son parti, l’Alliance des forces démocratiques du Congo/AFDC. Vu la tournure des événements avec Joseph Kabila Kabange dont il était le soutien politique au pouvoir de 2011 à 2018, Modeste Bahati est l’un des artisans de la création de l’Union sacrée de la nation/USN et a été récompensé en devenant le président du Sénat, poste que Joseph Kabila lui a refusé. Il sait bien que le président avait fait le choix de Sama Lukonde pour la primature en raison de sa supposée docilité. En tout cas, celui qui était près de présenter à l’élection présidentielle de 2018 contre Kabila aurait été moins accommodant, le président le savait. Cette fois-ci, le président pourrait finir par songer à lui : il est populaire et fort en pression. Il finit toujours par obtenir ce qu’il recherche. Là encore, le scénario serait surprenant, mais le chef de l’État est si pragmatique.
Nicolas Kazadi Kadima, le joker ?
Le président garde la carte UDPS, en tant que première force politique à l’Assemblée nationale, dans sa manche. Certes, les Peter Kazadi Kankonde, Augustin Kabuya, André Mbata, Paul Tshilumbu et autres ne font pas mystère de viser la primature ou la présidence de l’Assemblée nationale et/ou du Sénat. Mais, homme de confiance du président, Nicolas Kazadi pourrait quitter le ministère des Finances pour la primature. Impopulaire auprès de ses pairs au gouvernement ainsi que des administrations publiques pour ses méthodes mais apprécié par les institutions financières internationales, il pourrait gagner.
Jules Alingete Key, la surprise ?
Si le président pense que l’aventure est risquée, car beaucoup de requins et de jeunes turcs de la classe politique sont en effet également dans les rangs, le président peut créer la surprise, et Jules Alingete Key pourrait surgir à la primature. Pourquoi pas ? Contrôleur en chef des finances publiques, il est considéré désormais comme Monsieur Mani pullite, redouté et craint. En matière de fraude et de corruption, le chantier est immense. Le président sait qu’il peut compter sur lui. Jules Alingete connaît très bien le jeu de passe-passe concernant le détournement des finances publiques. Il a le soutien du président, des fonctionnaires et agents de l’État dans la traque des mandataires véreux à traves la patrouille financière de l’Inspection générale des finances/IGF qu’il dirige.