Il faudra désormais s’habituer à un nouveau concept dans les échanges sur le processus de développement des nations : agenda post-2015. Après que tous les pays du monde ont réalisé qu’il y avait des résultats dans la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et qu’en 2015, les résultats, dans les pays pauvres seront plus que mitigés, il s’est avéré impérieux de trouver une autre vision pour toute la planète. C’est un véritable défi qui se traduit aussi en terme de sursis.
Si, par exemple, pour la République démocratique du Congo et bien d’Etats africains, les multiples et complexes crises n’ont pas permis de s’investir dans ces engagements pris au sommet du Millénaire, organisé par les Nations unies à New York en 2000, il est maintenant clair qu’il sied d’amorcer la nouvelle étape en conduisant des structurations profondes dans les différents systèmes. Les nations du monde semblent l’avoir compris. Cela peut expliquer aussi le fait, entre autres, que bien d’Etats se soient fixé un nouveau rendez-vous à l’orée 2025 ou 2030. En fait, devrait être mené en ce moment-là une sorte d’exercice d’évaluation à mi-parcours. Les pays concernés mettront alors les données sur la table pour relire, de façon participative, les résultats intermédiaires engrangés afin de remodeler ou de réaménager leur vision. En 2063, il n’y aura plus d’excuses en cas de déconfiture, comme c’est le cas aujourd’hui.
L’agenda de développement post-2015 est en réalité innovant à plusieurs égards. Il faut relever qu’il concerne tous les pays de la planète, riches, pauvres ou à revenus intermédiaires. Ainsi, alors que sur les huit objectifs du Millénaire pour le développement, sept visaient particulièrement les pays pauvres du Sud, les nouvelles orientations toucheront au vécu de toute la population mondiale. Si les faiblesses des pays du Sud sont connues, il faut également gérer les travers des communautés du Nord. En effet, il faut se rappeler ces crises qui ont secoué ces dernières décennies le monde développé, notamment la crise financière, l’accumulation des effets polluants, etc.
Désormais, comme l’a prôné la Suisse, « les Etats et les sociétés doivent se mettre d’accord sur des objectifs communs et sur une répartition équitable des charges, selon le principe d’une responsabilité collective mais différenciée ». Pour la Confédération helvétique, l’agenda doit contenir des « objectifs ambitieux » et avoir comme priorité la préservation des ressources mondiales en eau.
La deuxième innovation, et elle prend en compte les doléances des pays en voie de développement, notamment ceux d’Afrique, est la période réservée pour réaliser une révolution soutenable dans le prochain processus de production consentie et de répartition équitable des richesses. Ce timing s’étend sur cinquante ans (2015-2063), soit deux générations entières. En d’autres termes, la majorité des hommes et des femmes, qui sont en train de développer la réflexion et de ceux qui adopteront ce document essentiel en 2015, ne seront plus en vie quand, dans un demi-siècle, leurs arrières-petits fils conduiront la dernière évaluation de ces objectifs de développement de l’agenda post-2015. Cela donne également une autre dimension à cette initiative.
Nouvelle feuille de route consensuelle
« Nous avons en main une occasion extraordinaire de réfléchir ensemble et de définir comment la planète peut être meilleure à l’horizon 2030, 2040 », déclarait en juillet 2002 le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, après avoir mis sur pied un groupe de travail et un panel de haut niveau appelés à définir les termes de l’agenda post-2015. Ce véritable « think tank », qui était co-présidé par le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono, la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf et le Premier ministre britannique, David Cameron, avait rendu son rapport en mai 2013. Ce document volumineux retraçait l’état de mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement et formulait des recommandations utiles pour l’agenda post-2015.
Ces propositions avaient été obtenues au terme de consultations, aussi bien au sein du système des Nations unies qu’auprès des Etats, des parlements, des acteurs du développement, de la société civile… Du reste, des experts indiquent que la nouvelle feuille de route devrait comporter des acquis glanés au cours des réalisations antérieures. Conserver la base OMD : cette initiative a pu mobiliser la plupart des Etats de la planète et a mis tout le monde d’accord sur l’importance de se focaliser sur une priorité, celle de réduire de manière profonde le niveau de la pauvreté. Durabilité : les objectifs doivent être soutenables, par exemple en ne créant pas un grand écart entre la gestion des enjeux environnementaux et des défis sociétaux. L’universalité : « Il s’agit d’un changement de paradigme : le nouvel agenda ne sera plus porté par une vision du Nord pour le Sud mais devra être un projet collectif global, à mettre en œuvre dans chaque pays, pour toutes les populations. Le futur cadre de développement devra aussi valoriser les retours d’expériences et les bonnes pratiques venues des pays en développement, afin de mieux prendre en compte les réalités locales ». Concertation et appropriation : les différents aspects du développement durable (social, environnemental, économique) doivent être la symbiose des échanges entre tous les partenaires : collectivités territoriales, chercheurs, services de l’Etat, citoyens engagés, entreprises, parlementaires, ONG, entreprises… En réalité, la société civile a suffisamment démontré qu’elle peut jouer un rôle déterminant et de grande importance dans la conduite des affaires publiques et, dès lors, l’Etat ne peut plus détenir le monopole de l’action collective.