Kanyesheja, groupement de Buhumba, territoire de Nyiragongo se trouve bel et bien en République démocratique du Congo. Le matin du 11 juin, cette localité, située entre Kibati et Kibumba, a été le théâtre d’affrontements entre des éléments des FARDC et ceux des Rwanda Defense Forces, (RDF). Bilan : un soldat congolais capturé vivant, puis tué par les militaires des RDF.
Les faits ont fini par donner raison à Business et Finances qui faisait état, dans l’une de ses précédentes éditions, d’un prétexte de trop de Kigali qui a tenté de donner le change en demandant au Mécanisme conjoint de vérification (MCVE) d’enquêter, sous le prétexte que ce militaire ferait partie d’un groupe de soldats congolais qui tentaient de voler du bétail au Rwanda.
Dans la requête de l’état-major des RDF relative à la violation du territoire rwandais et à la tentative du vol des vaches, il est allégué qu’une section des militaires des FARDC a violé le territoire rwandais avec l’intention de voler des vaches. Vingt-quatre heures plus tard, une autre demande de l’état-major des RDF a été envoyée au MCV-E pour « investiguer sur une prétendue attaque des FARDC à Kanyesheja, village de Cyamabuye, cellule de Rusura, district de Rubavu, en territoire rwandais ». Selon un officier rwandais, au cours de cet accrochage, « les deux camps ont échangé des tirs. Les FARDC ont perdu quatre soldats et un militaire des RDF a été blessé aux doigts. Les survivants des FARDC ont tenté de s’enfuir avec les cadavres de leurs collègues qu’ils ont abandonnés plus tard dans la brousse à cause de la puissance de feu des RDF.»
Les analystes rapportent que les collines de Kanyesheja 1 et 2 font partie du territoire congolais. Sous la rébellion du M23, ces collines ont été occupées par les rebelles de ce mouvement. Après la défaite de ces derniers en novembre 2013, les FARDC les ont réoccupées en vue de réajuster leurs positions défensives. La section des FARDC déployée a crée un poste d’observation à Kanyesheja en y détachant des militaires près de la frontière avec le Rwanda.
Question : s’il est établi, au regard de plusieurs documents historiques datant de la colonisation belge, que Kanyesheja se trouve sur le sol congolais, qu’étaient censés y faire les militaires rwandais qui ont tiré des coups de feu sur les soldats congolais à la suite d’une supposée embuscade ?
Selon un membre de la société civile qui s’est rendu sur les lieux, aucune douille ni impact de balle n’ont pu être relevés sur l’endroit présumé de l’accrochage. Ceci crédite la thèse défendue par la RDC selon laquelle des militaires congolais ont été enlevés sur leur territoire avant d’être abattus de sang froid.
A supposer même que la colline querellée se trouve en territoire rwandais, les Congolais ont le beau rôle de demander des comptes au Rwanda. Le fait d’avoir hébergé des rebelles congolais du M23 sur une portion du « territoire » rwandais atteste que Kigali a joué un double jeu en ne respectant pas les différentes résolutions prises par les Nations unies et les instruments signés dans le cadre de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL).
Le 12 juin, les membres du Mécanisme conjoint se sont transportés sur le terrain pour vérifier les faits mais l’intensité d’échange de tirs ne leur a pas permis d’arriver sur les lieux pour mener des investigations. Au moment où l’équipe de vérification quittait la zone, les experts de différents pays ont remarqué le déploiement vers le front des pièces d’artillerie et des unités spéciales des forces rwandaises.
Selon une source militaire, la position attaquée par l’armée rwandaise constitue une position stratégique de part son altitude par rapport à l’ensemble de la configuration générale sur le terrain. De cette position, il s’observait un renforcement surdimensionné en hommes et matériels de guerre du côté rwandais, dans le secteur frontalier de Kabuhanga et Gasizi, où est basé l’Etat-major opérationnel de l’armée rwandaise. Les observateurs avertis de la situation dans les Grands Lacs africains estiment que le vol de bétail n’est qu’un prétexte utilisé par le Rwanda pour justifier une opération militaire de grande envergure. Personne ne veut croire que pour régler un problème lié à du bétail, on puisse déployer autant de militaires et de l’artillerie lourde à la frontière.
Cette attaque est intervenue au moment où se trouvait à Luanda (Angola), le Comité des ministres de la défense de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) pour étudier les voies et moyens pour renforcer le MCVE en vue d’asseoir définitivement la paix à l’Est de la RDC.
A l’occasion de l’ouverture des travaux, Manuel Domingos Vincente, vice-président angolais a réitéré l’engagement de l’Angola à assurer la mise en œuvre du Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs et exhorté les autres pays membres à œuvrer pour la paix au sein de la région. Avaient pris part à cette rencontre, les ministres de défense de l’Angola, du Burundi, du Congo-Brazzaville, de la RDC, du Kenya, du Soudan du Sud, de la Tanzanie, de l’Ouganda, de la Zambie et celui du Rwanda. Au cours de ces assises, le Comité des ministres de la défense avait, concernant la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC, relevé les opérations de ratissage en cours menées par les FARDC contre les rebelles de l’ADF pour leur éradication totale. Concernant les FDLR, le Comité avait décidé de s’inscrire dans la résolution prise lors du mini-sommet des chefs d’Etat de la CIRGL tenu à Luanda le 25 mars 2014. Parmi les résolutions prises au cours de ce mini-sommet, le rapatriement volontaire continu de ceux qui veulent désarmer et rentrer volontairement et l’engagement des actions militaires urgentes contre les récalcitrants. Après ce constat, le Comité avait formulé quelques recommandations dont l’une des plus importantes est le lancement d’un ultimatum final, avec délai d’exécution, aux groupes armés étrangers et aux groupes rebelles locaux.
Ces efforts semblent très mal perçus par Kigali qui voit en effet d’un mauvais œil le retour de la paix à l’Est de la RDC. En effet, avec l’amorce de l’opération de reddition volontaire des FDLR, le Rwanda perd son éternel alibi de déstabilisation de la RDC. Avec la défaite du M23 et la déroute de l’ADF-NALU, ce pays a également perdu son bras armé grâce auquel il intervenait directement dans les affaires intérieures de son voisin pour semer le désordre et piller ses richesses. La conjonction de ces événements a acculé Kigali. Décrié comme jamais auparavant, le Rwanda est en train de perdre ses meilleurs alliés. Il tente le tout pour le tout pour maintenir la tête hors de l’eau et justifier ses velléités belliqueuses à l’égard de la RDC. C’est dans ce contexte qu’on révèle que des incidents similaires sont légion de la part des RDF. Des militaires rwandais occupent des territoires congolais à l’Est, au nez et à la barbe de la Mission de stabilisation de l’Onu au Congo (Monusco). On rappelle qu’au mois de janvier, Julien Paluku, gouverneur de la province du Nord- Kivu s’était plaint du déploiement des éléments des RDF dans le village Murambi en RDC. Les coordonnées prélevées avaient clairement établis que les positions des deux forces étaient bel et bien en territoire congolais. La position RDF était à moins de 200 m à l’intérieur de la RDC en partant de la frontière, les deux positions étant éloignés de moins de 100 m.
A Murambi comme à Kanyesheja, il s’agit, ni plus ni moins, d’une provocation délibérée des RDF, destinée à tester les capacités des FARDC.