La carotte et le bâton

Malgré les satisfécits de l’institution financière pour les progrès réalisés, il reste encore beaucoup à faire pour que le pays sorte la tête de l’eau. Cela passe par davantage de réformes.

Le Fonds monétaire international (FMI) a achevé ses consultations statutaires en République démocratique du Congo. Constat : le pays a réalisé des performances macro-économiques solides malgré les défis sécuritaires, notamment dans l’Est, foyer de multiples tensions. La croissance du PIB s’est chiffrée à 7 %, soutenue par la production minière et les investissements qui interviennent dans la chaîne de valeur de différentes activités du secteur. En 2013, elle est restée dans la lignée des chiffres de 2010 et 2012. Dans les autres secteurs, notamment l’agriculture, la croissance a également été forte, impliquant une progression du PIB réel (hors secteur minier) de 8,5 %. A moyen terme, les perspectives de croissance restent favorables. La croissance devrait s’établir à 8,7 % cette année et en moyenne, à 7,5 %, sur la période 2015-18. Au cours de cette période, le secteur minier devrait rester le moteur principal de la croissance, notamment du fait de l’accélération de la phase d’investissement de Sicomines, le Projet de coopération sino-congolais. En ce qui concerne l’inflation, la projection est de 4 % en 2014, un objectif réalisable compte tenu de la faible inflation actuelle, de la possibilité de stérilisation des liquidités excessives par la Banque centrale du Congo (BCC), et de l’absence de choc extérieur prévu sur les prix. Une baisse des cours internationaux des principaux produits miniers exportés par la RDC représente le risque principal pour les perspectives économiques du pays. Par ailleurs, le FMI a apprécié la politique budgétaire restrictive menée par le gouvernement et reconnu que cette politique et l’absence de choc majeur sur les prix ont contribué à réduire davantage l’inflation, qui est tombée à un niveau de 1 %, fin 2013. L’augmentation des exportations minières et le niveau soutenu des flux d’investissements étrangers ont contribué à un excédent de la balance globale des paiements. Les réserves de change brutes en 2013 ont couvert 7,7 semaines d’importation de biens et services non liées à l’aide, un niveau qui reste faible malgré la stabilité du taux de change inchangé depuis 2010.

Pauvreté galopante et fragilité de l’économie

Toutefois, en dépit de cette croissance, la pauvreté reste omniprésente et l’économie vulnérable. L’espace budgétaire limité et la pratique qui consiste à compenser les chocs sur les recettes par des ajustements des dépenses n’ont pas permis de soutenir les investissements en faveur de la lutte contre la pauvreté, nécessaires pour réaliser une croissance inclusive, d’où une montée des revendications dans la population pour un meilleur partage des retombées de la croissance. Les administrateurs du FMI soutiennent qu’il est important de créer un espace budgétaire de manière à accroître les dépenses sociales prioritaires et à engager les investissements publics nécessaires pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), dont la date butoir se profile à l’horizon 2015. Selon eux, cet espace budgétaire devrait être créé par le biais d’une amélioration de la gestion des finances publiques, d’un effort accru de mobilisation des recettes intérieures, notamment celles qui ne sont pas tirées des ressources naturelles et un meilleur alignement du budget sur le document de stratégie pour la réduction de la pauvreté. À cet égard, ils appellent à améliorer l’administration fiscale, notamment en s’attaquant aux lacunes avérées de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en maîtrisant l’assiette fiscale et en redoublant d’efforts pour accroître la contribution du secteur minier au budget. Dans ce contexte, ils ont recommandé aux autorités d’améliorer la gouvernance et la transparence dans la gestion des ressources naturelles afin de renforcer le contrôle des entreprises publiques du secteur minier.

Des menaces à peine voilées

A les en croire, l’adoption de mesures correctives dans ce domaine pourrait préparer le terrain pour des discussions sur un éventuel nouvel accord. Ils ont souligné qu’il est nécessaire d’accélérer les réformes, notamment en adoptant un code minier et une loi sur les hydrocarbures conformes aux meilleures pratiques internationales, et encouragé le respect intégral des critères de l’Initiative pour la transparence des industries extractives et l’adoption d’un cadre renforcé pour la lutte contre le blanchiment des capitaux. À cet égard, les administrateurs recommandent une meilleure gestion de la fiscalité minière et des actifs miniers de manière à éviter un manque à percevoir de la part des entreprises publiques du secteur des ressources naturelles. Pour le FMI, les progrès des réformes structurelles ont été mitigés. Il a souligné la mise en œuvre des réformes visant à dédollariser l’économie, à développer les marchés financiers et à améliorer la gestion des finances publiques. Parmi ces réformes, l’introduction de nouvelles coupures du franc congolais et la généralisation du système de paiement des salaires des fonctionnaires par voie bancaire. Les réformes de la gestion des finances publiques ont progressé aussi, avec une amélioration de la chaîne de la dépense et une réduction des dépenses en attente de paiement. Par contre, les réformes structurelles visant à accroître l’indépendance de la Banque centrale du Congo (BCC), notamment en ce qui concerne sa capitalisation, ainsi qu’à améliorer la transparence et la gouvernance des entreprises publiques du secteur minier ont accusé beaucoup de retard.

Pour sa part, la partie congolaise a identifié un ensemble de problèmes, causes du contraste entre richesses minières et pauvreté des populations, dont l’un est la dollarisation de l’économie. Une réintroduction du franc congolais a été effectuée, mais en l’absence d’une base de production solide, diversifiée et compétitive, la RDC pourrait continuer de subir les conséquences sur sa balance courante. Même si celle-ci est prévue en amélioration, les données collectées par le FMI montrent qu’elle restera négative et à deux chiffres hors dons et transferts (-12 % du PIB) d’ici 2016. Dans le même temps, on constate que si les réserves extérieures connaissent une hausse progressive pour atteindre 2,1 milliards de dollars en 2016, elles ne représenteront qu’une moyenne de 8,6 semaines d’importation de biens et services (hors aide et autres dons). Enfin, elles ne permettront pas de conjurer efficacement le service de la dette extérieure, qui devrait, elle, se situer à 8 milliards de dollars. Comme en 2009 lors de la négociation du programme économique du gouvernement (PEG 2), le FMI a posé ses exigences, notamment l’amélioration de la gouvernance et de la transparence dans la gestion des ressources naturelles ainsi que le renforcement du contrôle des entreprises publiques du secteur minier. Le second Programme économique du gouvernement (PEG 2), conclu en décembre 2009, avait été interrompu suite à des malentendus sur la façon dont le secteur minier était géré.