La bancarisation, autre qu’elle a permis au gouvernement de maîtriser les effectifs de la fonction publique, elle est aussi l’occasion pour les institutions financières d’engranger des bénéfices inespérés.
La paie des fonctionnaires par voie bancaire a rapporté par trimestre 6,7 milliards de francs aux banques commerciales chargées de cette opération. Les frais bancaires pris en charge par l’Etat sont de 3,6 dollars (3 348 francs) par mois et par agent, selon les chiffres rendus publics par le ministère du Budget. Deux ans après son lancement, l’opération aura rapporté aux banques, à travers l’Association congolaise de banques, pas moins de 50 millions de dollars. La facture commençait à devenir salée et le gouvernement a décidé d’y mettre un terme. Chaque fonctionnaire devra désormais payer lui-même les frais en question. Pour un compte salaire, le fonctionnaire, devra par conséquent, prendre en charge les frais de tenue du compte, la taxe sur frais fixes, les intérêts débiteurs et le montant du calcul de retour. Sur un extrait de compte remis à un agent par la RawBank, les frais de tenue de compte retenus s’élèvent à 4 600 francs par mois. La taxe « frais fixes » est de 736 francs et le montant du calcul de retour de 666 francs. Une autre pratique instaurée par les banques veut que le titulaire d’un compte salaire soit frappé d’une pénalité lorsque la rémunération est versée au-delà du terme échu. Les salariés de quelques entreprises publiques transformées en sociétés commerciales sont victimes de cette pratique. Ils s’en plaignent régulièrement car, expliquent-ils, « c’est du fait de l’employeur que les salaires ne sont pas versés à temps ». Avec les fonctionnaires, policiers et militaires, on s’attend à des empoignades devant les guichets de banques si une action de pédagogie n’est pas organisée en leur faveur. Un soldat n’avait pas hésité à empoigner un agent d’une banque après avoir constaté que deux billets de cent francs manquaient à sa solde.
Des aménagements fiscaux et douaniers
Par ailleurs, grâce à la bancarisation, les banques ont également bénéficié d’aménagements fiscaux et douaniers en vertu des dispositions préliminaires de l’ordonnance instituant un nouveau tarif des droits et taxes à l’importation publiée en 2012. Selon un expert, les aménagements douaniers et fiscaux étaient directement liés à la politique de bancarisation de la paie des salaires décidée par le gouvernement. Cette opération a exigé, dans le chef des banques, de nouveaux investissements pour un transport sécurisé des fonds en vue d’éviter les effets pervers dans un environnement sécuritaire peu rassurant dans certaines parties de la RDC. C’est dans ce cadre que la Commission tarifaire a été convoquée, fin 2013, pour examiner les aménagements douaniers et fiscaux en faveur du secteur bancaire, en vertu du paragraphe 16 des dispositions préliminaires de l’ordonnance-loi du 21 septembre 2012 instituant un nouveau tarif des droits et taxes à l’importation. Jusque-là, le secteur bancaire était exclu du bénéfice du Code des investissements.
Toutefois, l’opération a été bénéfique pour le gouvernement. Fin avril 2014, des économies cumulées réalisées étaient évaluées à 13,4 milliards de francs consécutifs à la maîtrise des effectifs de l’administration. C’est ainsi que l’Inspection générale des Finances avait constaté des économies de 9,6 milliards de francs à la paie des enseignants, non décaissés par la Banque centrale du Congo (BCC). Ces reliquats résultent des blocages des salaires effectifs et de l’élimination des doublons dans les fichiers. Ces économies sont logées à la Banque centrale dans un sous compte général du Trésor, conformément à l’arrêté interministériel du 2 février 2013.