Washington est, en ce début du mois d’août, la capitale « africaine ». Plus de cinquante chefs d’Etat du continent vont y développer des argumentaires afin d’amener la première puissance du monde à appuyer davantage leurs pays dans différents domaines stratégiques. Les dirigeants congolais saisiront l’opportunité pour soutenir les spécificités de leur cas, sous un décryptage particulier de leurs interlocuteurs.
Pour la forme, les hôtes américains ont mis en œuvre une pratique qui permettra, au président Barack Obama et à ses invités de marque, d’échanger, ensemble, sans quelque frustration ni discrimination : tous les participants, au premier sommet Afrique-Etats-Unis de l’histoire, prendront effectivement part aux trois discussions sur les différents thèmes retenus pour la circonstance. Il n’y aura pas de tête-à-tête particulier avec le président américain. Les aspects thématiques retenus sont fort importants et divers, comme la gouvernance, la paix et la sécurité, la santé, la sécurité alimentaire, l’avenir de la jeunesse, l’environnement. Ce sommet va, globalement, permettre aux parties présentes de renforcer leurs relations dans les secteurs politique, diplomatique, économique, sécuritaire et culturel.
Le monde entier cherche à accéder aux richesses et ressources naturelles congolaises, et cela ne semble pas étonnant que les pays émergents comme la Chine et des mouvements tels que Al-Qaida ou Hezbollah trouvent également, en RDC, un terrain fertile pouvant leur servir d’un fonds de commerce rentable, car exploitable à moindre coût.
Jean-Jacques Wondo, analyste politique
Les différentes communications, constituant le dossier de la République démocratique du Congo, ont été ficelées à la hauteur des enjeux qui seront au centre des échanges. Il est clair que la délégation congolaise saisira cette opportunité, pour mettre sur table, les performances réalisées, depuis une dizaine d’années, au niveau de la pacification du pays et dans les domaines macro-économiques (inflation zéro, taux de croissance au-dessus de la moyenne africaine avec 8,5 % fin 2013, stabilité du taux de change, réserves de change en constante augmentation,…). Un accent particulier concernant les investissements, pour un environnement durable, démontrera la proportion des zones forestières ainsi que celle des aires protégées, réservées par la RD Congo, en vue de préserver la biodiversité mondiale. Par rapport à la superficie du territoire national, ces espaces, qui couvraient 55% en 1995, 58,8% en 2012, devraient parvenir à 65% en 2015. Sera aussi prise en compte, l’amélioration des infrastructures socio-économiques de base comme les routes, les ponts, les ports, les aéroports, les écoles, les hôpitaux ainsi que l’accès à l’eau, l’électricité, les télécommunications. Les efforts consentis dans l’amélioration du climat des affaires afin de stimuler les investissements privés, de susciter une plus grande valeur ajoutée locale et de créer davantage d’emplois pourront également être intégrés. Le challenge sera de s’investir dans l’optique de faciliter le renforcement des investissements américains, préserver le soutien à la sécurité ainsi que promouvoir les droits de l’homme, la démocratie et la culture.
Préoccupation des partenaires
Mais, les représentants congolais savent que leurs interlocuteurs attendent plus d’eux que cela. Les préoccupations des partenaires tendent à se concentrer sur des faiblesses qui perdurent au niveau de la sécurité, de la gouvernance et du respect des droits humains, face aux atouts géostratégiques de la République démocratique du Congo.
Bien de puissances et des Etats dits à revenus intermédiaires veulent avoir une sorte de « pied-à-terre » dans ce pays pour plusieurs raisons. L’analyste politique Jean-Jacques Wondo, dans un article intitulé « La RDC, otage des enjeux stratégiques », fait l’économie de cette situation : « Les arguments selon lesquels la République démocratique du Congo devient une « zone névralgique », qui se trouve au centre des enjeux stratégiques et géopolitiques considérables, grâce à ses innombrables ressources naturelles et énergétiques susceptibles de soutenir, à la fois, les économies des « grandes puissances » et celles du « terrorisme international », trouvent tout à fait leur fondement. En d’autres termes, le monde entier cherche à accéder aux richesses et ressources naturelles congolaises, et cela ne semble pas étonnant que les pays émergents comme la Chine et des mouvements tels que Al-Qaida ou Hezbollah trouvent également, en RDC, un terrain fertile pouvant leur servir d’un fonds de commerce rentable, car exploitable à moindre coût, du fait de l’accès à ses ressources naturelles facilement exploitables, à de nouveaux gisements de pétrole découverts au Nord-Est, dans une zone comprise entre la RDC, l’Ouganda et le Soudan, de la porosité de ses frontières, de l’absence d’Etat (et surtout, de l’autorité de l’Etat) en tant que principal acteur régulateur de l’ordre social, politique, économique et sécuritaire ».
Washington, pour un respect de la Constitution
En mai dernier, lors de sa visite de travail à Kinshasa, le secrétaire d’Etat américain John Kerry avait, certes, salué les victoires de l’armée nationale sur les forces négatives à l’Est du pays, mais, aussi, rappelé que son pays tenait à la mise en œuvre des dispositions relatives à la gouvernance. « Les Etats-Unis d’Amérique pensent qu’un pays est renforcé, que son peuple éprouve du respect pour sa nation et son gouvernement, quand le processus constitutionnel est mis en œuvre, comme il convient, et qu’on s’attache à le respecter », avait-il notamment déclaré. Le chef de la diplomatie américaine avait, dans la foulée, indiqué que le respect de ces principes amènera son pays à débloquer 30 millions de dollars supplémentaires pour appuyer le processus électoral et la reconstruction à l’Est du pays. Près de 1,2 milliard de dollars seront débloqués par l’agence US Aid, dans les cinq prochaines années, pour faciliter la réalisation du programme DDR (Désarment, Démobilisation, Réinsertion). En fait, depuis l’exercice 2008-2009, Washington accorde, annuellement à Kinshasa, un appui financier avoisinant, tous secteurs confondus, le milliard de dollars.
Au cours d’une conférence-débat animée à l’université de Kinshasa, en juin 2010, le chargé d’affaires à l’ambassade des Etats-Unis, Samuel V. Brock, avait souligné que la vision du président Barack Obama est « celle d’une Afrique capable d’atteindre des progrès constants dans un certain nombre de domaines, de sorte que la pauvreté, la mauvaise gouvernance, les soins de santé déficients, l’analphabétisme, la protection insuffisante des droits de l’homme, la question de la femme, puissent diminuer progressivement ».