Quand la rareté des petites coupures crée un job

Ils sont particulièrement visibles le long des grandes artères et dans des carrefours de la ville de Kinshasa, ces jeunes qui accourent derrière les taximen, monnayant la monnaie nationale.

Un vendeur monnayant les petites coupures à Kintambo-Magasin. (Photo BEF)
Un vendeur monnayant les petites coupures à Kintambo-Magasin. (Photo BEF)

Modeste, 29 ans, a trouvé un véritable créneau pour faire les affaires : échanger les petites coupures de 50 et 100 francs congolais contre les grosses. Cette activité conjoncturelle est née de la rareté des petites coupures, constatées depuis quelques années, sur le marché congolais, compliquant ainsi des transactions. « Nous échangeons 900 francs en coupures de 100 francs contre un billet de 1000 francs ou deux billets de 500 francs. Les coupures de 50 francs, elles, sont plus rares et nous les échangeons à 850 francs », indique-t-il. Modeste fait de cette activité une petite unité de production depuis près d’une année. Il emploie déjà trois jeunes garçons qui font le travail de terrain. Ces derniers se partagent les carrefours et les arrêts de bus des grandes artères de la ville de Kinshasa : Kintambo-Magasin, marché Gambela, victoire et autres endroits stratégiques. Ils sont les plus souvent dans les arrêts de bus, d’autant plus que l’essentiel de leur clientèle se recrute parmi les chauffeurs des taxis qui ont énormément besoin des petites coupures. Ses liasses de petites coupures, Modeste les trouvent, le plus souvent, dans une des grandes boulangeries de la place. La Banque centrale du Congo et des grands magasins lui servent, parfois, de source d’approvisionnement. « A la boulangerie, nous leur donnons une brique de 50. 500 francs de grosses coupures. A leur tour, ils nous remettent une autre de 50 000 francs de petites coupures », raconte-t-il. C’est sur cette marge qu’ils trouvent un bénéfice. Une brique peut apporter jusqu’à 10 000 francs de bénéfice.

Nous échangeons 900 francs en coupures de 100 francs contre un billet de 1000 francs ou deux billets de 500 francs. Les coupures de 50 francs, elles, sont plus rares et nous les échangeons à 850 francs

Un Modeste 

Les failles d’un métier clandestin 

A savoir si cette activité est rentable, il relativise : « Si on rencontre moins de problèmes, c’est possible de se retrouver. Malheureusement, on est souvent pas à l’abri de mauvaises surprises ». La première grande difficulté est qu’ils exercent une activité qui, officiellement, est interdite dans la ville. C’est donc en clandestinité qu’ils opèrent. « Mes garçons sont tout le temps traqués par les agents de l’ordre qui, en suite, les rançonnent. Ils peuvent perdre tout le capital en un jour, s’ils ne sont pas prudents », confie-t-il. Même, dans la boulangerie, pour s’approvisionner, il faut emprunter des voies officieuses. A ce problème, s’ajoute l’insécurité constante le long des trottoirs : « un des mes garçons a actuellement un pied gonflé, traversé par un pneu d’un véhicule. Je suis obligé de le prendre en charge. Tout cela, réduit en miette le peu de bénéfices déjà réalisés. » Pour supporter le coup, Modeste recommande à ses hommes de terrain de liquider, par jour, au moins une liasse de 50 000 francs.

« Quand il faut, chaque jour, dépenser obligatoirement 1000 francs pour la nourriture de chacun, sans compter les frais de transport, évidemment il faut s’attendre, au moins qu’une personne réalise 10. 000 francs de bénéfice. Sinon, le lendemain, on est obligé de faire les mêmes dépenses, sans un nouveau revenu », indique-t-il. Malgré les difficultés, il profite des quelques avantages de cette activité, en attendant l’arrivée d’un autre job plus structuré.


 

Les grosses coupures indésirables

S.N.

En circulation depuis 2012, les coupures à valeur faciale élevée, surtout celles de 2.000 francs, peinent à trouver des preneurs sur le marché. Ces billets sont indésirables chez plusieurs commerçants, à cause de la difficulté de trouver des petites coupures. « J’ai un billet de 20. 000 francs qui traîne dans ma poche depuis trois jours, parce que partout où j’ai essayé d’en acheter quelque chose, on me pose le problème de monnaie », raconte un consommateur dans la commune de Ngaliema. Certains cambistes à Kinshasa sautent sur l’occasion. Ils exigent 1000 à 2000 francs supplémentaire, pour échanger ces billets avec des coupures qui sont acceptées facilement dans les transactions. Le gouvernement avait lancé les billets de 5.000, 10. 000 et 20. 000 francs, il y a deux ans, pour, entre autres, lutter contre la «dollarisation» de l’économie nationale. Mais, sur le marché, on semble plutôt avoir un effet contraire. Dans les transactions, il s’avère que le dollar est plus accepté que ces grosses coupures de francs congolais à valeur faciale élevée.