L’élan encourageant des banques africaines

La crise financière qui a secoué l’Afrique francophone, dans les années 1980, avait donné naissance aux premières structures privées à capitaux africains, à l’image du mouvement noté en Afrique de l’Est, dans la décennie précédente.

Siège de la Banque africaine de développement. (DR)
Siège de la Banque africaine de développement. (DR)

Les systèmes bancaires subsahariens sont marqués, depuis trente ans, par des profondes transformations structurelles, qui ont favorisé la croissance. Certaines mutations récentes ou prévisibles pourraient susciter, à terme, des mouvements correcteurs. En Afrique francophone, l’actionnariat des systèmes bancaires a, de nouveau, changé, pendant les cinq dernières années. Sur les onze principaux groupes, dix étaient, à fin 2012, majoritairement détenus par des intérêts étrangers à la région dont trois par des banques marocaines, quatre par des actionnaires nigérians, deux par des groupes français et un par la Lybie, pour respectivement 25,6%, 24%, 16,2% et 2,4% du total des bilans bancaires de la zone. La situation s’est, en termes d’origine d’actionnariat, rapprochée de celle d’avant 1980.

Dynamisme 

L’approche est actuellement différente, principalement sous l’effet de l’écrasante prédominance des groupes privés et de la nette augmentation du nombre d’acteurs en concurrence. La majorité des banques présentes, quelle que soit la géographie de leurs fonds propres, fait montre d’un dynamisme commercial et d’un professionnalisme avéré. Toutes contribuent aux progrès de la bancarisation et à un meilleur financement de l’économie. Les leviers essentiels de décision sont, de plus en plus, extérieurs à l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest. Même dans les groupes qui s’appuient, au moins partiellement, sur un actionnariat subsaharien, le poids relatif de celui-ci se réduit souvent, au niveau de la société mère. Il peut en résulter des orientations qui ne sont pas optimales, vis-à-vis des besoins réels de l’activité locale, ou qui ne prennent pas suffisamment compte des spécificités de fonctionnement.

Nouveaux acteurs  

La majorité des banques présentes, quelle que soit la géographie de leurs fonds propres, fait montre d’un dynamisme commercial et d’un professionnalisme avéré.

Un bon nombre de nouveaux acteurs a survécu et quelques-uns ont réussi, en moins de trois décennies, à construire, à partir de leur base nationale, des groupes puissamment implantés dans leur région d’origine et, pour les plus dynamiques, dans une bonne partie du continent. Pour la seule Union économique et monétaire de l’Afrique de Ouest(UEMOA), les banques dominées par un actionnariat privé local représentaient, en 2008, près de 40% de l’ensemble de bilans bancaires, alors que ce pourcentage était nul en 1982. Le dynamisme et la bonne santé financière qui l’accompagne, devraient rester encore au rendez-vous pour une bonne période. Ils sont portés, à la fois, par le développement intrinsèque qu’appelle le secteur pour une mise à niveau international, d’un coté, et par une croissance économique locale qui se poursuit et exige des financements croissants, de l’autre.

Les économies nationales en marge   

Il résulte une diminution de l’apport des banques au développement des économies nationales. Trois conséquences peuvent être attendues.
La première est déjà en marche : les autorités de contrôle prudentiel des pays, dont relèvent les actionnaires majoritaires, le Nigeria et le Maroc notamment, ont engagé un processus d’inspection, en commun, des filiales africaines. Elles pourront veiller à ce que les intérêts respectifs des zones soient protégés. Cette coopération pourrait déboucher sur des contraintes aux établissements se trouvant dans cette situation. La seconde est que ces banques renforcent, de leur propre initiative, le processus d’adaptation aux données locales, tel un intérêt accru aux petites et moyennes entreprises, au vu des résultats obtenus et des effets de la concurrence. Cette hypothèse est pourtant incertaine tant que les groupes concernés gardent une position dominante et répondent aux objectifs de leurs structures centrales.
La troisième est que des groupes purement ou essentiellement régionaux, jusqu’ici moins importants, accélèrent leur croissance, en jouant, à la fois, sur les infrastructures ressenties par les entreprises locales, comme les firent les pionniers des années 1980. Ce mouvement est aussi à l’œuvre, comme les montrent, Coris Bank, à l’Ouest et la banque BGFI, au centre. Même s’il prend du temps, ce mouvement de rééquilibrage est irréversible au niveau des Etats prétendant à l’émergence. L’Afrique francophone doit s’attendre à ces nouvelles mutations. Une confrontation pourrait se manifester, à bref délai, sur toute l’Afrique subsaharienne, celle d’une stratégie privilégiant construction à moyen et long terme de groupes bancaires puissants.