Face à la montée en puissance des grandes industries agricoles, les experts de la zone ACP insistent sur la nécessité d’améliorer également des unités agricoles traditionnelles, particulièrement en Afrique.
La RDC a lancé, le 15 juillet dernier, le parc de Bukanga Lonzo, à environ 220 km à l’Est de Kinshasa. C’est le premier d’une série de vingt destinés, d’après le gouvernement, à mettre en valeur le potentiel agricole énorme du pays et contribuer à sa croissance économique. A côté de cette vision agro-industrielle à la mode occidentale, les experts de l’ACP (Afrique-Caraïbe-Pacifique) ont publié, en mai dernier, sur l’agro-business, des avis contraires considérant qu’à travers ces modes d’investissements en vigueur, le Nord veut soumettre le monde agricole à ses besoins spécifiques. Pour eux, il s’agit de favoriser les intérêts de la grande industrie alors qu’ il y a des alternatives, à la portée d’un grand nombre, petits et moyens entrepreneurs, capables de régenter la croissance économique, en tenant compte des aspects humains, écologiques et culturels.
Le problème agricole africain, soulignent les documents des experts de l’ACP, ne réside pas dans la production, car il y en a, en grande quantité, dans les forêts.
Ces derniers seraient plus originels au continent. Dénonçant la forte médiatisation du modèle agro industriel européen, ces spécialistes de l’agriculture s’alignent contre la vision Banque africaine pour le développement (BAD), prônant la généralisation des intrants pour améliorer le rendement. Selon un expert de l’ACP, l’Afrique cultive 15% des terres arables pour seulement une production de 5% des volumes de la planète. Les violons ne s’accordent pas sur ce que certains qualifient de « statistiques biaisées », basées sur des critères « flous », ignorant complètement, dans leur calcul de production, d’énormes quantités des fruits des forêts africains. Des milliers de tonnes de produits ne sont pas ainsi pris en compte notamment les mangues, les bananes plantains, les avocats, les papayes, les goyaves, les corossols et autres. Ils ne font pas l’objet du commerce mondial, limité aux seuls arachides, blé, maïs, soja, coton, noix palmistes et autres. Les productions vivrières n’atteignent pas les marchés mondiaux et échappent aux statistiques, faussant ainsi délibérément le calcul pour justifier, à tort, la faible production agricole de l’Afrique. Le problème agricole africain, soulignent les documents des experts de l’ACP, ne réside pas dans la production, car il y en a, en grande quantité, dans les forêts. Ces produits ne nécessitent pas un travail à la houe. Les experts de l’ACP jugent ainsi non fondée, l’option évoquée pour améliorer le rendement alors que des aliments pourrissent en forêt, par manque d’infrastructures. L’intérêt des agro-industries est de créer des marchés pour vendre les matériels chimiques et mécaniques et mettre en place un monde agricole capable de fournir une matière première standardisée et, à moindre coût, pour s’assurer des débouchés certains. L’agro-industrie veut nourrir, à elle seule, le monde. Raison pour laquelle ses adeptes entreprennent de le démontrer, d’après les experts ACP. Or, cette stratégie, en elle-même, porte des germes d’exclusion de la population censée être concernée par la révolution. Des désavantages s’alignent notamment l’exode rural qui vide les campagnes des paysans par manque de crédit, la dégradation des routes de desserte agricole, la réduction de la main-d’œuvre suite aux afflux dans des zones de grande culture mécanisable où les engins remplacent les bras. L’ignorance de la culture vivrière au profit de l’agro-alimentaire avec ses produits de base est doublée du risque de spoliation des terres en masse qui modifie le régime de la propriété, au détriment du petit peuple.
Femme, propriétaire terrien
Parmi les propositions, les experts de la zone ACP prédisent une Afrique dotée des terres d’abondance dont les richesses s’accommodent avec les conditions climatiques et hydrologiques. La meilleure solution pour améliorer le rendement serait d’investir dans les unités de transformation simple, de conservation des produits en facilitant le transport par l’amélioration des routes de desserte agricole. Il faut s’appuyer sur un modèle agro-business africain, permettant un accès facile aux marchés, qui consiste à « acheter à haute saison, à conserver, à stocker et à revendre à contre saison », conclut le rapport. L’avantage est que le paysan reste maintenu en campagne vendant ses produits et augmentant ses revenus. Les investissements seront situés seulement au niveau des unités de transformation. Les produits sans intrants récoltés peuvent être considérés comme « biologiques » à très haute valeur ajoutée.