La pratique consistant à miser de l’argent sur les rencontres de football gagne de plus en plus de Kinois en situation financière délicate. Il est difficile de se sortir de son emprise que l’on gagne ou que l’on perde de l’argent.
Dans plusieurs quartiers de Kinshasa, des points de vente peints en bleu sont très visibles. Ils représentent la société Premier Games, spécialisée dans les pronostics des matchs de football. Des jeunes comme des vieux bookmakers tentent ainsi leur chance, presque chaque jour. « Je ne connaissais pas ce jeu. Ce sont mes enfants qui me l’ont fait découvrir. Depuis, je suis dedans. Je me suis vraiment spécialisé et j’ai gagné 1 million de francs, rien qu’en misant 300 francs sur une grille de douze équipes. Avec cette somme, je me suis acheté un congélateur et du mobilier pour ma maison. Je n’arrête plus de jouer », affirme Cyrille Makindu, enseignant. Un militaire avance que les paris sportifs ont amélioré ses conditions de vie. « J’ai gagné la somme de 6 millions de francs, rien qu’avec 300 francs. Avec cet argent, j’ai acquis une portion de parcelle à Masina. Aujourd’hui, je consacre au moins 5 000 francs aux paris. Donnez-moi tous les conseils que vous voulez, je ne vous écouterai pas !», soutient cet inconditionnel. Aux côtés de ceux qui jubilent, on trouve de grands perdants. « J’ai perdu 600 dollars de ma garantie locative dans ce jeu. J’avais vraiment besoin d’argent. Je voulais en gagner le triple. Mais hélas, l’équipe du Real Madrid a fait match nul contre l’Atletico Madrid. C’était la catastrophe. J’ai pleuré comme un enfant. Ma femme ne savait rien. Je ne savais quoi lui dire. Suite à cet échec, j’ai regagné la maison familiale », avoue Mzee Mbidibo. Autre perdant, Claude Nzimbu qui reconnaît avoir englouti le fonds de commerce de sa mère : « Après avoir gagné pendant une semaine d’affilée, la société Premier Games m’a mis sur sa liste noire. Elle m’a tout pris ce jour-là. Une somme de 350 000 francs qui constituait le capital sociale de ma mère, est partie en fumée. Que maman me pardonne pour cette grave erreur », se lamente-t-il. Mais il n’a pas perdu espoir de prendre sa revanche en gagnant une grosse somme. Un groupe de jeunes parieurs rencontrés sur un terrain vague à Bandalungwa a une idée « révolutionnaire » du pari. Parifoot constitue pour eux, un gagne-pain. « Nous sommes des ingénieurs. Nous avons cherché du travail, sans succès. Aujourd’hui nous jouons, pour gagner notre vie. Chaque semaine nous ne manquons jamais 100 000 francs dans notre caisse », raconte Guélord Mulenda. Son ami Jean-Claude Mukenge ajoute qu’ils ont acheté un ordinateur portable et un modem, pour suivre l’actualité du football international. « Nous fouinons sur Internet pour déceler les équipes en forme. Ensuite, il faut jouer intelligemment pour gagner. On ne néglige aucun aspect. Parifoot est devenu un job pour nous », indique-t-il. Grands gagnant ou gras perdants, rares sont ceux qui abandonnent un jeu devenu une véritable obsession. Zacharie Makala, parieur néophyte à Kintambo, est une exception. Après plusieurs échecs successifs, il a décidé d’arrêter complètement un jeu qui, pour lui, entraîne beaucoup de stress et de tensions. « Il faut protéger le cœur des chocs à répétition. Sinon c’est l’accident vasculaire cérébral (AVC) qui vous attend au tournant », estime-t-il. Selon le pasteur Gerry Mukayi, jouer au pari sportif ne fait qu’enrichir ses initiateurs. « Les sommes perdues sont parfois colossales que les petits gains réalisés. Cela équivaut à quelqu’un qui accepte volontairement de se faire escroquer son argent. Le véritable travail est celui qui vous permet de gagner un salaire connu d’avance et des avantages y afférents », souligne-t-il. Pour lui, il faut plutôt épargner pour que, au bout du compte, l’on soit en mesure d’acheter tout ce que l’on veut.