Malgré la taxe journalière sur la salubrité que payent les commerçants, ce grand lieu du négoce à Kinshasa demeure crasseux, faute d’un entretien approprié. A cela s’ajoutent d’innombrables impôts dont la légalité et la destination suscitent des interrogations.
Une vive polémique a opposé récemment l’administration du marché central de la capitale à l’Observatoire de la dépense publique (ODEP), une organisation de la société civile qui milite pour l’amélioration de la transparence et la redevabilité dans la gestion des finances publiques. Dans son rapport du 15 août dernier, cette ONG avait dénoncé la multiplicité des taxes observée dans cet antre du commerce kinois. A en croire le directeur exécutif de l’ODEP, Ricky Mapama, dans le cadre du projet « évaluation participative de la transparence dans la collecte et l’utilisation des taxes du marché central de Kinshasa », l’enquête menée par son organisation auprès de 15 000 vendeurs de ce marché montre qu’ « il y a recouvrement de multiples taxes qui ne contribuent pas assez, ni à la caisse de l’Etat encore moins à l’amélioration de l’image de ce marché. » En d’autres termes, « les deux maux qui rongent le bon fonctionnement du marché central sont l’absence de nomenclature des taxes et le manque de transparence dans la gestion des taxes. » Ce manque de transparence alimente des suspicions dans le chef des vendeurs qui s’acquittent régulièrement de qu’on leur exige. L’ODEP énumère ainsi un certain nombre de taxes perçues par l’administration du marché : la patente, la taxe journalière, celle sur l’économie, la sécurité, les finances, la police et celle que les enfants de la rue perçoivent pour assurer la sécurité des commerçants. En ce qui concerne les modalités de paiement de tout cela, l’ODEP note qu’elles diffèrent, selon la marchandise plutôt qu’en fonction des actes générateurs. En plus de l’absence de quittances pour certaines taxes d’entre elles, l’insécurité et de l’insalubrité, alors que le budget attribué à l’entretien est estimé à 2, 225 millions de francs.
La réponse du berger à la bergère
Le représentant de l’administrateur gestionnaire du marché central, Jean-Claude Mulombo, estime qu’il y a des contrevérités dans le rapport publié par l’ODEP. Il soutient que cette organisation a mené une enquête d’opinion à l’insu des responsables du marché central et n’aurait ciblé que des personnes non qualifiées qui auraient fourni « des informations erronées. » Pour lui, l’ODEP aurait pu se rendre compte d’une gestion transparente s’il s’était adressé également aux représentants des vendeurs réunis dans deux corporations, à savoir, le Syndicat national des vendeurs du Congo (SNVC) et la Confédération syndicale du Congo (CSC). Balayant d’un revers de la main l’affirmation qu’il existe au marché central une taxe « enfants de la rue » pour assurer la sécurité des vendeurs, il déplore que « l’ODEP ignore même que le marché central compte en son sein plusieurs services publics autonomes, entre autres l’IPMEA, qui perçoivent les frais relatifs à la patente annuelle, le service de l’économie, le service d’hygiène ainsi que la police nationale qui assure la sécurité des personnes et de leurs biens sans exiger aucune taxe spécifique ». Et d’ajouter que les taxes sont perçues moyennant quittance conformément à la nomenclature des prix telle que fixée par les autorités urbaines contrairement aux affirmations de l’ODEP. Jean-Claude Mulombo souligne que la taxe relative à l’étalage est fixée par un arrêté du gouverneur et s’élève à 300 francs par mètre carré contre remise d’un ticket sécurisé appelé « hologramme de l’Hôtel de ville de Kinshasa ». Concernant la salubrité, il affirme qu’elle reste le cheval de bataille de l’administration du marché et que le service technique du CMK évacue au quotidien 80 mètres cubes d’immondices. Par contre, il admet que les latrines publiques sont insuffisantes, avant de préciser qu’elles sont « bien entretenues. » Pour lui, le marché est contrôlé, au même titre que tous les autres marchés, et se conforme, en ce qui concerne son fonctionnement et sa gestion, à la nomenclature de l’Assemblée provinciale de Kinshasa. A ce titre, ce sont les inspecteurs des finances de la ville qui procèdent au contrôle hebdomadaire de sa gestion.
Les vendeuses pas d’accord
Vendeuse de friperie, Muswamba dispose d’une table de 3,6 mètres. Elle reconnaît qu’elle paye chaque jour 4 tickets de 300 francs chacun. Quatre autres tickets, coûtant 150 francs, représentant la taxe de salubrité. Si elle reconnaît que le service d’assainissement de l’Hôtel de ville passe tchaque jour pour évacuer les immondices, elle ne s’explique pas, en revanche, pourquoi le marché est toujours très sale. « Le matin quand nous arrivons, nous sommes accueillis par des odeurs nauséabondes, dégagées par des tas de matières fécales déposées la nuit dans les allées ; voire sur nos étalages », s’indigne-t-elle. Une autre femme, vendeuse de mousse, tout en reconnaissant qu’elle paie deux types de taxes, se plaint néanmoins du fait qu’il n’y a jamais de montant fixe et que tout dépend de l’humeur de chaque percepteur qui passe curieusement chaque jour après 15 heures. Ce montant varie entre 200 et 500 francs.