Faire ses courses en monnaie étrangère n’étonne plus les Congolais qui le vivent au quotidien depuis plusieurs années. Cette pratique est la conséquence d’une hyperinflation dont le pays a souffert pendant longtemps.
Durant ces vingt dernières années, le pays a assisté à la déliquescence de son économie à la suite de la forte dépréciation de la monnaie nationale. Cette situation a entraîné la perte de confiance des opérateurs économiques ainsi que de la population, en la monnaie nationale, et conduit à l’utilisation des devises étrangères dans toutes les transactions financières à l’échelle nationale. C’est la dollarisation qui est intégrale quand un pays choisit d’abandonner sa propre monnaie pour adopter celle d’un autre Etat. Elle est partielle, lorsqu’il agit de faire circuler la monnaie nationale en parallèle avec une monnaie étrangère ou encore de l’aligner sur une autre. C’est dans le deuxième cas que se retrouve la RDC.
Evolution en dents de scie
Les signes précurseurs de la dollarisation de l’Economie sont apparus dans les années 1980-1990, marquée notamment par la démocratisation. Au cours de cette décennie, le pays a traversé une crise multiforme qui a conduit à la dégradation de ses infrastructures de base, aux pillages successifs de l’outil de production, au surendettement extérieur et à la rupture de la coopération internationale. Ipso facto, cela a abouti à la dépréciation de la monnaie nationale. Les incertitudes observées aux niveaux politique et économique ont poussé les consommateurs à se tourner vers le dollar comme refuge.
Les différentes phases
Rémy Katshingu, spécialiste des questions économiques, distingue quatre principales phases dans l’évolution de la dollarisation de l’économie de la RDC, dans son livre intitulé : « Dollarisation, taux de change et persistance de la pauvreté en RDC.» Première phase, les épisodes de l’hyperinflation qui a caractérisé les années 1990. Pendant les années 80, indique-t-il, l’inflation, mesurée par le taux de croissance annuel de l’indice des prix à la consommation, était d’environ 50 %. Elle est passée à 256 % en 1990. Elle a poursuivi sa progression au cours des années 1991-1993, avec un taux annuel compris entre 3 000 et 4 500 %, avant d’atteindre son niveau historique de près de 10 000 %, en 1994. La deuxième phase concerne les années 1995-1997 marquées par une « relative stabilisation ». L’inflation est retombée à 370 %, en 1995, suite à une politique de contrôle des émissions monétaires et des dépenses publiques. L’accalmie relative observée alors fut brutalement interrompue en 1996 par l’éclatement de la première guerre qui a abouti au renversement du régime du Maréchal Mobutu, en mai 1997. Avec la guerre, l’inflation remonta à 753 % en 1996. Le changement des régimes, intervenu en mai 1997, s’accompagna d’une brève période de désinflation, avec un taux d’inflation négatif, -0,4%, en 1997. La troisième phase a débuté en 1998 et s’est achevée en 2001. C’est la période du second épisode de la guerre qui a impliqué plusieurs pays d’Afrique centrale et australe avant d’achever la destruction totale des infrastructures économiques. Afin de soutenir l’effort de guerre, le financement monétaire des dépenses publiques fut remis en marche. L’inflation repris de manière très significative, se situant à 135 %, à la fin de l’année 1998, et autour de 500 % sur la période 1999-2000, avant de retomber à 130 % en 2001. La quatrième, et dernière phase a débuté en 2002 et se poursuit encore à ce jour. Les efforts de stabilisation macroéconomique, appuyés par les programmes d’assistance des institutions financières internationales, ont permis de maîtriser l’inflation. Celle-ci a atteint 16 %, en 2002, avant de descendre sous la barre de 10 %, en 2003. La relative stabilité observée ce jour s’est poursuivie en 2004. L’évolution des pressions inflationnistes pendant ces quatre phases reflète la décomposition de l’économie congolaise. Les taux de croissance annuels sont restés largement négatifs. Une certaine reprise s’est amorcée avec des taux de croissance de 3% en 2002 et 5% en 2003. En 2014, la croissance prévue est estimée à 8,8 %. Elle pourrait atteindre 10,5% l’année prochaine.