Le 25 septembre, le principe consacrant le franc comme la seule monnaie de transaction sur toute l’étendue du territoire national est devenu contraignant. Le chemin reste encore long avant que ce symbole de souveraineté retrouve pleinement sa place.
Le système bancaire général a besoin d’une refonte profonde. Près de 95,2 % des prêts sont libellés en monnaies étrangères fortes, tout comme 89 % des dépôts. Pour le gouvernement, qui veut que toutes les opérations commerciales s’effectuent en franc, il faut conduire la réforme de manière graduelle. C’est dans ce cadre que se situe la mesure demandant à tous les opérateurs économiques d’afficher les prix en monnaie nationale. Si les étiquettes sont effectivement libellées en cette monnaie, il n’en demeure pas moins que les montants y figurant sont toujours traduits, voire souvent payés, en dollars. Il y a eu également cette décision du 2 juillet 2012, qui a mis en circulation des billets à valeur faciale élevée, dans un premier temps, avec des coupures de 1000, 5000 et 10 000 francs. Deux chercheurs de la faculté des sciences économiques de l’Université de Kinshasa (Unikin), Oasis Kodila Tedika et Benedict Konso, indiquaient, dans une réflexion publiée dans la presse locale, que cette mesure avait été prise pour « comprimer les coûts d’impression des signes monétaires et dédollariser l’économie, estimant que la dollarisation pose de sérieux problèmes à la BCC, notamment par le fait que la monnaie locale est reléguée au rang de sous-multiple du dollar, rendant ainsi la politique monétaire inefficace.» Et notent que « ce changement, au niveau fiduciaire, loin de constituer une solution-miracle à la dollarisation de l’économie peut, cependant, être un préalable, non moins négligeable pour entamer le processus de dédollarisation, mais à condition de prendre les mesures d’encadrement nécessaires pour éviter les éventuels dérapages. Il n’est pas, à notre avis, la condition suffisante. Y placer trop d’espoir reviendrait à se bercer d’illusions.»
Des préalables indispensables
Le gouvernement voulait limiter la circulation du dollar dans les banques et les entreprises importantes ainsi que lors de grandes transactions. Mais, il y a encore des préalables. Nombre de Congolais n’ont pas encore entièrement confiance en la monnaie nationale. Les souvenirs d’une dépréciation vertigineuse du zaïre dans les années 1990 hantent encore la mémoire collective. L’évidence actuelle est que, malgré un bon comportement du franc sur le marché, la BCC n’est pas en mesure de mobiliser une importante masse d’argent susceptible de satisfaire à une éventuelle forte demande en devises de la part des opérateurs économiques et des entreprises. Au 22 septembre, le gouvernement a annoncé que les réserves en devises s’élevaient à 8,30 semaines d’importations. Par ailleurs, en février dernier, une mission du Fonds monétaire international (FMI), en séjour à Kinshasa, avait déclaré, au terme de séances de travail avec des responsables congolais, avoir eu « des discussions sur une stratégie de dédollarisation, à long terme, reposant sur la stabilité macro-économique, une banque centrale forte et autonome, une supervision financière efficace et une infrastructure financière développée ». Pour Placide Fundji, inspecteur des finances, « une politique de dédollarisation bien réussie en RDC suppose que le gouvernement maîtrise suffisamment les statistiques des exportations (nature, quantités, valeurs, destinations, exportateurs) et en contrôle bien le rapatriement, par tous les opérateurs économiques concernés, de la quote-part (40 %) des recettes en devises, telle que prévue par la réglementation de change en vigueur au pays, en vue d’assurer au système bancaire un matelas de devises suffisant pour financer les importations nécessaires.» Et d’ajouter que « les autorités monétaires se doivent d’optimaliser la structure de la masse monétaire en circulation, en différentes coupures, qui la composent, de manière à créer une meilleure commodité, dans leur détention et leur transport, à l’instar du dollar et des autres devises étrangères, qui constituent la monnaie de refuge en RDC. A cet effet, insiste-t-il, sans modifier la masse monétaire en circulation, l’émission des coupures de 50 000 francs et 100 000 francs n’est pas exclue. Cette mesure ne devra pas favoriser l’inflation ni la thésaurisation. Pour ce faire, il sied d’encourager les transactions en monnaie scripturale.» Plusieurs tentatives de dédollarisation de l’économie ont déjà eu lieu. Sans succès. La dollarisation de l’environnement national commence, essentiellement, après les pillages de 1991 et 1992. La décennie 1990 est particulièrement frappée par une crise économique multiforme. Elle est caractérisée par le surendettement extérieur, la dépréciation de la monnaie nationale par rapport aux devises étrangères (l’hyperinflation a atteint, en 1974, 9769 %), la rupture de la coopération internationale, le pillage, la dégradation des infrastructures de base. La RDC est l’un des rares pays au monde où, à côte de la monnaie nationale, des devises étrangères ont cours libératoire. Pour le gouverneur de la Banque centrale du Congo, Déogratias Mutombo wa Nyembo, la nouvelle réglementation consacre l’exclusivité de paiement en monnaie locale de toute redevance, impôt, droit et taxe dus à l’Etat et à ses démembrements, même ceux payés par les sociétés titulaires de droit minier et des sociétés pétrolières de production.