Le mot d’ordre de grève lancé par le syndicat Force routière, fin septembre, est bien suivi par les conducteurs et auxiliaires œuvrant sur la nationale numéro 1. Cette crise handicape déjà nombre d’activités économiques.
Au poste de péage de Kasangulu, à 60 km de Kinshasa, les conséquences de la grève des routiers se font déjà sentir. L’ambiance habituelle qui y règne n’est plus au rendez-vous. Le parking est pratiquement vide aux heures de grande affluence. Aucun véhicule poids lourd n’est visible. Seuls quelques privés ou officiels remplissent les formalités en moins de dix minutes alors que d’habitude, cela dure entre trente et quarante-cinq minutes. Des guichetières font la sieste. D’autres parlent football. En temps normal, pas moins de 2 000 véhicules, dont une moitié de poids lourds, passent sur ce tronçon, dans les deux sens. « On réalise des recettes journalières allant jusqu’à 100 000 dollars », déclare un agent commis au péage. Toutes les petites activités commerciales autour du péage sont quasiment à l’arrêt. Restaurateurs de fortune, vendeurs à la criée ou d’unités téléphoniques se plaignent. A l’instar de ce vendeur de poulet braisé qui rentre chez lui, désespéré après une journée infructueuse. « Les conducteurs de poids lourds sont notre principale clientèle car ils roulent toute la nuit. Les autorités doivent résoudre leur problème rapidement. Sans cela, nous serons en grande difficulté », insiste une commerçante. Une vendeuse d’eau, malgré les rayons solaires qui assèchent les gorges, n’a rien vendu.
La négociation
Le téléphone d’André Tshikoji, président du syndicat Force routière, n’arrête pas de sonner en ce troisième jour de grève. Il répond aux questions de ses camarades qui veulent savoir comment avancent les négociations avec les employeurs et le gouvernement. Les autres coups de fil viennent de différentes autorités qui cherchent à le rencontrer car elles craignent une asphyxie économique s’il n’y a pas de solution rapide à la crise. A Matadi, le plus grand port du pays, l’on redoute déjà un engorgement. « Les bateaux n’ont plus accosté ni déchargé, faute d’évacuation des marchandises entassées », affirme André Tshikoji. Son syndicat est entré en grève, explique-t-il, sommairement, pour revendiquer de meilleures conditions de travail et un traitement décent. Selon lui, la plupart de conducteurs et leurs auxiliaires travaillent depuis de nombreuses années, sans contrat. Ils vivent de primes modiques et ne bénéficient pas d’avantages sociaux reconnus par le code du travail. « Il est temps de réparer cette injustice », martèle le syndicaliste. Et de poursuivre : « Si, avec de nouvelles taxes de circulation alourdissant celles qui existent déjà sur la nationale n°1, les propriétaires de véhicules se retrouvent quelque peu en difficulté [le péage pour les véhicules poids lourd est passé de 170 000 à 280 000 francs NDLR], cela n’est pas une raison pour ne pas répondre aux attentes de leurs employés. » Le gouvernement provincial du Bas-Congo a engagé des pourparlers avec la corporation, mais le syndicat des routiers souhaite négocier avec le gouvernement central pour une solution nationale qui prenne en compte tous les problèmes des conducteurs. En cas d’enlisement, les prix des biens de consommation pourraient flamber à deux mois des fêtes de fin d’année.