L’arrêté pris en août par le ministre délégué aux Finances relatif à la simplification du taux des redevances liées à l’importation et à l’exportation, a été mis en pratique le 18 octobre, par le ministère de l’Economie et du Commerce. Certains commerçants restent cependant sceptiques quant aux effets positifs de cette mesure.
La décision est revue après un arrêté du mois de mai, qui avait supprimé trente-huit taxes du secteur fluvial et lacustre. Il ne concerne que les produits de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche entre des pays frontaliers. Ces produits sont les seuls à bénéficier du taux simplifié de la taxe alors que ceux qui ne relèvent pas du cru et ne sont pas directement produits par les états voisins restent soumis au régime général de la taxe parce que relevant du commerce international. D’après Jean-Paul Nemoyato, ministre de l’économie et du Commerce, l’objectif du gouvernement est d’arrêter le coulage des recettes de l’état, de lutter contre le déficit organisationnel et de contrer la concurrence déloyale sur le marché des produits agricoles et d’élevage.
Des réactions peu favorables
Une pluie de critiques a accueilli la décision de Nemoyato. Pour Blaise Nkolo, président du syndicat des maraîchers de Kinshasa-Centre, cet arrêté est contre-productif sur tous les plans. « Comment un pays qui est loin d’atteindre l’autosuffisance alimentaire peut-il encourager ses producteurs à exporter », s’interroge-t-il. La norme, selon lui, devrait être le découragement des exportations pour inonder le marché local en produits de l’agriculture et de l’élevage. A l’exception de quelques produits maraîchers, la RDC importe encore l’essentiel de son alimentation, notamment le maïs, la tomate, l’oignon, l’huile, le poisson et la viande. Cette mesure encourage l’exportation des produits encore nécessaires pour la consommation locale, constate Blaise Nkolo. « Aucun pays au monde ne peut exporter ce dont il a cruellement besoin », insiste-t-il. Pour un député à l’Assemblée nationale qui dénonce l’inopportunité de l’arrêté « ouvrir le marché local aux agriculteurs et éleveurs des pays voisins n’est pas de nature à encourager la production locale. » Au niveau du Beach Ngobila, le plus grand poste frontalier entre Kinshasa et Brazzaville, les commerçants pensent que cette décision est malvenue parce que les activités économiques entre les deux capitales tournent au ralenti depuis les expulsions des citoyens de la RDC du Congo-Brazzaville. Au port fluvial, les débarcadères étaient quasi déserts, le 23 octobre, pourtant un jour ouvrable. Au ponton, on pouvait voir une seule barge centrafricaine affrétée par les commerçants ouest-africains littéralement prise d’assaut par tous les jeunes gens en quête de travail, pour décharger quelques produits textiles importés d’Asie via Brazzaville. « Nous avons attendu deux semaines pour trouver ce petit job », témoigne un jeune désoeuvré qui se débrouille au Beach Ngobila. En dehors de cet accostage, note un habitué des lieux, il n’y a aucun mouvement des marchandises de part et d’autre. Malgré plusieurs annonces, les navettes des bateaux pour les commerçants n’ont jamais repris comme avant, depuis la fermeture des frontières à la suite de l’expulsion de plus de 300 000 de Brazzaville.
Les choses tournent au ralenti
Plusieurs services de l’état, notamment la Direction générale des impôts (DGI), la Direction générale des douanes et accises (DGDA), l’Office congolais de contrôle (OCC) et la police, ont dû réduire leur personnel au strict minimum. Ema Lomboto, agent de la Société congolaise des transports et des ports (SCTP), commis à la vente de la redevance portuaire pour les passagers à destination de Brazzaville se dit être en chômage déguisé à cause de la léthargie ambiante. Il ne vend plus qu’une moyenne de 200 tickets sur les 30 000 à 40 000 par jour. Le passeport et le visa qui étaient imposés aux passagers des deux rives, juste après la brouille entre les deux capitales, ont sensiblement contribué à la baisse des activités. Aujourd’hui, estime-t-il, les petits commerçants, les débrouillards et les touristes ne voyagent plus. Les plus téméraires empruntent les voies clandestines en des pirogues et d’autres embarcations de fortune au départ de différents ports illégaux le long du fleuve Congo. Au Beach Ngobila, le trafic est dominé par des hommes d’affaires et des officiels qui font la traversée à bord de canots rapides de taille réduite. Cela, au prix de 30 dollars la course, alors que le billet aller et retour dans les grands bateaux de commerçants se négociait à 15 dollars. « Dans ces conditions, quel effet aura cet arrêté du ministère de l’économie et du Commerce transfrontalier, particulièrement entre Kinshasa et Brazzaville », s’interroge Ema Lomboto. D’autres observateurs notent les difficultés d’application de cette mesure puisque les provinces qui sont en quête de ressources multiplient la pression fiscale sur le commerce transfrontalier sans trop se soucier des dispositions du gouvernement central. Tel est le cas du Bas-Congo où l’arrêté du 1er août relatif à l’organisation du petit commerce dans la province pris par le gouverneur, Jacques Mbadu, avait pris de court les commerçants, les passagers et les voyagistes. Les coûts de beaucoup de services sollicités à la frontière avec l’Angola sont passés du simple au double ou au triple, y compris des produits agricoles et vétérinaires. Il en est de même avec la décision portant suppression de trente-huit taxes dans le secteur fluvial et lacustre, qui connaît toujours des difficultés d’application.
Quelques provinces ne sont pas prêtes à abandonner certaines taxes qui renflouent leurs caisses, à défaut de la rétrocession de 40 % qui n’est pas toujours effective au niveau du gouvernement central.