Le monde de la réclame prend de l’envol. Avec plusieurs niveaux et intervenants, les rouages des agences ou agences-conseils y opérant sont loin d’être faciles à maîtriser. En plus, tous ne sont pas logés à la même enseigne.
Les messages publicitaires sont aujourd’hui visibles partout à Kinshasa : le long des grandes artères, sur les toits et les façades des immeubles. Cette omniprésence de la publicité est une preuve du dynamisme du secteur et du nombre sans cesse croissant des agences-conseils. Mais cet univers est parfois difficile à comprendre à cause de ses différentes facettes. En plus du fait que, comme dans beaucoup d’autres domaines, certaines agences ont du mal à réaliser un chiffre d’affaires.
Les grandes et les petites ensemble
Plusieurs entreprises s’affichent comme agences de publicité. En réalité, celles qui remplissent les critères ne sont pas légion. Les plus connues sont, notamment, Créat’in, Agresive, CMCT, FCB, Divo, Dispromalt, Pygma… Certaines sont des agences-conseils et d’autres des agences de publicité. Les unes sont locales ou nationales alors que les autres sont multinationales. Pygma Communication, par exemple, est une agence internationale ayant des clients au Cameroun, au Congo-Brazzaville, au Rwanda, en Afrique du Sud ainsi qu’aux États-Unis. Depuis 2004, Pygma Communication élabore, en général, des stratégies de communication pour ses clients grâce à une équipe de spécialistes en arts graphiques et design web. Elle fait partie de Pygma Group, une société créée en Afrique du Sud à l’initiative de trois Congolais, un Rwandais et un Sud-Africain. Employant quelques centaines de personnes, l’entreprise a un chiffre d’affaires d’environ 12 millions de dollars. Dans la réalisation de ses publicités, Pygma Communication fait intervenir plusieurs de ses départements parmi lesquels Pygma Advertising, Pygma PR…
Ses clients sont des entreprises de télécommunications, des sociétés agroalimentaires, des banques, voire des concessionnaires de véhicules. Certaines institutions du pays recourent également à ses services. C’est Pygma qui a créé le logo de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), conçu la campagne du Comité de pilotage de la réforme des entreprises du portefeuille de l’État et celle de la Direction générale des impôts (DGI). Elle réalise une téléréalité qui conduit à l’élection d’une Miss Vodacom.
Parmi les autres agences ayant pignon sur rue, on trouve CMCT qui existe depuis vingt ans et qui emploie, selon ses dirigeants, quelque trente- cinq personnes et a fait ses preuves dans le monde de la publicité et de la communication. D’après Sabin Selemani, son directeur général, CMCT conçoit beaucoup de stratégies, de campagnes et les exécute hors médias ou par le biais des médias. Parmi ses campagnes réalisées pour le compte de Vodacom Congo, il y a « Une nation, un réseau » et « Ensemble pour toujours ». Pour le compte des institutions, l’agence de Jean-Claude Eale a réalisé des campagnes sur Les Cinq chantiers, La révolution de la modernité, la victoire de l’armée nationale à l’Est. La dernière campagne, «Tokolonga », a été consacrée à l’équipe de football Vita Club. CMCT a également conçu les logos du Cinquantenaire de l’indépendance, celui des concertations nationales et du sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Kinshasa en octobre 2012. Selon Selemani, CMCT a maintenant son imprimerie et collabore avec plusieurs autres minis-agences dont Pictogramme. La doyenne des agences semble être Dispromalt, qui existe depuis trente-deux ans. Créée le 12 avril 1982, cette entreprise est la première à exploiter des panneaux publicitaires en trois dimensions. Dirigée par Bonaventure Nzolantima, elle a été transformée en SPRL en 1998. Dispromalt a donné naissance à d’autres sociétés sœurs dont Deco Pub.
Le ministère de la Culture et des Arts distingue les agences-conseils en publicité et les agences de publicité. Les agences-conseil en publicité sont toutes les entreprises qui conçoivent une publicité, conseillent, dirigent les travaux et donnent des avis techniques afin de faire exécuter une campagne publicitaire sous différentes formes. Les agences de publicité sont toutes les entreprises commerciales jouant le rôle d’intermédiaire entre les professionnels de la publicité et leurs clients. Outre ces deux types d’agences, il y a aussi des personnes appelées agents de publicité. Il s’agit de toute personne physique ou morale qui reçoit pour son propre compte des commandes de l’annonceur et les exécute en traitant à son tour avec des supports.
Chaque année, les agences-conseils paient une taxe de 2500 dollars pour la fiche d’identification au ministère de la Culture et des Arts. Elles fixent les prix de location de leurs panneaux en fonction de l’espace par mètre carré. Dans la plupart des agences, les prix vont de 18 à 30 dollars par m². Ce qui est payé aux propriétaires des panneaux n’est pas à confondre avec les frais de conception et d’exécution de la publicité, qui ne sont pas non plus à confondre avec la taxe que fait payer l’État pour une publicité temporaire ou permanente. Pour une enseigne lumineuse de 1 à 5 m² à une face, il faut dépenser 50 dollars de taxe mensuelle à payer au ministère de la Culture et des Arts. Pour une enseigne lumineuse à deux faces, les agences paient à l’État 70 dollars par mois. Au ministère de la Culture et des Arts, la publicité est classée en deux catégories : la publicité temporaire et la publicité permanente. La publicité temporaire est celle qui se réalise dans un temps limité dans la durée ne dépassant pas un délai réglementaire de 30 jours. La publicité permanente va au-delà de 30 jours.
Plusieurs ministères interviennent dans le secteur de la publicité. Dans l’audiovisuel, celle-ci est régulée par une commission de censure au sein de laquelle se retrouvent les ministères de la Communication, de la Justice et de la Culture. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) a aussi un droit de regard car il veille sur le temps consacré à la publicité. L’article 15 de la loi sur le CSAC stipule que « la programmation de la publicité ne peut excéder 10% d’un programme. Elle est répartie de la manière suivante : au début, au milieu et à la fin de l’émission ».
Au niveau de Kinshasa, le domaine de la publicité est notamment géré par l’Hôtel de ville et la division provinciale de la Culture et des Arts. Les deux sont réunis au sein de la Commission permanente sur la publicité extérieure (CPPE) dirigée par le directeur de cabinet du gouverneur de la ville. La CPPE a pour rôle de gérer tous les dispositifs publicitaires privés ou des particuliers de la ville, ce en contrôlant techniquement l’emplacement des panneaux. La CPPE veille à ce que le plan cadastral soit respecté par les agences de publicité. Selon un agent de cette structure, avant de planter des panneaux, les agences de publicité obtiennent l’autorisation, la spécification de l’emplacement ainsi que les dimensions desdits panneaux de la CPPE et c’est la Direction générale des recettes de Kinshasa (DGRK) qui encaisse les sommes dues.
Difficulté de recouvrement des recettes
D’après un chef de service au ministère de la Culture et des Arts, la perception des taxes dans le secteur de la publicité n’a pas été facile jusqu’à un passé récent à cause d’un chevauchement d’attributions. L’administration du ministère de la Culture et le Fonds de promotion culturelle (FPC) se la disputaient, avant qu’un vade-mecum ne vienne les départager. Ce document précise que l’un doit intervenir dans la première phase, c’est-à-dire lors de la réalisation de la publicité, tandis que l’autre auprès des assujettis. En amont, l’administration recouvre la taxe sur l’autorisation de dépôt des affiches et panneaux publicitaires dans les lieux publics ; la taxe sur la réalisation d’une œuvre publicitaire et fait payer les amendes transactionnelles en rapport avec la publicité. Pour ce qui est du FPC, il taxe la publicité elle-même en tant que produit.
Le ministère de l’Urbanisme est également concerné parce que la gestion de l’espace public est de son ressort. Par ailleurs, lorsque les affiches sont placardées sur des poteaux électriques ou sur des réverbères, le ministère de l’Énergie intervient pour exiger sa quote-part auprès de l’agence de publicité.
Certains acteurs du secteur se plaignent, malgré tout, des difficultés qu’ils éprouvent. Pour Placide Makashi, responsable de Pictogramme, ces problèmes ne permettent pas de travail correctement : les unités de production ne sont pas encore nombreuses et la concurrence n’est pas en mesure de booster l’industrie de la publicité. Aussi, regrette-t-il le fait qu’il n’y ait pas d’instance d’autorégulation qui sanctionnerait les « moutons noirs » qui bradent la profession.
Sabin Selemani, de CMCT, dénonce lui aussi le raccourci que prennent certaines personnes sans locaux en réalisant des spots publicitaires, sans au préalable avoir mis en place une stratégie de communication. Selon lui, après une analyse quantitative et qualitative, il peut arriver que le spot ne soit pas important. « Quelquefois, il faut aller toucher les gens où ils sont par une campagne de marketing avec des hôtesses », explique-t-il en reconnaissant qu’il n’y a que les multinationales qui ne se fient pas aux amateurs. Elles exigent les normes internationales ou répondant à un standard proche. En exemple, il cite Western Union et Coca Cola qui ne vont pas là où on casse les prix mais où la qualité n’est pas au rendez-vous. Quand à Makashi, il déplore par ailleurs le manque d’accompagnement des agences par les banques et l’inadéquation entre la formation que dispensent les universités et le monde de l’emploi. Pour lui, les étudiants formés dans les universités et instituts supérieurs du pays enseignant les sciences de l’information et de la communication ne sont pas à la hauteur du travail. Mettant les agences en difficulté, certaines entreprises préfèrent aller chercher des concepteurs à la source. C’est le cas de l’Académie des beaux-arts, d’où sortent des infographes qui conçoivent des affiches et dessinent des motifs.