L’Assemblée nationale a adopté, le 14 janvier, un projet de loi relatif à l’ouverture du secteur aux privés. Avec l’arrivée de la concurrence, beaucoup de choses devront changer dans un domaine qui fonctionne au ralenti.
Place commerciale, à Limete. Dans le hall d’un immeuble, trois agents de la Société nationale d’assurances (Sonas) indemnisent des sinistrés. L’opération est baptisée « Jeudi sinistre ». Témoins, plusieurs caméras filment tout pour une large diffusion sur les chaînes de télévision locales. Les heureux bénéficiaires du « Jeudi sinistre » ont été victimes de divers accidents. Après avoir rempli quelques formalités d’usage, ils reçoivent chacun ce que la Sonas estime être leur dû. Ce jeudi de janvier, 160 dossiers, dont 129 venant de la direction générale, ont été traités et payés, la plupart dans les branches assurances automobile, vie et incendie. L’opération existe depuis 2008. Si à Kinshasa cette opération est devenue quasiment une tradition, ce n’est pas le cas dans l’arrière-pays : la Sonas est en perte de vitesse après un monopole qui remonte à 1967.
Le début d’une nouvelle ère
La loi sur le code des assurances qui vient d’être adoptée à l’Assemblée nationale le 14 janvier, soit huit mois après le Sénat, inaugure une nouvelle ère. Dès qu’elle sera promulguée par le chef de l’État, la Sonas disposera de quinze mois pour opérer une mue qui lui permettra d’affronter ses concurrents qui ne manqueront pas de sauter sur l’occasion après cette ouverture du marché. Selon le vice-président de la Commission économique de l’Assemblée nationale, Jean-Baptiste Kumusamba, en libéralisant ce secteur, des investisseurs viendront pour se positionner. « L’innovation c’est la libéralisation du secteur. Nous en attendons une mobilisation importante des ressources et, en même temps, un meilleur service aux assurés, grâce à la concurrence », soutient pour sa part le sénateur Évariste Mabi Mulumba, président de la Cour des comptes.
Plusieurs innovations attendues
Malgré son long monopole, la Sonas est confrontée actuellement à beaucoup de difficultés. En 2014, et même avant, ses agents et cadres ont dû arrêter de travailler pour revendiquer le paiement de leurs salaires, avant d’adresser un mémorandum à l’Assemblée nationale. Du côté des assurés, notamment les conducteurs, la Sonas était accusée de ne pas indemniser correctement les sinistrés. La libéralisation du secteur des assurances était devenue impérieuse tant pour le gouvernement que pour la Fédération des entreprises du Congo (FEC). Le département des Petites et moyennes entreprises du patronat indique que les courtiers du secteur ont soulevé beaucoup de problèmes et attendent des solutions. Plusieurs innovations sont attendues. C’est, par exemple, la levée de l’exemption d’assurance dont jouissent les véhicules appartenant au parc automobile de l’État. Le Parlement a décidé de rendre obligatoire l’assurance des véhicules de l’État à l’exception de ceux de l’armée et de la police affectés aux opérations. C’est un compromis après de nombreuses divergences. Au Sénat, la commission économique et financière, dirigée par Mabi Mulumba, souhaitait que tous les véhicules officiels, y compris ceux de l’armée et de la police, soient assurés. « Traditionnellement, dans d’autres pays, l’État est son propre assureur. Donc, on n’assure pas les véhicules lui appartenant. Mais comme il y a un cas spécifique chez nous, l’État traîne parfois pour indemniser les victimes, on a voulu que l’État souscrive une assurance comme tout le monde », explique le président de la Commission économique et financière du Sénat.
L’exposé des motifs de la loi portant Code des assurances stipule que « les opérations d’assurance relèvent du secteur concurrentiel de l’économie et qu’il n’est pas souhaitable que l’État y ait une part prépondérante. Il doit cependant fixer les conditions dans lesquelles de nouvelles sociétés, y compris les mutuelles d’assurances, pourraient être agréées pour pratiquer des opérations d’assurances (…).» L’État contrôle le marché et discipline les opérateurs dans l’intérêt des assurés et de la sécurité financière offerte par les entreprises d’assurance.
Un très faible taux de pénétration
À cause d’une législation faite de textes disparates et inadaptés, l’assurance en RDC demeure largement en deçà de son potentiel dont le taux de pénétration, qui se situe autour de 0,4 %, est l’un des plus bas du continent. La nouvelle loi est une brèche ouverte pour les investisseurs nationaux ou étrangers. La sécurité juridique y est garantie pour toutes les parties : les sociétés, les assurés, souscripteurs et bénéficiaires de contrats d’assurances. L’État fixe les conditions dans lesquelles de nouvelles sociétés, y compris les mutuelles, pourraient être agréées. L’article 284 de la loi précise que « toute entreprise d’assurances ou de réassurance qui sollicite l’agrément pour opérer en RDC doit être constituée sous forme de société par actions à responsabilité limitée ou de mutuelle, et avoir son siège social en RDC.» D’après le député Jean-Baptiste Kumusamba, « un autre élément important est que le secteur des assurances est réservé aux sociétés anonymes ou aux mutuelles d’assurances. »
La RDC étant membre de l’OHADA, les sociétés d’assurances ont la facilité de se constituer en sociétés anonymes au guichet unique. Selon la Commission OHADA-RDC, parmi les neuf actes uniformes de cette organisation, il n’y en a pas un qui parle des assurances. Pour lui, toute personne morale ou physique désireuse de créer une entreprise n’aura qu’à passer au guichet unique pour remplir les formalités exigées. Cependant, la nouvelle loi fixe aux sociétés d’assurances un capital minimum de « cinq millions de dollars américains, non compris les apports en nature ». C’est ce que l’article 293 stipule et il indique que les actionnaires sont tenus de libérer leurs parts sociales à concurrence de la moitié à la souscription et le reliquat dans les six mois de l’immatriculation au registre de commerce et du crédit immobilier. Il est aussi prévu, comme nouveauté, la création d’un organe de contrôle appelé « Autorité de régulation et de contrôle des assurances » et la mise en place d’un Fonds de garantie automobile. Ce fonds supportera, dans la limite des plafonds fixés par la loi, les frais médicaux, lorsque le responsable des dommages demeure inconnu ou n’est pas assuré.