Accéder à son compte n’est pas aisé, surtout les jours de paie, à cause d’interminables files d’attente de l’impossibilité de le faire au guichet d’une autre banque que la sienne. Pour y remédier, la Banque centrale va lancer un nouveau produit, utilisable partout.
C’est la firme américaine Montran, spécialisée dans le transfert et le contrôle des payements bancaires, qui a été sélectionnée par la Banque centrale du Congo (BCC) pour la réalisation de la carte interbancaire. Son offre a été jugée meilleure, en qualité et en coût, par rapport à ses concurrents. Le projet, estimé à 3 millions de dollars, est entièrement financé par la Banque mondiale pour une durée d’exécution de douze mois à compter de ce mois de février, selon la BCC. Cet outil destiné particulièrement aux fonctionnaires complète la gamme de mesures déjà prises pour la modernisation de la paie en République démocratique du Congo.
Un outil interbancaire
D’après le gouverneur de la Banque centrale, Déogratias Mutombo Mwana Nyembo, avec ce système, il sera désormais possible pour un fonctionnaire d’utiliser sa carte bancaire dans n’importe quelle banque et quelle que soit son enseigne pour débiter son compte. Le système de paiement par carte de débit et de crédit en francs est déjà opérationnel, mais il n’est pas encore interbancaire, à l’exception des services internationaux fournis par les cartes Visa ou Master Card, renouvelables chaque année, pour un coût de plus de 30 dollars. À la Banque centrale on laisse entendre que cette nouvelle carte permettra surtout d’éviter les longues heures d’attente devant les guichets d’une banque pendant que d’autres offrent encore des possibilités de service. Et aussi de résoudre les problèmes liés à la bancarisation de la paie des fonctionnaires dans les territoires où toutes les banques concernées par cette opération ne sont pas représentées.
Les inquiétudes des fonctionnaires
Mais aussitôt annoncée, cette innovation suscite interrogations et inquiétudes de la part des fonctionnaires. Le Syndicat des enseignants du Congo (SYECO), par la bouche d’un de ses membres, Rodolphe Ilunga, conteste la procédure suivie par les initiateurs du projet, qui ne les y ont pas associés comme partie prenante. « Nous avons encore en mémoire la bancarisation de la paie annoncée tambour battant comme essentiellement bénéfique aux fonctionnaires. Mais grande a été notre surprise de constater une perte mensuelle d’au moins 5 dollars comme frais d’entretien imputables à tout fonctionnaire. Ceci représente exactement 5 % de perte du revenu moyen du fonctionnaire congolais évalué à 100 dollars. » Selon certains observateurs, la bancarisation ne profite pas réellement aux fonctionnaires qui ont tout le mal du monde pour accéder au crédit faute d’épargne et à cause de la modicité de leurs revenus. Ainsi, le compte du fonctionnaire congolais servirait juste de dépôt de transit du salaire entre l’employeur et l’employé.
La banque a remplacé l’agent payeur
Pour beaucoup, la banque n’aurait fait que remplacer l’ancien agent payeur qui ponctionnait les salaires des fonctionnaires pour le paiement de son transport et pour sa sécurité. Un fonctionnaire du ministère des Affaires sociales s’étonne que l’accès au crédit bancaire soit toujours la mer à boire pour les agents de l’État. « Alors que partout au monde le crédit est une des missions fondamentales de la banque, les banques commerciales congolaises s’en sont détournées en imposant un taux d’intérêt prohibitif, entre 40 et 60 %, au moment où le taux directeur de la Banque centrale est de 2 %. » En même temps, souligne Alain Sukama, administrateur dans la micro-finance, « il y a encore des banques ou des établissements de micro-finance qui exigent toujours des fonctionnaires un titre de propriété comme caution garantie pour un banal prêt de 5 000 dollars.» Un membre du Conseil national des syndicats du Congo (CNSC) reste persuadé que « tant que le fonctionnaire ne connaîtra pas le coût de cette future carte, son impact sur son salaire, son délai de validité, la nouvelle initiative de la Banque centrale aura du mal à attirer du monde dans la Fonction publique. » À la Banque centrale, on croit dur comme fer que le bénéfice pour l’économie nationale en termes de rapidité et d’accroissement du nombre des opérations générées par la réforme devrait primer sur les bénéfices égoïstes des opérateurs privés.