Alors que les nouvelles technologies de l’information et de la communication ne cessent d’envahir le monde, des spécialistes de la communication écrite se sont réunis à Kinshasa pour réfléchir sur l’avenir de l’écrit à l’heure de l’internet.
Les institutions d’enseignement supérieur et universitaire ayant des cursus en bibliologie se sont retrouvées, fin février, à l’Université catholique de Kinshasa (UCC) à l’occasion d’un colloque national intitulé « La bibliologie à l’ère de l’internet. De l’écrit imprimé à l’écrit électronique. Quelles mutations techniques dans le système de l’écrit ? Quelles mutations épistémologiques pour la science de l’écrit ? » Divisés en trois panels, les participants ont planché sur les moments-clés de la bibliologie, de Gabriel Peignot à Robert Estivals; les transformations technologiques intervenues dans le système de l’écrit; la bibliologie à l’ère d’internet : nouveaux objets, nouvelles approches ? »
Une tradition des communicologues
Jean-Pierre Manuana Nseka, doyen de la faculté de la communication de l’UCC, a rappelé qu’en 2004 Kinshasa avait déjà accueilli le 18e Colloque international de bibliologie sur le thème « Bibliothèques, livre, écrit et technologies de l’information et de la communication en République démocratique du Congo », avant d’insister sur le fait qu’il existe un champ propice au développement des sciences de l’écrit en RDC grâce, notamment, à l’existence d’ établissements d’enseignement supérieur et universitaire organisant des options de bibliologie et un noyau de rayonnement important de cette discipline en Afrique centrale. En 2005, une conférence nationale des bibliothèques et centres de documentation de la RDC s’est tenue à Kinshasa avec comme thème « Les bibliothèques congolaises : un état des lieux. » C’était le troisième colloque que le pays accueillait. Par ailleurs, la RDC occupe depuis 2004 la présidence de l’Association internationale de bibliologie(AIB).
L’enjeu de la numérisation
Dans l’histoire des médias, aucun média n’a jamais remplacé un autre, selon le professeur EddieTambwe, en parlant de « Bibliologie et TIC : états des lieux et nouvelles pistes de recherches ». Pour lui, la bibliologie, science de l’écrit et de la communication écrite et les TIC ont engendré un glissement qui a des implications immédiates dans le système de l’écrit. L’une des pratiques observables de ce glissement émerge dans le contexte des bibliothèques, qui, toutes remplies de vieux ouvrages, sont aujourd’hui confrontées à l’enjeu de la numérisation, lequel fait apparaître un lecteur d’un type nouveau. Partant de cet état des lieux, il se dégage une nouvelle piste de recherches pour la bibliologie, qui consiste en une prise en compte de l’enjeu des nouveaux phénomènes émergents des TIC et à penser à la mise en place d’une véritable stratégie de gestion rationnelle des médias selon un plan global de développement.
La question du support est désormais cruciale
Le colloque s’est penché sur le multimédia comme objet d’étude épistémologique de la bibliologie. Ce faisant, le multimédia a plusieurs manifestations selon les aires géographiques. Il est un produit de la révolution techno-technique qui a donné naissance à de nouveaux métiers, dont le journalisme, le graphisme, le design… Il a créé des nouveaux domaines dont la médiatéconomie et la médiathécologie. Face à cette éclosion dictée par les TIC, la nécessité de repenser le paradigme épistémologique de la bibliologie s’impose. Les grandes mutations apportées par les TIC et Internet ont attiré la particulière attention des participants au colloque. De l’auteur au lecteur, le livre passe par les soins intensifs de plusieurs métiers. Les acteurs de ces métiers constituent les maillons de la chaîne du livre : l’auteur, l’éditeur, l’imprimeur, le diffuseur, le distributeur, le lecteur. Les évolutions technologiques et techniques ont toujours influencé et continuent d’influencer cette chaîne.
Nouveaux comportements et nouveaux besoins
Mais, jusqu’à présent, cette influence touchait principalement les processus de reproduction et de diffusion. La question du support est désormais cruciale dans la chaîne du livre. Non seulement il existe une première distinction entre livre papier et livre numérique, et une seconde distinction entre tous les formats d’ebooks existants. Et l’évolution ne s’arrête pas là, puisqu’en plus de nouveaux produits et de technologies éditoriales, il y a une émergence de nouveaux comportements, donc de nouveaux besoins à satisfaire.
La vague du numérique apparaît comme une menace dans la mesure où elle pourrait entraîner, aux yeux des plus pessimistes, la suppression relative de certains corps de métiers. Ainsi, les libraires craignent l’essor de la vente directe par les éditeurs grâce au développement de librairies en ligne ou aux boutiques des maisons d’édition. La transition numérique est également en train de révolutionner le métier de libraire, qui commence à adopter des normes techniques et commerciales propres au marché du livre numérique (le prix, la TVA, l’identification et le référencement des livres, l’interopérabilité et la sécurité des formats) et travaillent à renforcer leur présence et leur influence sur l’internet.
De nouveaux savoir-faire techniques
Les éditeurs craignent la remise en question de leur rôle dans la chaîne du livre. Les bibliothécaires quant à eux se lancent très progressivement dans le développement d’une offre numérique avec prêts de liseuses et tablettes. Enfin, l’auteur voit, lui aussi, son statut et son champ d’action se modifier. N’étant plus enfermé dans sa tour d’ivoire, il peut désormais dialoguer directement avec ses lecteurs, prendre en main la promotion de ses ouvrages grâce à Internet, voire même publier et commercialiser la version numérique de ses titres. Les bases du métier d’éditeur semblent rester les mêmes dans la mesure où il s’agit toujours de manuscrits, de relectures, d’élaboration de collections et de lignes éditoriales. En revanche, face à la vague du numérique, les métiers de l’édition demandent de nouvelles compétences et de nouveaux savoir-faire techniques.