Rouler à Kinshasa n’est pas une mince affaire. La cause principale reste l’insouciance des conducteurs et l’impuissance de la police. Paradoxalement, la machine semble réussir là où l’homme a échoué.
En inventant il y n’a pas très longtemps un robot capable de réguler la circulation, une équipe d’ingénieurs formés à l’Institut des sciences et des techniques appliquées (ISTA) ne croyait pas bien faire. Pourtant, deux prototypes de leur trouvaille placés dans deux grandes artères de Kinshasa ont révélé que le conducteur kinois respectait les feux vert et rouge émanant des robots, rendant ainsi la circulation plus fluide et moins dangereuse. Les jeunes inventeurs attendaient beaucoup du gouvernement pour avoir une visibilité et la reconnaissance de la nation. C’est maintenant chose faite. Le gouvernement vient de commander 30 robots qui seront installés dans plusieurs endroits de la capitale.
Une possibilité de créer des emplois
À raison de 20 000 dollars la pièce, l’ONG Women’s Technology a ainsi empoché environ 600 000 dollars. Selon Thérèse Kirongozi, présidente de l’ONG et co-inventrice du robot, cette commande devrait permettre de créer pas moins de mille nouveaux emplois durables pour les jeunes ingénieurs et diplômés utilisés depuis la chaîne de montage jusqu’au service d’entretien et de maintenance. Parmi les avantages de cet automate équipé de plusieurs caméras de surveillance, on relève son autonomie énergétique car il fonctionne à l’énergie solaire, et l’assistance aux piétons qui ne comprennent pas toujours le langage des feux de signalisation automatiques parce qu’il peut donner certaines consignes préenregistrées en imitant la voix humaine. Grâce aux caméras dont il est équipé et qui sont dotées d’une très grande précision, les données enregistrées – et qui sont stockables pendant six mois – sont transmises instantanément à la centrale de contrôle et de surveillance du commissariat provincial de la police afin d’être exploitées à toutes fins utiles par la police routière dans des enquêtes post-accidents, mais également dans la rationalisation du paiement des contraventions au Trésor public.
De nombreux accidents de la route et des morts
À cette fin, explique un ingénieur, les caméras incorporées permettent notamment d’identifier la plaque numérologique dont les renseignements stockés dans la base des données de la direction générale des impôts peuvent permettre de remonter jusqu’au propriétaire. Le centre de contrôle installé dans les locaux de la police permet de visualiser en temps réel la situation sur les routes partout où sont implantés les robots afin de réduire sensiblement leur dangerosité. Entre 2011 et 2014, 9 717 accidents de la route ont été enregistrés à Kinshasa selon la police chargée de la circulation routière. Il y a eu 1 276 tués, 2 571 blessés graves et 3 077 blessés légers.
Contrôle et éthique
En Afrique du Sud où les routes sont équipées de caméras de surveillance, explique Thérèse Kirongozi, la police jouit de beaucoup de confort et de précision pour poursuivre les conducteurs qui tentent de se soustraire aux obligations financières consécutives aux contraventions qui constituent près de 10% des assignations des services des impôts. Par contre, dans les rues de Kinshasa, excepté les grandes flagrances (accidents mortels, carambolages…) les autres contraventions qui sont verbalisées – oralement – finissent dans les poches des policiers faute de contrôle et d’éthique. Cette situation devrait changer avec l’avènement du robot intelligent pour une ville qui compte la moitié du charroi automobile du pays.
Intérêt des pays africains
L’ONG Women’s Technology, qui continue à faire de la prospection en attendant d’autres commandes provenant des provinces, affirme que son robot sera exposé dans plusieurs salons des inventions à travers le monde. Il intéresse déjà plusieurs pays africains dont le Nigeria, la Zambie, l’Angola et le Zimbabwe. Des contacts très avancés sont en cours avec tous ces pays pour exporter ce produit made in Congo. La commande du gouvernement va certainement inciter les autres à lui emboîter le pas.
Les sceptiques n’en démordent pas
En dépit de l’enthousiasme suscité par le coup de pouce du gouvernement, certains conducteurs et observateurs ne croient pas à la fin des embouteillages sur les routes kinoises grâce aux robots. Ils en veulent pour preuve les embouteillages monstres sur le boulevard Lumumba (entre le pont de Matete et l’aéroport de Ndjili), une voie pourtant large de quatre bandes dans les deux sens sur laquelle le système de signalisation alimenté par l’énergie solaire connaît rarement des pannes. Entre 18 heures et 20 heures, reconnaît un taximan, il est déconseillé de prendre cette direction à cause des bouchons qui durent trois à quatre heures, s’étalant sur plusieurs kilomètres. Même les cortèges officiels à grand renfort de sirènes, en provenance ou à destination de l’aéroport international de Ndjili, n’y peuvent rien. Tout cela à cause de la propension des conducteurs à ne pas respecter le code de la route et du laxisme de la police. Les points les plus chauds sont l’entrée de Ndjili, le boulevard Kimbuta, le marché Liberté, la commune de Masina et l’entrée de Mokali. Pour les sceptiques, les robots ne suffiront pas pour résoudre les problèmes de la circulation sans une grande campagne de sensibilisation au respect du code de la route ; l’éducation et la rééducation des conducteurs qui ont été formés sur le tas au lieu de passer par une auto-école.