Ebola et le cours déprimé des matières premières ont conduit le Fonds monétaire international à réviser à la baisse ses prévisions de croissance pour l’Afrique subsaharienne en 2015. Celle-ci restera toutefois une des régions les plus dynamiques avec une progression attendue du PIB de 4,5 % cette année et de 5,1 % pour 2016, selon les chiffres publiés mardi 14 avril.
« Les producteurs pétroliers de la région seront sévèrement affectés (…) tandis que les pays importateurs de pétrole bénéficieront d’une facture pétrolière plus légère, mais ce gain sera dans une large mesure annulé par la baisse des cours des matières premières », selon le FMI. Le FMI rappelle qu’en janvier, il prévoyait une croissance plus forte (4,9 % cette année et de 5,2 % l’an prochain) et signale des « risques significatifs » de ralentissement plus marqué.
Ces risques tiennent à l’environnement monétaire américain, qui pourrait compliquer l’accès des pays subsahariens à des financements. « Un nouvel affaiblissement de la croissance en Europe ou dans les marchés émergents, en particulier la Chine, pourrait réduire la demande à l’exportation, et déprimer davantage les cours des matières premières », ajoute le FMI.
Pèsent aussi « des incertitudes politiques » avec des élections cette année en Tanzanie et au Nigeria et « des inquiétudes sécuritaires croissantes ». Les exemples ne sont pas cités dans le rapport mais ne manquent pas, attentats au Kenya ou insurrection islamiste au Nigeria.
À la mode auprès des industriels attirés par l’essor démographique et l’émergence d’une nouvelle couche de consommateurs, l’Afrique subsaharienne a gardé l’an dernier une croissance « solide dans l’ensemble » de 5,0 %. Mais elle a été plus faible déjà qu’en 2013 (5,2 %), souligne le FMI.
Si le Fonds ne prononce pas un avis de tempête, il livre en tout cas un avertissement, notamment aux pays exportateurs de pétrole, Nigeria, Angola, Guinée Équatoriale, Tchad, Gabon ou encore Congo Brazzaville, directement affectés par la chute des cours du brut.
Dans ces pays, l’heure est « à une adaptation dictée par une croissance plus faible que prévu » et les déficits budgétaires et des comptes courants guettent, conséquence d’ambitieux projets d’infrastructures qu’il faut désormais financer avec moins de recettes.
L’Afrique du Sud en panne
Poids lourd économique, pays le plus peuplé d’Afrique et premier producteur pétrolier africain, le Nigeria est concerné au premier chef. Il devrait renouer cependant l’an prochain avec une croissance de 5,0 %, contre 4,8 % cette année et 6,3 % en 2014, selon le FMI.
Pays le plus industrialisé du continent, l’Afrique du Sud ne parvient pas en revanche à rebondir, malgré l’allégement de la facture pétrolière.Depuis la crise financière mondiale de 2008, elle enchaîne les années de croissance molle. Le chômage reste élevé, le climat social propice aux revendications et l’activité est entravée par un manque d’électricité dû à des retards dans la construction de nouvelles centrales.
Le FMI a encore révisé à la baisse ses prévisions pour l’Afrique du Sud à un maigre 2 % cette année (au lieu de 2,1 % prévus en janvier) et il ne croit plus à une relance l’an prochain (2,1 % prévus désormais, au lieu de 2,5 %).^^e
Ailleurs sur le continent, la croissance 2014 « a bien résisté, notamment dans les pays à bas revenus », souligne le FMI, grâce à « d’importants investissements dans les mines et les infrastructures, ainsi que la consommation privée ».
Les taux de croissance flirtent avec les 8 à 10 % en Éthiopie et en République démocratique du Congo (RDC), et dépassent les 7 % en Côte d’Ivoire et en Tanzanie.Même au Kenya, où le climat politique est alourdi par le conflit avec les shebabs somaliens, le FMI prévoit une accélération à 6,9 % cette année, puis 7,2 % contre 5,3 % l’an dernier.
Trois pays d’Afrique de l’Ouest font exception : la Guinée, le Liberia et le Sierra Leone affectés par le virus Ebola : « La croissance a chuté fortement en raison de graves interruptions de l’activité agricole et de services et du report de projets de développement minier », selon le FMI.
L’épidémie semble en voie d’accalmie mais il est trop tôt pour crier victoire, rappelle la Banque mondiale qui chiffre à au moins 1,6 milliard de dollars le manque à gagner subi en 2015 par ces trois pays, sans compter l’impact sur la nutrition et la scolarité des plus jeunes.