Encadrer techniquement les jeunes dès le bas âge, c’est préparer les futurs dieux des stades qui porteront haut et loin le drapeau de la RDC.
Nombreuses sont les nations qui investissent d’importantes sommes d’argent par an pour l’encadrement de la jeunesse dans le sport en vue de garantir le renouvellement des athlètes de pointe. A l’ère de la professionnalisation du ballon rond, tout club qui aspire au statut de «semi-professionnel » ou de « professionnel» doit posséder son centre de football.
Cette politique offre l’avantage tant aux clubs qu’aux équipes nationales d’avoir non seulement une pépinière mais aussi d’imprégner aux jeunes la philosophie du club. Cette philosophie traversera les générations, à travers différents niveaux à partir des pré-minimes (5 à 7 ans), des minimes (8 à 10 ans), des benjamins (11 à 13 ans), des cadets (14 à 16 ans), des joueurs (17 à 19 ans).
Les tout petits s’entraînent déjà dès le bas âge en suivant un schéma d’entraînement identique à celui des seniors. Loin de leurs familles, ces jeunes reçoivent un bagage technique, une philosophie tactique et partagent ensemble leurs passions autour du foot dans des conditions idéales d’apprentissage.
Les centres d’encadrement sont équipés de plusieurs salles dédiées aux études, à la détente, à la musculation, à la kinésithérapie. Ils disposent d’un centre médico-sportif, des terrains d’entraînement tapissés du gazon synthétique et de la pelouse naturelle. Sans oublier, un centre d’hébergement à proximité du site d’entraînement. C’est dans ces conditions que des stars, comme Lionel Messie, ont été fabriquées au centre du Football club Barcelone.
En Afrique, le football demeure le sport le plus populaire. Mais, faute d’infrastructures et d’encadrement, plusieurs talents vont s’épanouir en Europe. C’est le cas du Camerounais Samuel Eto, de l’Ivoirien Didier Drogba et bien d’autres. Ces dernières années, on assiste à une prolifération des écoles de foot à Kinshasa. C’est le cas de Dream Team, locataire des installations du Cercle français, à la Gombe. L’école est née de l’initiative de l’ONG Apostolat pour l’encadrement de la jeunesse (APEJ).
Deux, quatre ou six écoles de football ?
D’après un coach, l’encadrement des enfants se passe très bien moyennant 5 dollars à l’inscription et le paiement mensuel de 30 dollars. La structure accueille, en moyenne, 70 inscrits en période scolaire et environ 150 pendant les grandes vacances, ajoute-t-il.
« Les enfants viennent pour s’amuser ; ce n’est donc pas ici qu’on peut fabriquer des stars. Et les raisons pour lesquelles les parents inscrivent leurs enfants sont multiples : les uns pratiquent sur recommandation du médecin, les autres pour se divertir et se socialiser, ces derniers provenant de familles aisées ». explique-t-il.
Il poursuit en précisant que les jeunes sont néanmoins initiés à la pratique du ballon rond et l’école leur inculque aussi des vertus telles que la tolérance, le respect mutuel, l’amour du prochain, la ponctualité, la discipline et le fair-play.
De son côté, l’ASBL « Centre d’entraînement pour les enfants vulnérables» affiche également de bonnes intentions dans l’encadrement des jeunes à travers son école de foot dénommée «Vivi Team». «De 2002 à 2009, l’ambition était de hisser certains d’ entre eux au football de haut niveau tout en donnant aussi à ceux qui n’y parviendraient pas la chance d’embrasser un autre métier. Ils étaient exemptés du paiement des frais. Sur 900 postulants, nous n’avons retenu que 30 enfants que nous voulions encadrer dans de meilleures conditions pendant 7 ans. La scolarité, la restauration, le transport et autres charges étaient pris en charge par l’école à hauteur de 8 000 dollars par mois. En outre, les enfants ont eu l’opportunité d’effectuer deux voyages, notamment à Pointe Noire en République du Congo et en France », renseigne un responsable.
« En 2009, avant même que le projet ne porte des fruits, les ambitions de Vivi Team se sont brusquement arrêtées en cours de chemin à cause du désistement de son principal financier et bienfaiteur. Dès lors, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Pour faire face aux charges liées au fonctionnement, la scolarité des jeunes demeure une obligation mais relève désormais de la responsabilité des parents. Ils sont tenus de payer chaque mois l’équivalent de 20 dollars. Pour des raisons de réhabilitation, le bureau que nous occupons dans les annexes du Stade des Martyrs à 120 dollars chaque mois, se trouve dans la rue. Sans espoir de le regagner après les travaux » regrette-t-il. Avant d’ajouter qu’avec des moyens de bord, il est presque impossible de former de véritables joueurs. C’est ainsi qu’ayant été mal encadrés, les plus talentueux parviennent tout de même à se frayer un chemin dans la profession mais leur carrière bute au problème de la discipline.
La Fécofa ne distribue pas forcément aux écoles de foot
Pour Eugène Kabongo, ancien international congolais et analyste sportif, le gouvernement et la Fédération congolaise de football association (Fécofa) – organe habilité à gérer le foot en RDC sur le plan tant technique qu’organisationnel – doivent se remettre en cause. Selon lui, seul le respect des textes et l’application de la loi sportive permettraient à cette grande nation de sortir du gouffre.
« Il est anormal qu’il n’y ait que deux centres de football répondant plus au moins aux normes internationales pour un pays à la taille d’un continent. Dans cette liste on trouve le « Centre Kurara Mpova », non opérationnel, détourné de sa mission première et transformé en terrain d’entraînement pour certains clubs comme le Football club Moke de Kinshasa et le « Katumbi football club academy » du Tout Puissant Mazembe mais non affilié à la Fécofa », martèle-t-il.
Le directeur technique national de la Fécofa déclare que la capitale est envahie par des écoles de foot pirates, non affiliées, qui exercent leurs activités de façon autonome sans la moindre supervision de la Fédération. Officiellement, la Fécofa ne reconnaît que quatre écoles : « la Terre tourne » située à Limete, « Chark Club » à la Gombe, « Belor » à Kinkole et « Audace » à la Gombe. D’où plusieurs inquiétudes sur les nombreuses écoles pirates qui pullulent à la cité. Quel encadrement offrent-elles aux jeunes?
À ce sujet, un promoteur d’une école de foot non affilié raconte son expérience. Selon lui, il y a quelque temps, l’encadrement des écoles de foot n’était pas une préoccupation de la Fécofa. S’affilier était un parcours de combattant entre la Fécofa, les entités de la Ligue et le ministère des Sports. Pour remplir les procédures bureaucratiques, il fallait chaque fois mettre la main à la poche alors que la Fédération n’accorde aucune subvention pour encourager ceux qui encadrent les jeunes congolais. Bien au contraire, lorsqu’elle bénéficie des dons en équipements sportifs, elle ne les distribue pas forcement aux écoles de foot mais à ses favoris.
Écoles de foot : pépinière des stars
Pour Mukeba Mulamba, les préalables posés par la Fécofa pour l’affiliation pourraient être la raison qui est à la base de la réticence des écoles de foot. Il est d’abord exigé que l’école dispose d’une adresse précise et d’un terrain d’entraînement sécurisé pour prévenir des cas d’accidents comme c’était le cas avec un encadreur de la Fécofa percuté par un motocycliste au cours d’une séance d’entraînement sur la place Sainte Thérèse à Ndjili. Ensuite, l’école doit présenter des encadreurs lettrés, sachant au minimum lire et écrire, pour bénéficier des sessions de formation organisées par la Fédération. Enfin, l’école doit inscrire des enfants scolarisés.
À en croire le directeur technique national, les écoles affiliées bénéficient tout d’abord du suivi et de la formation de leurs encadreurs par la Fédération. La Fécofa vise, à travers ces activités, l’encadrement de la jeunesse au centre de football « Kurara Pova », construit grâce au financement de la Fifa.
Actuellement, ajoute-t-il, sur la vingtaine des clubs de foot dont dispose la ville de Kinshasa, seulement les équipes New Belor et Chark Club Onze réussissent à encadrer la jeunesse dans leurs écoles respectives.
Quoi que l’on dise de la situation actuelle, les écoles de foot demeurent incontestablement la pépinière pour l’avenir du sport roi. Cela vaut ici comme ailleurs.