Après huit mois de recul, le cours du pétrole reprend l’ascenseur : au-delà de 60 dollars. La production du pétrole de schiste, elle, va baisser aux Etats-Unis.
Les cours du pétrole continuaient de progresser au-delà des 60 dollars le baril le 6 mai dans les échanges électroniques en Asie. Mardi, le baril de «light sweet crude» avait fini en hausse de 1,47 dollar à 60,40 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex). À Londres, le Brent avait terminé en hausse de 1,12 dollar à 67,52 dollars sur l’Intercontinental Exchange (ICE).
Cette remontée du prix du baril s’est amorcée mi-mars, après plus de huit mois de recul (depuis juin 2014), celui-ci étant dû à une hausse de la production mondiale et au refus de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), qui pompe 40 % du brut mondial, de limiter ses exportations.
Le léger rebond du marché pétrolier est aujourd’hui aussi entretenu par des préoccupations géopolitiques au Moyen-Orient (Libye, Yémen, Irak), et la perspective d’une réduction du déséquilibre entre l’offre excédentaire et la demande atone.
Certains experts du secteur misent notamment sur la réduction du nombre de puits de forage en activité aux États-Unis. Le département de l’Énergie (DoE) doit publier le 6 mai ses dernières données hebdomadaires sur les réserves américaines.
L’évolution du cours du pétrole reflète aussi l’affaiblissement du dollar, dans lequel sont libellés les échanges pétroliers. Le repli du billet vert – dû aux inquiétudes sur l’économie américaine relancées par le creusement du déficit commercial – rend ces achats de pétrole moins onéreux et donc plus attirants pour les investisseurs.
La production du pétrole de schiste va baisser aux USA
Depuis des mois, les observateurs guettent le moment où la production du pétrole de schiste plafonnera puis baissera aux Etats-Unis sous l’effet de l’effondrement des prix du baril, qui a perdu 50 % de sa valeur depuis juin 2014 (et même 60 % pour le WTI américain), en raison d’une surabondance de l’offre. Ce moment est peut-être venu : la production devrait légèrement reculer en mai par rapport à avril, a annoncé, lundi 13 avril, l’Administration américaine d’information sur l’énergie (EIA). Ce serait une première depuis décembre 2011.
Cette perspective, très attendue par les marchés, a entraîné une légère hausse des cours du brut. Déjà en progression en Asie, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai valait, en milieu de journée du 5 mai, 58,25 dollars (54,61 euros) sur l’Intercontinental Exchange (ICE) de Londres, soit 32 cents de plus qu’à la clôture de lundi ; le baril gagnait 44 cents (à 52,35 dollars) dans les échanges électroniques sur le New York Mercantile Exchange (Nymex).
L’administration américaine prévoit une production de 4,98 millions de barils par jour de shale oil en mai, contre 5,02 millions attendus ce mois-ci, soit une baisse de 45 000. Cette projection confirme que les producteurs revoient leurs projets à la baisse, même si les puits les plus récents continuent de monter en puissance. De nombreux analystes estimaient que la production américaine plafonnerait au milieu de l’année, et cette annonce n’est donc pas une véritable surprise.
Une chose est sûre, le nombre d’appareils de forage (rigs) en service outre-Atlantique a considérablement baissé ces derniers mois. La société de services pétroliers Baker Hughes, qui en fait le décompte chaque semaine, estime qu’il est tombé de 1 800 rigs en avril 2014 à 800 début avril. La baisse a été particulièrement forte dans les deux plus grandes régions productrices d’huiles de schiste, le Texas et le Dakota du Nord. Leur nombre est même tombé au plus bas depuis 2011.
Les USA, premier producteur mondial
Jusqu’à présent, la production a pourtant progressé sans discontinuer car la productivité des puits, elle, ne faiblit pas. Selon les dernières données de l’EIA, sur les sept principaux bassins de production (Bakken, Eagle Ford, Niobrara…), assurant 95 % de la production américaine de shale oil, chaque puits devrait produire en moyenne 387 barils par jour en mai (un baril est équivalent à 159 litres), contre 374 barils en avril. Et cette productivité n’a cessé d’augmenter depuis un an.
« On a sous-estimé le fait que les compagnies américaines ont fait d’énormes investissements, analyse Jean-Marc Ollagnier, responsable du pôle « ressource » au niveau mondial du cabinet Accenture. On a dit que sous les 70 dollars le baril, les schistes n’étaient plus rentables. C’était faux. » Le point bas pourrait bien se situer autour de 40 dollars sur certains gisements. La production finira par baisser légèrement, prévoit M. Ollagnier.
Un autre facteur joue, même si les prix sont très bas : les licences sont octroyées pour un temps limité, et les pétroliers doivent mettre les gisements en production s’ils ne veulent pas perdre leurs droits à l’exploitation.
Pour autant, M. Ollagnier ne croit pas que l’Arabie saoudite arrivera à ses fins : elle produit massivement pour faire baisser les prix et réduire la production américaine, qui est plus coûteuse que celle des pays du golfe. « Les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial d’hydrocarbures, et ils ne lâcheront pas cette position », assure-t-il.
En 2014, les Américains ont accru leur avance sur la Russie et l’Arabie saoudite, a récemment indiqué l’EIA. Et 90 % de la hausse de leur production est le fait des gaz et des pétroles de schiste. Ils ont en effet produit l’équivalent de 27 millions de barils de pétrole (pétrole, condensats, gaz), plus que la Russie (21 millions) et que l’Arabie saoudite (14 millions), ce dernier pays produisant essentiellement de l’or noir.