C
es paroles sont de Joseph Kabila Kabange. Le chef de l’État les a prononcées tout récemment, le 29 juin, lors de son adresse à la nation, à l’occasion de la célébration du 55ème anniversaire de l’indépendance. En les faisant sortir de leur contexte – péché classique des polémistes -, certains analystes y ont vite vu un double constat d’échec ou un aveu d’impuissance en matière de sécurité et de respect de l’intégrité du territoire national. Nous ne les suivrons pas.
Nous avons, par contre, noté que, peu de temps après cette adresse, les deux chambres du pouvoir législatif étaient convoquées pour une session extraordinaire, essentiellement consacrée à l’évaluation de l’arsenal de textes devant légiférer sur les prochaines élections.
D’où notre inquiétude et notre crainte. Inquiétude sur la suite à réserver à l’interpellation ou, c’est selon, à l’engagement pris par le premier des Congolais, surtout en ce qui concerne la question de l’intégrité du territoire congolais. Crainte de celle-ci finisse par se révéler être un serpent de mer. Ce qui serait fort dommage. Gageons seulement que d’ici les prochaines échéances électorales, les paroles de Joseph Kabila reviennent à l’ordre du jour et rencontrent enfin les préoccupations de l’exécutif et du législateur congolais. Et du souverain primaire, entendez le peuple congolais, puisque – et ceci n’est pas un scoop – il existe en l’état actuel des pans entiers de notre territoire national qui échappent bel et bien au contrôle du pouvoir central.
afin que la sécurité de chacun soit assurée et qu’aucun mètre carré de notre territoire n’échappe au contrôle du pouvoir central .
La problématique de l’intégrité territoriale va de pair avec celle de la délimitation des frontières, car c’est en ces endroits-là, que surgissent litiges et conflits, Qu’il s’agisse des frontières liquides (naturelles), ou des frontières terrestres (artificielles, conventionnelles). Généralement, des accords (la plupart ont été signés par les anciennes puissances coloniales) et des conventions (revisitées périodiquement lors de commissions mixtes) préviennent ce genre des contestations.
Le cas de la RDC est assez singulier en Afrique. Cerné de toutes parts par des eaux (fleuve Congo ; rivières Oubangui, Kwango, Tshikapa, Kasaï ; lacs Albert, Édouard, Kivu, Tanganyika, Moero ; etc.), entouré par neuf pays (Zambie, Angola, Congo, RCA, Soudan du Sud, Ouganda, Rwanda, Burundi, Tanzanie), le territoire congolais, avec ses immenses et fabuleuses richesses du sol et du sous-sol n’a pas pu échapper aux convoitises de certains de ses voisins. Malheureusement, est-ce à cause d’un certain complexe de grandeur, de l’incurie ou de l’irresponsabilité de ses dirigeants, la réaction de la RDC n’a presque jamais été, jusqu’ici, à la mesure du dommage subi.
Qu’on se souvienne encore de tonnes d’encre et de salive déversées lors de l’ « affaire Kahemba », fin 2006-début 2007, affaire qui s’est révélée finalement fausse, en ce sens que ce sont des populations congolaises qui, au cours des années et à cause de quelques bornes frontières détruites, s’étaient déplacées et établies dans la zone angolaise. Là où, par contre, nous avons affaire à une spoliation avérée, on constate toujours un déficit de réaction congolaise proportionnée. C’est le cas, par exemple, de l’occupation de fait de l’île Katala par des éléments des forces armées angolaises depuis qu’elles en ont chassé les anciens rebelles de l’Union pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita). Cette île, sur la rivière Kwango, à la hauteur de Tembo, fait pourtant partie intégrante du territoire congolais avec un sous-sol réputé riche en diamants.
Il en est de même de la presqu’île de Gatumba, dans la plaine de Ruzizi, entre le Burundi et notre pays. Profitant des troubles des années 1960 au Congo, Bujumbura a déplacé en 1967 son poste frontalier de la grande vers la petite Ruzizi, créant ainsi de toutes pièces un conflit frontalier dont le règlement est resté en souffrance depuis 1980. De méchantes langues prétendent que les autorités burundaises auraient perpétré leur forfait avec la bénédiction de l’ancien président du Zaïre, le maréchal Mobutu Sese Seko.
On pourrait allonger la liste avec d’autres cas de spoliation flagrante, telle celui de l’île de Rukwanzi, sur le lac Albert, partie intégrante du territoire congolais, occupée par l’Ouganda, et dont le sous-sol contient d’importants gisements pétroliers. Ou l’île de Ndangi, en face de Mobayi-Mbongo (district du Nord-Oubangi, Équateur), partie intégrante, du territoire congolais, occupée par des Centrafricains qui y exploitent des essences forestières, etc. Les frontières internationales congolaises ne sont pas mises à mal uniquement dans leurs composantes liquides et terrestres. Depuis quelques années, les frontières aériennes, pourrait-on dire, sont aussi perturbées. En effet, certains compatriotes qui habitent à proximité de quelques pays voisins se plaignent de ne pouvoir bénéficier de la couverture de réseaux téléphoniques congolais. Ils se retrouvent, par la force des choses, obligatoirement et automatiquement placés en situation de roaming dans leur propre pays ! Cette situation rocambolesque est observable entre autres à Kinshasa, le long de la route de Kinsuka. Si vous ne faites pas attention, les appels téléphoniques entrant dans ou sortant de votre appareil sont facturés comme si vous étiez au Congo-Brazzaville, en face ! Il ne nous reste qu’à espérer que, cette fois-ci, le taureau sera pris par ses cornes et que le respect de l’intégrité du territoire national deviendra la priorité de nos gouvernants.