Pour en finir avec la tyrannie du lissage, des Afro-Brésiliennes osent laisser leur cheveux «au naturel». Un geste politique dans un pays où le racisme sévit toujours.
Le 26 juillet dernier, à la Marche des fiertés crépues, organisée à São Paulo au Brésil, les manifestantes arboraient orgueilleusement leur chevelure, qu’elles portaient comme une revendication. L’idée d’un rassemblement des «femmes crépues et fières de l’être» est partie d’un simple post de la blogueuse Nanda Cury, devenu viral. La manifestation a rassemblé environ 500 femmes ce dimanche-là.
Le diktat de la beauté européenne
Difficile de mesurer l’ampleur du mouvement des
«crépues» au Brésil. Mais la tendance est bien là. Sur son «Blog des chevelues» ( Blog das Cabeludas), Nanda raconte, depuis 2009, l’histoire de femmes aux cheveux frisés rencontrées dans la rue, qu’elle prend en photo. Depuis le lancement de son blog, elle a remarqué que
«le nombre de femmes qui assument leurs chevelures au naturel a beaucoup augmenté».
Des initiatives capillaires
A Rio, la jeune Elaine Rosa a lancé la Foire crépue fin 2014 dans le quartier populaire de Pavuna. Le succès est si grand qu’elle en est déjà à sa troisième édition. Le but est de valoriser
«l’esthétique de la femme noire» et la beauté naturelle. «Ce sont des femmes avec un vrai pouvoir d’achat, explique Elaine. Mais elles ne trouvent pas les produits qui leur correspondent.» Au Brésil, où 51 % de la population est noire ou métisse, «le modèle de beauté, c’est la femme européenne aux cheveux blonds et lisses», souligne Nanda.
Une libération!
Le diktat est tel que les femmes noires n’hésitent pas à dépenser des fortunes et utiliser des produits chimiques sur leurs cheveux pour tenter de ressembler à ces canons irréalistes. Maria Chantal, créatrice d’une marque de vêtements afro, avait 2 ans quand sa mère a commencé à lui défriser les cheveux. Quand elle arrête le lissage, vers 16 ans, c’est la première fois qu’elle voit ses cheveux au naturel. Sa «libération» a eu des conséquences inattendues: «J’ai commencé à me renseigner et, très vite, je suis entrée dans le militantisme, alors que je n’étais pas du tout branchée politiquement avant.»
Les cheveux crépus discréminés
Car en plus de faire grandir l’estime de soi, assumer ses cheveux crépus au Brésil est souvent une lutte. Dans certaines entreprises par exemple, on fait comprendre que porter les cheveux afro n’est pas «recommandé», témoigne Nanda. «Le Brésil est encore incroyablement raciste», se désole-t-elle. Récemment, Maju, la première miss météo noire au Brésil, et une des premières à assumer les cheveux crépus à la télé, a souffert de commentaires racistes sur la page Facebook du JT début juillet.
Mais preuve que les choses sont peut-être en train de changer : cette campagne de haine a été suivie immédiatement d’une grande vague de soutien à Maju sur les réseaux sociaux.