Des spectromètres de poche permettent désormais d’analyser le contenu de nos aliments. De quoi inciter les producteurs à proposer des produits plus sains.
L’Institut national de veille sanitaire (InVS) a confirmé que les Français ont un taux de pesticide plus élevé dans le sang que leurs voisins allemand ou américain. Mais nous avons tous des polluants persistants dans notre corps, et certains y sont à perpétuité, à tel point que nos cimetières sont exceptionnellement pollués. Il s’agit de métaux lourds, de perturbateurs endocriniens ou encore de carcinogènes. Comme la transparence sur le sujet n’a guère évolué depuis que le nuage de Tchernobyl s’est poliment arrêté à notre frontière, il est peu probable que l’information sur la présence de polluants organiques persistants et de traces hormonales ou antibiotiques dans l’alimentation soit totalement volontaire.
Ce que René Guénon avait qualifié de « règne de la quantité » nous a amenés à créer un système pervers dans lequel notre agriculture s’épuise à ne produire qu’au volume des produits dont elle ne peut guère fixer le prix puisqu’ils sont devenus des commodités sans aucune distinction, et selon des quotas bien précis qui l’obligent à liquider ses surplus plutôt que de les transformer. Nous avons forcé la nature à produire comme nos usines, alors qu’il aurait fallu faire l’inverse. Transformer notre environnement en usine, c’est courir à notre perte.
« Tout ce qui est mauvais pour l’environnement et votre santé est peu cher »
Le chimiste James Lovelock déjà, le père de l’« hypothèse Gaïa » – qui fascine les astrobiologistes et les ingénieurs de SpaceX – selon laquelle la planète Terre forme un système vivant puisqu’elle est en homéostasie complexe, avait commencé sa carrière en observant des traces de produit chimique DDT à des concentrations physiologiquement significatives jusque dans le lait maternel. Nous continuons à contaminer notre propre chair en contaminant la nature. « Aujourd’hui, tout ce qui est bon pour votre santé et pour l’environnement est cher ; tout ce qui est mauvais pour l’environnement et pour votre santé ne l’est pas. Qui a conçu ce système ? » demande l’entrepreneur Gunter Pauli. En effet, tout est là : il faut arrêter d’opposer nature et industrie, cette opposition est une vieille lune du XXe siècle. Ce n’est pas à l’une d’éradiquer l’autre, mais à la nature d’enseigner, d’améliorer, d’éduquer l’industrie. Parce que la nature produit mieux que nous. « Essayez d’organiser un printemps, en termes de chaîne logistique, aucune entreprise n’y arriverait », déclare Janine Benyus, la mère du biomimétisme moderne.
Une nouveauté geek pourrait aussi bouleverser notre rapport à la pollution : la démocratisation de l’analyse physico-chimique. Durant la catastrophe de Fukushima déjà, une start-up russe avait proposé des compteurs Geiger connectables à un smartphone, histoire d’aller soi-même vérifier si l’État ne nous aurait pas caché deux ou trois choses. Une start-up israélienne propose à présent des spectromètres de poche pour analyser le contenu de n’importe quel aliment. Exit le plomb dans les nouilles, le bisphénol, les traces d’hormones contraceptives, de pesticides ou de médicaments ! Si chaque consommateur avait les moyens d’analyser finement et rapidement tout ce qui serait en contact avec sa physiologie, il pourrait le diffuser instantanément sur les réseaux. De quoi inciter fortement les producteurs à modifier leurs produits. Après le selfie, le spectrie ?