L’entreprenariat agricole féminin est directement lié à la question de l’indépendance financière de l’agricultrice. Son intégration à toute la chaîne de valeurs dans le secteur agricole est une préoccupation nationale.
Un rapport de la Banque africaine de développement(BAD) intitulé « Empowerment of African Women through Equitable Participation in Agricultural Value Chains » souligne que les pays africains devront promouvoir l’autonomisation des femmes, notamment par leur intégration aux chaines de valeurs agricoles. Pour cela, la BAD a préconisé l’augmentation du nombre d’agro-entrepreneurs pour faciliter l’accès des femmes au financement et à la formation, l’amélioration de leur productivité et l’accroissement de leur accès aux marchés par la production et la commercialisation des produits destinés à l’usage féminin. Sur ce dernier point, la RDC a développé une stratégie spécifique visant la promotion de l’entreprenariat féminin dans le cadre de la création de parcs agro-industriels sur le territoire national.
Selon un vieux rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture(FAO), si les paysannes avaient le même accès que les hommes à la terre, aux technologies, aux services financiers, à l’instruction et aux marchés, il serait possible de nourrir des centaines de millions de personnes dans le monde. Et si l’agriculture africaine a un avenir, ajoute la FAO, c’est en grande partie grâce aux femmes paysannes, qui font vivre des villages, cultivent la terre, portent l’eau et gèrent l’ensemble de la chaîne de subsistance. Ce sont des héroïnes comme on l’a toujours déclaré, mais sans pouvoir de décision, sans instrument de travail adéquat et le plus souvent soumises aux hommes. C’est en s’appuyant sur ces dizaines de millions d’agricultrices que l’on pourrait viser la souveraineté et la sécurité alimentaire.
Les défis de la modernisation
Lors d’une réunion des femmes de toutes les conditions, tenues à Kinshasa en avril dernier, les femmes ont identifié plusieurs défis à relever si on veut réellement assurer leur autonomisation, en général, et celle de la femme paysanne en particulier. Ces défis constituent un frein au progrès de la femme, ont-elles fait savoir avant de souligner qu’ils sont liés à la nature même de la femme ainsi qu’à sa timidité. Pour certaines femmes, présentes à ces assises, il serait profitable de briser ce mythe naturel africain par un accompagnement psychologique et surtout responsabiliser la fille dès le bas âge au même titre que le garçon. Un autre défi, et non moins des moindres, est le refus ou le rejet de la part de la femme paysanne des innovations et des nouvelles technologies. Elle s’accroche aux anciennes pratiques, tournant ainsi le dos au développement.
C’est pourquoi, à chaque innovation, il faudra, de la part des accompagnateurs, d’instaurer des champs- écoles paysans, une pratique courante dans des projets financés par la FAO en RDC. La paysanne ne peut adopter une nouveauté que quand elle a vu les résultats. Les champs écoles ne sont que des champs de démonstration pour favoriser l’acceptation facile des innovations. Par ailleurs, les paysannes se sentent délaissées car de nombreux ateliers organisés sont tenus en français lorsqu’elles sont à 90% analphabètes. L’organisation de telles rencontres en langues nationales fera du bien à cette catégorie de personne qui a choisi le métier de la terre.
La méfiance face aux semences améliorées
Autre problème, le refus de la femme paysanne d’utiliser les semences améliorées pourtant très performantes et pouvant donner des rendements élevés de production. D’où la nécessité du renforcement des capacités des agricultrices en partant de la base pour amener l’innovation. En ce qui concerne l’accès aux crédits, les femmes ont relevé qu’en RDC, l’agricultrice n’est pas financée, les banques sont réticentes pour financer l’agriculture et qu’il est difficile pour l’ agricultrice d’accéder aux crédits. Pour contourner cette méfiance des institutions bancaires, les paysans, en général, s’organisent en mettant en place des petites caisses pour s’entraider. Cela n’est possible que pour les organisations paysannes. Les femmes se sont également souvenues de la loi agricole qui a prévu la mise en place d’un fonds interne pour résoudre les problèmes des producteurs agricole. Il est souhaitable de renforcer les capacités de gestion des crédits des paysans.
Pour les femmes, l’agricultrice ne pourra être autonome que quand elle vendra des produits à valeur ajoutée. Elle doit cesser de vendre au premier venu dans le but de se débarrasser de la marchandise. Et être en mesure de transporter son produit, l’évacuer, le transformer et, en plus, le conserver pour mieux participer à la chaîne de valeurs, s’en sortir et jouir de sa récolte après un dur labeur. Parmi les objectifs à atteindre, il y a le renforcement de la qualité de l’agriculture dans la transformation et la conservation ; l’aide à pour qu’elle s’intègre dans la chaîne de valeurs ; encourager et favoriser les ventes groupées ; aider les paysannes à évaluer leur production pour pouvoir se rendre compte des gains ou pertes. C’est en quelque sorte, le renforcement des capacités de la paysanne afin qu’elle puisse mener ses activités du début à la fin en se spécialisant sur une culture bien déterminée.