Pétrole : sombres perspectives pour la RDC ?

Une plateforme pétrolière dans l’océan Atlantique.
Une plateforme pétrolière dans l’océan Atlantique.

Un baril de pétrole à 20 dollars ! Les experts n’excluent pas cette probabilité face à la chute effrénée des prix sur le marché des matières premières. Cette réalité affecte les recettes de l’État, réduites à plus de 50% de leurs assignations. Le principal pétrolier producteur, Perenco Rep, menace d’arrêter l’exploitation pétrolière au profit du gaz.

Selon une note du ministre des Finances, Henri Yav Mulang, datée du 20 août, le Trésor public n’a perçu que quelque 120, 759 millions de dollars au cours du premier semestre de 2015. Cette note souligne que les mois de février, mars et juin ont été particulièrement catastrophiques : les pétroliers producteurs ont juste versé 10 millions de dollars (en février), 11 millions (en mars) et 9,5 millions de dollars (en juin) alors que le gouvernement s’attendait à percevoir de leur part en moyenne 38 millions de dollars par mois, d’après le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), Deogratias Mutombo. Le gouvernement tablait ses prévisions sur le prix du baril de pétrole autour de 60 dollars.

Pourtant, les cours mondiaux du baril de pétrole sont descendus jusqu’à 40 dollars.

Prétentions revues à la baisse

Les cours des matières premières ne cessent de chuter depuis le début de l’année. Ce qui n’est pas sans conséquences sur les budgets des États producteurs de pétrole. Plus près de nous, l’Angola qui est l’un des plus grands producteurs d’or noir en Afrique et membre de l’Organisation des pays producteurs et exportateurs de pétrole (OPEP) a, en juillet,  réduit de 26% son budget 2015. Et sollicité, ce qui n’était plus arrivé depuis 2010, un appui financier de 650 millions de dollars auprès de la Banque mondiale. Quant à la RDC, les pétroliers producteurs rapportent en moyenne à l’État 450 millions de dollars par an. Mais, compte tenu de la crise actuelle, le gouverneur de la BCC redoutait que les recettes mensuelles de l’État ne soient rognées de moitié ou plus. C’est justement cela qui s’est produit au terme du premier semestre de l’année en cours. Au lieu de près de 230 millions de dollars, le Trésor public a, à peine, encaissé la moitié de cette somme (voir tableaux).

La part de COHYDRO

Actuellement, selon les données de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE/RDC), les entreprises pétrolières en phase de production à Muanda, dans le Kongo-Central sont Perenco, Chevron ODS, Muanda International Oil Company (MIOC), Lirex, Surestream et Teikoku Oil. Celles qui sont encore en phase d’exploration sont les entreprises en phase d’exploration sont Soco, Surestream appelé aussi Energulf qui a été remplacé par Nessergy. Le franco-britannique Perenco-RDC est l’opérateur technique de la société MIOC, qui exploite le pétrole en offshore avec deux entreprises partenaires, le japonais Teikoku et une filiale du groupe ODS formé par l’américain Chevron et le français Total.

Sur les champs terrestres (onshore), c’est encore Perenco qui exploite le pétrole pour le compte de deux entreprises, Perenco Rep, avec 55% des parts, et LIREX, avec 45% des parts dont le tiers revient à la Congolaise des hydrocarbures (COHYDRO). Jusque-là actionnaire unique de la COHYDRO SA, l’État détient également 20% des parts dans les sociétés concessionnaires offshore. Son représentant, encore société publique, COHYDRO SA n’effectue aucune opération de commercialisation du brut congolais. José Bafala, actuellement représentant de la RDC à l’Association des pays producteurs de pétrole africains (APPA), qualifie le pays de « Sleeping Partner » dans l’exploitation de son pétrole au large de Muanda. Il se contente, en effet, des recettes générées par les royalties, les droits superficiaires annuels, l’impôt sur les bénéfices et les profits, l’impôt spécial forfaitaire, les dividendes, le bonus de signature, la taxe de statistique et la marge distribuable (profit oil État associé).

Les sociétés productrices versent les revenus dus à l’État par le biais des services spécialisés dont la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD) et la Direction générale des douanes et accises (DGDA). Il s’agit, entre autres, des royalties de 12,5% de la valeur des hydrocarbures à la tête de puits, contrairement à la plupart des pays producteurs qui font référence à la valeur d’exportation.

Les producteurs on shore paient également un impôt spécial forfaitaire de l’ordre de 50% sur les bénéfices et ne réservent à la COHYDRO que les chiffres inhérents à la quantité du brut au titre des royalties revenant à l’État. Les producteurs offshore lui versent d’abord  une taxe statistique de 1% sur les exportations du pétrole brut, puis 40% de la marge distribuable après déduction de toutes les dépenses opérationnelles, y compris les frais de forages incorporels et puits secs, ensuite 20% de participation perçus sur les 60% de la marge distribuable des sociétés après déduction de la participation, soit 20% et des autres montants déductibles  en vertu du régime du droit commun et qui n’auraient pas été déjà déduits.

Un avenir sombre

Les perspectives sont plutôt moroses. La surproduction des pays membres de l’OPEP n’est guère de nature à rehausser le cours du baril de l’or noir à court terme. En RDC, même le principal pétrolier producteur, le franco-britannique Perenco Rep, envisage d’arrêter l’exploitation du pétrole pour le gaz dans sa zone d’activités où quasiment tous les puits sont à sec. Perenco compte, à moyen terme, exploiter quelque 30 milliards de m³ de gaz longtemps brûlé par torchère, dont 10 milliards en onshore. Dans le Graben albertine, même le ministère des Hydrocarbures ne sait avancer une date quant au début de l’exploitation de la firme Oil of DRC. La RDC ne produit à peine 30 000 barils de pétrole par jour.


Le Kongo-Central et le pétrole

Mais que gagne le Kongo-Central de l’exploitation de «son» pétrole ? En février 2015, Jacques Mbadu, le gouverneur de cette province qui s’appelait à l’époque Bas-Congo, avait  obtenu du Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, le relèvement à 250 000 dollars par trimestre de la rétrocession pétrolière au profit de la province.  Selon les pétroliers producteurs, la production globale du littoral à Muanda est en moyenne de 9,3 millions de barils par an, dont 5,6 millions pour l’offshore et 3,7 millions pour l’onshore.

C’est en moyenne quelque 115 millions de dollars, par trimestre, que les pétroliers producteurs versent à l’État. À la suite de la dégringolade des cours du baril d’or noir à l’international, la rétrocession de la manne pétrolière au Kongo-Central devrait en pâtir. Depuis une quinzaine d’années, Perenco affecte quelque 210 000 dollars par an aux actions sociales dans la région de Muanda.  Mais les habitants de Muanda pensent que cela est insuffisant pour une cité au bord de l’Atlantique et qui mériterait une vie de cocagne. Malgré son pétrole, la ville de Muanda ne compte que deux stations-service appartenant à des privés.